Société des Missions Africaines – Province de Lyon
Le Père Pierre MORILLON
né le 5 septembre 1938 à Fécamp
dans le diocèse du Havre
membre de la SMA le 28 juin 1965
prêtre le 6 janvier 1966
décédé le 25 juillet 2014
1966-1967 Lyon, année pastorale
1967-1970 Savè (Dassa-Zoumé), vicaire
1970-1983 Kilibo (Dassa-Zoumé), responsable
1983-1997 Bohicon (Abomey),
responsable de Saint-Charles Lwanga
1998-2002 Lyon, 150, hôtelier
2003 Déville-les-Rouen, paroisse
2004-2008 Oissel (Rouen), responsable
2008-2014 Fécamp, paroisse
décédé à Fécamp le 25 juillet 2014,
à l’âge de 75 ans
Le Père PIERRE ÉMILE MORILLON (1938-2014)
Il naît à Fécamp, dans le diocèse du Havre, le 5 septembre 1938. Son papa meurt peu après sa naissance et sa maman est employée dans une usine. Il a une sœur plus âgée que lui. C'est au début de l'année 1957, alors qu'il est en classe de première dans un séminaire de vocations tardives en Seine-et-Marne (le séminaire Saint-Jean à Changis-sur-Marne) où il est rentré en 1955, qu'il prend contact avec les Missions Africaines. Le supérieur de la maison écrit de lui qu'il n'est pas un intellectuel, mais qu'il se tient dans une honnête moyenne ; il rappelle que plusieurs confrères, dont il cite les noms, sont déjà passés par son établissement. Le vicaire de Fécamp apprécie le changement intervenu chez Pierre depuis son entrée au séminaire : "Caractère genre bourru. Je l'ai longtemps qualifié d'ours, mais le fait de se trouver à Saint-Jean avec des jeunes d'âge plus assorti au sien l'a ouvert considérablement. Il se livre maintenant beaucoup plus facilement." (05/05/58) Il est admis à Chamalières où il fait deux ans de philo avant d'entrer au noviciat en 1959. Après son premier serment, il fait deux années de service militaire à Compiègne puis à Saint-Cyr (1960-1962). A la fin de ses quatre années de grand séminaire à Lyon et de son année pastorale, le provincial écrit de lui : "Un peu brusque parfois avec ses confrères, appliqué au travail, mais a besoin parfois d'être dirigé, intelligence plutôt pratique, aucun diplôme, caractère un peu impulsif, pessimiste, mais sait se reprendre, mauvaise vue du côté droit, à mettre dans le ministère avec un Père qui le comprenne et l'aide." (05/05/67).
En 1967, on lui laisse la possibilité de choisir son pays de mission et son diocèse : il choisit le Bénin et le diocèse d'Abomey avec Mgr Agboka. Il commence par être vicaire à Savè, aujourd'hui dans le diocèse de Dassa-Zoumé, puis, en 1970, il est nommé curé de la paroisse de Kilibo. A cette époque, c'est un gros village, au nord de Savè, chez les Nagots, région agricole, très pauvre, avec une quinzaine de stations secondaires, une église en construction qui est loin, très loin d'être achevée et une mission qui manque de tout ; aussi il envoie une circulaire à ses amis : "La mission doit elle aussi être équipée, cela va de la petite cuillère aux draps de lit. […] Vous voyez vous-mêmes qu'il y a du travail et qu'il faut des fonds, beaucoup de fonds, mais je vous fais confiance." (05/08/70) L'année suivante, au cours de son congé, le docteur Plauchu s'inquiète, car il a pris 26 kg durant son premier séjour au Bénin et laisse au Conseil provincial la responsabilité de le laisser repartir ou non.
Ce n'est que lors de son congé en 1974 que le Conseil lui demande de rester en France, au moins pendant une année et d'aller à Lille tenir compagnie au père Devienne, et aussi pour refaire sa santé. Il en est très affecté : il accepterait à la rigueur, mais à contre cœur. Un groupe de chrétiens de la paroisse, craignant que l'église ne soit pas finie, tente également une intervention auprès du Conseil provincial. De son côté, Pierre écrit : "Je vous renvoie vos vœux de bonne fête. Vous m'excuserez de ne pas y croire. […] J'ai fait trop de sacrifices pour l'église de Kilibo, je voulais tant la terminer. Aujourd'hui, je pleure et je regrette mon sacerdoce pour la première fois. […] Ce n'est pas la peine non plus d'écrire à ma mère ; vous lui feriez trop de peine, car elle aussi a fait des sacrifices pour Kilibo ; elle voulait même venir. Par charité, laissez-la en dehors de tout cela, vous la feriez mourir." (24/06/74) Et quelques jours plus tard : "Je vous en supplie, changez votre décision. Je suis capable de tous les sacrifices, mais pas de celui-là. […] Si vous maintenez votre décision, je vais faire une dépression. […] Depuis samedi, je n'ai pas pu manger ni dormir." Finalement, il fait le stage de l'Arbresles et repart à Kilibo et y restera jusqu'en 1983.
Dans ses quelques lettres, il reste très discret sur son travail à Kilibo. On peut deviner cependant qu'il était très proche des gens : c'est ce qu'il veut dire quand il écrit : "Mon idéal, c'est de rendre service aux gens, aux pauvres ; Je n'ai jamais refusé un service." En 1982, la mission est en partie détruite par un incendie. Il écrit : "Après l'incendie de la mission, je m'attendais à un mot d'encouragement, ou à un petit geste pour me venir en aide. Ce n'est pas quand le navire prend feu que le capitaine abandonne son navire avant de sauver son équipage." (01/04/82) Finalement, il reçoit un chèque de la Province et il écrit : "Le moral est bon. Dans ces cas, il faut lire et relire le livre de Job : Il m'avait tout donné et il m'a tout repris, que son nom soit béni." (05/07/82) Il ajoute dans la même lettre : "Un proverbe nagot dit que lorsque la maison du roi est brûlée, après elle est plus jolie, ce qui est le cas." Il termine sa lettre en citant saint Bernard : "Invoque Marie, il n'y a pas de maux qu'elle ne puisse guérir ; il n'y a pas de ténèbres qu'elle ne puisse dissiper ; il n'y a pas de détresse qu'elle ne puisse secourir." Le lundi 4 avril 1983, avant son départ en congé, Mgr Assogba vient bénir la nouvelle église de Kilibo, aboutissement du travail de bien des années, couronnement de bien des efforts. Maintenant, il peut accepter de quitter la paroisse.
A son retour au Bénin en novembre 1983, il est nommé à Saint-François d'Assise de Bohicon, mais il se retrouve curé de Saint-Charles Lwanga, toujours à Bohicon où il va rester 15 ans. Trois circulaires de cette époque permettent de se faire une idée du travail réalisé. Une nouvelle église sera inaugurée le 6 janvier 1991. "Nous sommes maintenant deux sur la paroisse, et la construction d'un nouveau presbytère s'impose, car le jeune qui est avec moi loge pour l'instant à la sacristie. […] Il y a environ 3000 catéchumènes et 26 stations. Quand on vient en congé, on constate que les églises se vident. Ici, ce serait, si on peut s'exprimer ainsi, le trop plein, ce qui prouve la vitalité de l'Eglise." (08/12/90) "Les sectes sont de plus en plus nombreuses. De plus en plus, on reconstruit les temples fétiches, et les couvents fétiches se multiplient. […] J'ai construit une nouvelle église, qui deviendra paroisse, mais faute de moyens, j'ai dû abandonner le dallage et le chœur. […] Il y a maintenant 36 villages qui ont une petite communauté chrétienne et d'autres villages demandent que nous les visitions." (08/12/94)
Plus que tout ce qui est fait sur le plan matériel, un article qu'il écrit pour Le Lien découvre le vrai Pierre Morillon : "Il faut savoir accueillir l'autre. Un cantique dit que tout homme est mon frère. Oui, chaque fois que nous rencontrons quelqu'un, c'est un frère, et ce frère c'est le Christ qui vient à notre rencontre. [...] Il n'y a pas de secret pour l'évangélisation, ou plutôt si, un, il faut aimer les gens, les aimer d'un amour désintéressé. Accepter parfois d'être trompé. [...] Il faut que les gens disent de nous c'est notre père. Un père, c'est celui qui pardonne à ses enfants."
A moment où il va quitter la paroisse, il parle maintenant de 45 villages qui ont une communauté chrétienne, et il a commencé la construction d'une douzième église depuis qu'il est arrivé au Bénin : un record sans doute ! Réaliste, il se rend compte qu'il est temps pour lui de passer la main, c'est pourquoi il écrit au Conseil en avril 1996 : "Si en 97 vous avez un job pour moi, je serais intéressé." On commence à parler pour lui d'une éventuelle place à Lyon comme hôtelier. Cependant, le Conseil voudrait bien qu'il fasse auparavant une année de recyclage, mais lui n'est pas de cet avis. En 1997, il vient donc au 150, se repose, se soigne, en particulier pour la tension, apprend à connaître la communauté, s'insère un peu dans l'Eglise de Lyon, prend son tour de permanence à l'accueil de la maison. L'année suivante, il est nommé hôtelier. "C'est un poste important qui demande de la disponibilité et de l'attention, de telle manière que tous ceux qui viennent dans la maison s'y sentent à l'aise et attendus. Les confrères d'Afrique apprécient beaucoup ce service quand ils rentrent en congés. Nous te le confions, sachant que tu sais accueillir." (24/09/98) En plus de cette nomination, très vite, il trouve des engagements au niveau du Secours Catholique, des équipes Notre-Dame, d'un centre de handicapés et d'une paroisse de la ville de Lyon.
Après cinq années passées à Lyon, il voudrait bien se rapprocher de son Fécamp natal et de son diocèse du Havre. Il commence par une nomination au CHU de Rouen et se retrouve au centre diocésain pour l'Eucharistie et les repas ; il n'y reste qu'une année, puis il donne son accord pour aller en paroisse, d'abord à Déville-les-Rouen, en 2003, puis à Oissel dans la banlieue de Rouen ; il y résume ainsi son travail : "J'avais besoin de contacts et de vie paroissiale ; [...] Le travail est celui d'un curé : beaucoup de réunions, catéchisme, équipes Notre-Dame, communautés chrétiennes africaines, pastorale des migrants, etc. Ici, il y a beaucoup d'Africains à cause d'un foyer d'émigrés, surtout des Rwandais, et d'un centre de rétention." (26/03/07) Le diocèse est heureux de ses services : "Sachez que la présence du Père Morillon à Rouen est appréciée, et qu'il a trouvé dans ses services chez nous un nouveau souffle pour son ministère de prêtre." (lettre du vicaire épiscopal du 19 septembre 2004)
En 2008, il avertit l'archevêque de Rouen qu'il rejoint son diocèse du Havre. L'archevêque déplore cette décision prise sans concertation et sans qu'aucune information ne lui ait été donnée de la part des supérieurs de la SMA. Le provincial également est seulement averti. Le Conseil prend acte mais précise : "Nous souhaiterions que tu nous précises quelle serait ta position à Fécamp (prêtre auxiliaire, prêtre retraité chez toi ou au presbytère) et quel est l'avis de l'évêque du diocèse qui doit normalement prendre contact avec nous pour examiner la situation." (03/03/08) Il n'aura jamais de nomination précise dans le diocèse du Havre. On lit seulement dans le "Fécamp forum", journal paroissial : "Bienvenue au père Morillon ; il n'est pas nommé à Fécamp, mais à souhaité y prendre une retraite bien méritée après avoir accompli son ministère au Bénin pendant 30 ans dans le cadre des Missions Africaines de Lyon. Beaucoup d'entre nous le connaissent bien, puisqu'il est né rue Arquaise en 1938 et fut un scout fidèle. […] Il rendra de multiples services à la vie paroissiale, notamment dans le cadre cultuel." (septembre 2008)
De fait, il a rendu bien des services dans cette paroisse de sa naissance et le curé n'hésitait pas à faire appel à lui, en particulier pour le remplacer à la messe du matin. Toujours proche de chacun, prenant le temps d'écouter ceux qui venaient le voir, il a vite été très à l'aise dans ce milieu qui était le sien. Il logeait seul dans un appartement, propriété de la paroisse et, en plus de quelques membres de sa famille, il avait retrouvé là des amis fidèles de longue date. Plusieurs fois il s'est plaint de maux de gorge, mais jamais cela n'a été pris très au sérieux. Quand on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'un cancer, le mal était déjà bien avancé. Hospitalisé à Rouen, puis à Fécamp, le mal a progressé rapidement les semaines qui ont précédé son décès. La veille de sa mort, à des confrères venus le visiter, il a bien fait comprendre qu'il se savait proche de la grande rencontre. Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre écrit ceci après son décès : "Le père Morillon vivait sa fidélité au Christ dans une attitude d'ouverture simple aux hommes qu'il rencontrait, soucieux de respecter leurs particularités culturelles et cherchant humblement avec eux les chemins de découverte de l'Évangile."
Il est décédé à l'hôpital de Fécamp le 25 juillet 2014. ___________________
Le témoignage de son ami musulman Yessoufou TCHABI
"[...] C'est riche de 47 années de route commune avec lui que je viens rendre témoignage de ce qu'il a été : bon, aimant, tolérant… malgré une réserve toute chaleureuse. Musulman il m'a connu, musulman il m'a aimé et musulman il m'a préservé. Au musulman que je suis resté, il a fait connaître Christ. Chantre de l'apôtre Paul, Pierre m'a appris que, avec Christ ; ni la distance, ni le temps, ni la couleur de la peau, ni les classes sociales, ni même l'appartenance à des religions différentes ne résistent à la force de l'hymne chanté aux Corinthiens, pas plus qu'à la force de la Foi, de l'Espérance et de la Charité. Pierre a donné sa vie. Une douleur et une émotion toute humaines m'étreignent en ces moments d'adieu, mais je sais que le père MORILLON sera toujours Vivant à travers les germes qu'il a semés à Savè, à Kilibo, à Bohicon. J'en suis un symbole ! C'est pourquoi, des profondeurs, je crie vers toi Seigneur afin que les portes du paradis s'ouvrent pour Pierre, notre ami, notre frère, notre père, notre oncle, cette étoile qui éclairera nos nuits. Amen Yessoufou Tchabi |
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