Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 15 janvier 1928 à Nantes (Loire-Atlantique) dans le diocèse de Nantes (France) membre de la SMA le 25 juillet 1950 prêtre le 11 février 1954 décédé le 4 avril 2012 |
1954-1955 Sainte-Foy, professeur décédé à Montferrier-sur-Lez le 4 avril 2012, |
Le père André Alexis Charles GUILLARD (1928-2012)
Nantais d'origine, il est membre d'une famille nombreuse ; en effet, il a quatre frères, dont l'un est prêtre aujourd'hui dans le diocèse de Nantes, et quatre sœurs, dont une sœur jumelle ; son papa est maraîcher. Après ses études primaires, il rentre au petit séminaire de Guérande en 1940. Rien dans son dossier ne permet de dire ce qui motive ce choix : est-ce lui qui, à douze ans, demande à rentrer au séminaire ? Y a-t-il une autre raison ? Il reste quatre ans à Guérande. Notons que, du fait de la guerre, le séminaire de Guérande a dû se replier un temps à Ancenis. Il passe ensuite une année au séminaire des Couëts, avant de rentrer à Pont-Rousseau en 1945 pour y terminer ses études secondaires. Après les deux années de noviciat à Chanly, il rentre directement au grand séminaire, au 150, à Lyon. Nous sommes en 1950. Appartenant à une famille nombreuse, il est exempté du service militaire. Il peut donc, sans interruption faire les quatre années de grand séminaire et est ordonné prêtre en février 1954, quelques mois avant la fin de ses études de théologie.
Sa première nomination l'envoie comme professeur à Sainte-Foy, dans la banlieue de Lyon. 1954 est en effet une année de changement pour les Missions Africaines. La maison de Chamalières, jusque-là petit séminaire du premier cycle, est réservée maintenant aux philosophes, entre les études secondaires de Pont-Rousseau et le noviciat de Chanly. Les jeunes élèves sont alors repliés sur la région lyonnaise et, en attendant que la maison de Chaponost soit prête pour les recevoir, la première année se passera à Sainte-Foy, mais dès l'année suivante, tout le monde se retrouve à Chaponost, et le jeune père André y est même nommé directeur des études. Il n'y attendra que deux ans sa première nomination pour l'Afrique. "Le Conseil a décidé de vous mettre à la disposition de Mgr Chopard-Lallier pour le diocèse de Parakou. […] Nous vous souhaitons un long et fructueux apostolat dans ce diocèse presque neuf où beaucoup de travail vous attend." (29/07/58)
Il commence par passer deux ans comme vicaire à Parakou, où il a l'occasion de faire une sorte d'initiation pastorale ; puis il est nommé supérieur du petit séminaire du diocèse, poste qu'il va occuper pendant six ans. Il va y laisser un excellent souvenir, tant auprès des élèves qui ont fréquenté la maison, qu'auprès des professeurs et des stagiaires qui sont venus y enseigner. Il demande alors à servir en paroisse dans le diocèse de Natitingou, "diocèse dans lequel j'ai beaucoup plus d'attaches qu'à l'est, par les séminaristes dont je m'occupe depuis six ans et qui sont presque tous de là-bas, et aussi par les innombrables séjours que j'ai faits un peu dans presque toutes les missions". (01/04/66) Il précise d'ailleurs dans cette lettre qu'il n'est absolument pas en désaccord avec Mgr van den Bronk, l'évêque actuel de Parakou, et que ce dernier accepte de le laisser partir, à la condition qu'il soit remplacé. Mgr Redois, l'évêque de Natitingou, l'envoie comme vicaire à Boukoumbé. "Les débuts ont été un peu durs, mais je m'y plais beaucoup maintenant. Cependant je n'y resterai pas ; la séparation de Boukoumbé en deux missions qui devait se faire l'an prochain n'est pas prête encore. Par ailleurs, Mgr Redois me demande de prendre le centre catéchétique à mon retour de congé. J'aurais préféré fonder une mission dans les Tanékas en collaboration avec le père Aguilhon, selon son grand désir… enfin, je ferai ce que Mgr me demandera." (21/12/66) Pendant son congé en France, il doit soigner une hépatite virale.
Il est alors nommé en 1967 responsable du centre Saint-Paul, à Natitingou : ce centre, fondé l'année précédente, est destiné à la formation humaine et spirituelle des catéchistes. Il y fait une grande partie des constructions. Durant son congé en France, en 1970, il suit une session de 6 jours à la fin de laquelle il écrit un peu désabusé : "Cette session nous a secoués et même troublés. On nous a fait comprendre que tout ce que nous avons étudié au séminaire est à remettre en question et à réinterpréter. Je serais très mal à l'aise pour continuer mon travail au centre Saint-Paul. Heureusement, je fonde Cobly à mon retour et pense pouvoir rester dans les limites de l'orthodoxie avec les gens simples de la brousse." (15/07/70) A Cobly, malgré des conditions matérielles bien difficiles, il est à son affaire : "J'ai la chance de pouvoir compter sur une bonne équipe de catéchistes et avec eux nous parcourons la brousse. […] Les Nyandés sont très accueillants et très ouverts." (04/12/71) "Je regrette seulement de ne pouvoir recevoir les confrères chez moi pour la nuit, ma case n'ayant qu'une chambre. J'aurais voulu en construire une autre, mais Mgr Redois est fauché et moi encore plus. […] J'essaie seulement de joindre les deux bouts en vivant simplement, et je n'y arrive même pas. […] Pour le moment, la révolution ne nous empêche pas de faire notre travail ; peut-être les militaires vont-ils mettre un peu d'ordre dans la maison ?" (25/11/72)
En 1977, il doit rentrer pour question de santé, et au moment où il repart, le Conseil provincial lui donne le feu vert en disant tout de même qu'il préférerait envisager pour lui un séjour de trois ans en France pour "refaire ta santé et la consolider avec un maximum de sécurité." (16/09/77) Quant à lui, il veut absolument rester en Afrique. "La santé se maintient et pour la conserver, j'ai réduit mes activités, surtout à une présence au centre, où malheureusement nous n'avons pas un écolier ni au catéchisme ni à la prière. En brousse, il y a des groupes qui marchent très bien, quand les catéchistes se donnent la peine de faire leur travail." (9 décembre 1977) Mais le climat politique n'est pas facile : "Les gens de la mission, catéchistes et cuisinier, sont des suspects à écarter de la vie politique. Les allées et venues ici sont contrôlées, ce qui fait de la mission un désert. […] Assistance à la prière en baisse, surtout au centre." (05/12/78) Malgré cela, il reste très attaché à Cobly, et quand il lui faut quitter, il écrit : "De gros nuages s'accumulent à l'horizon de 1980. Le conseil de l'évêché m'arrache brutalement à Cobly où j'estime l'œuvre entreprise absolument inachevée, et me désigne 'volontaire' pour Natitingou où je ne voulais absolument pas aller. Je devrai rejoindre le poste le 1er juillet 1980. C'est pour moi une épreuve terrible, et de quitter Cobly et de prendre Natitingou. J'avais trouvé un travail à ma mesure à Cobly ; je n'envisageais rien d'autre pour l'avenir en Afrique." (30/12/79)
Il est maintenant le curé de Natitingou. "Le centre est heureusement bien organisé. […] Le moral est bon quand même. La santé serait bonne, si ce n'était que je deviens dur de la feuille et surtout une cataracte à l'œil gauche qui m'ennuie beaucoup". (06/12/80) Pendant son congé en 1982, il dit en plaisantant qu'il fait une révision générale : opération de la cataracte à l'œil gauche, ablation d'une tumeur qu'il avait à la main gauche, extraction d'une dent à problème dans le maxillaire gauche Tout est réussi, mais il doit prolonger un peu son congé pour repartir en bon état. Il doit porter des lentilles pour y voir parfaitement, mais l'œil gauche ne supporte pas longtemps une lentille. "Peut-être l'opération est-elle encore trop récente. Cela m'inquiète tout de même ; j'ai besoin de mes deux yeux pour faire le travail qui m'est confié en Afrique." (18/09/82) Sur place, les conditions semblent réunies pour que tout se passe pour le mieux : "Maintenant les salles de catéchisme sont pleines et nous allons devoir multiplier les messes pour que tous puissent entrer à l'église ; il y a un retour à la vie chrétienne qui nous surprend et nous réjouit beaucoup. […] Ce n'est qu'au cours de mon voyage de retour (en bateau) que mon œil gauche a accepté sa lentille. Maintenant, c'est bon." (10/12/82) Pourtant, Il doit rentrer encore en 1983 pour se faire soigner les yeux. Il ne manque pas d'humour lorsqu'il écrit : "Mgr Okioh, nouvellement nommé, fera son entrée dans sa cathédrale le mercredi des cendres, ce qui résout le problème de la réception, puisque c'est un jour de jeûne et d'abstinence !" (20/02/84)
A cause de ses problèmes de vue, c'est lui qui prend l'initiative d'écrire au Conseil provincial : "J'aimerais prendre un poste d'aide procureur dans une de nos maisons. Le moment de ma dernière opération approche et je préfère l'attendre en France. Un troisième harmattan avec mes lentilles serait un supplice pour mes yeux. Je supporte de moins en moins bien les lentilles." (10/08/84) Finalement, il rentre à la fin de septembre 1984 et le docteur décide de l'opérer du second œil. Il n'a pas de nomination en France à ce moment, mais le Provincial lui écrit que le Conseil pense à lui pour la procure de Paris où le père Mercier commence à prendre de l'âge. Son opération se passe bien et sa famille le garde en convalescence jusqu'à la fin de l'année. Le Conseil lui écrit de nouveau qu'il compte sur lui pour un coup de main à la procure de la rue Crillon. Pourtant, contre toute attente, il repart à Natitingou, mais pas pour longtemps. Sa santé l'oblige à rentrer : "Après les événements d'hier, mes derniers scrupules de quitter l'Afrique sont tombés. En effet, j'ai failli rester sur le billard de l'hôpital de Natitingou, alors que j'étais endormi pour l'opération d'un genou. Les chirurgiens n'avaient heureusement pas encore commencé à jouer du bistouri quand une grave crise cardiaque s'est déclenchée. Ils ont fait la manœuvre inverse et mis en place le dispositif de réanimation. Mon heure n'était pas venue." (27/03/87) Le 30 avril 1987, il reçoit sa nomination pour la rue Crillon, nomination pour quatre ans : une année comme aide procureur du père Bioret, puis trois ans comme supérieur.
En fait, il va passer moins d'une année à Crillon. Déjà en novembre 1987, il voit le Provincial et demande à repartir en Afrique. On lui propose Djougou ou l'aumônerie de l'hôpital de Tanguiéta. Il choisit l'hôpital. En parlant de ce temps à la rue Crillon, il parle de "ce pénible intermède dans ma vie missionnaire." (01/01/88) Il quitte Crillon pour la semaine sainte et a l'intention d'arriver au Bénin en mai. Nommé pour deux ans à l'hôpital de Tanguiéta, n'étant pas très à l'aise dans cette pastorale, il fait intervenir le supérieur régional pour obtenir son changement. En février 1989, le Régional écrit à l'évêque pour demander de rompre le contrat et pour nommer le père Guillard dans une paroisse. Les Frères et les malades sont contents de son travail à l'hôpital, mais André Guillard "n'est pas très à l'aise dans cette pastorale". Le premier contrat devait s'achever en février 1990, mais à la mi-septembre 1989, il est nommé à Kotopounga. "Je suis entièrement d'accord de le mettre à Kotopounga comme il le souhaite ; en effet, cette paroisse est à taille humaine ; il pourra s'y épanouir." (Mgr Okioh, 20/03/89) Il va y rester 7 ans jusqu'en 1996. "Je suis dans ma nouvelle et petite mission de Kotopounga. Je m'y plais beaucoup, mais quelle différence avec ce que j'ai connu ailleurs. […] On est vraiment au stade de la première évangélisation, cela malgré le labeur des trois prêtres qui m'ont précédé depuis 20 ans. L'heure de la moisson n'est pas encore venue. Rien de comparable avec la région berba ou nyendé. (28/11/89)
Il rentre en 1990 en France pour faire soigner un paludisme résistant, "son état nécessitant son maintien en France pour un long traitement." (le médecin de Tanguiéta le 20 mai 1990) Il repart cependant au Bénin avant la fin de l'année, mais : "côté palu, pas d'imprudence, traitement sévère ; côté cœur, médicaments trois fois par jour, contrôle trimestriel chez le cardiologue de Cotonou auquel le docteur de France envoie mon dossier avec une lettre explicative". (20/09/90) Sur place, le médecin de Tanguiéta avoue son impuissance : "Notre insistance pour une hospitalisation s'est butée au refus du malade qui a toujours prétexté ses charges pastorales. […] Décision : à hospitaliser d'urgence. En cas de refus, notre responsabilité se trouve dégagée." (23/11/91) (la dernière ligne est écrite en rouge) Finalement, il n'est pas hospitalisé, rentre en congé en 1992 et le docteur l'autorise même à repartir. Dans sa circulaire de 1993, il parle de trois chapelles qu'il a construites dans des villages de brousse, cette année Yarikou et Wêtipounga. Il regrette deux choses : de ne pas savoir la langue de l'ethnie où il travaille et que les chrétiens ne prennent pas en charge la vie matérielle de leur église : "Si je devais partir, je ne sais pas comment se ferait le rétablissement. L'Africain vit au jour le jour. La confiance en la Providence est une qualité, mais elle ne doit pas remplacer la prévoyance humaine… Je fais cependant confiance à l'Esprit-Saint qui en ce domaine est le Maître d'œuvre." (30/11/93)
Il a de nouveau des problèmes de vue avec son œil qui est le meilleur. En 1995, le supérieur régional lui demande de prendre désormais un chauffeur pour conduire sa voiture, car en conduisant lui-même il prend un trop grand risque, et il ajoute que la caisse d'intervention prendra en charge le salaire de ce chauffeur. (03/03/95) Quand il rentre en France en 1995, le docteur refuse de l'opérer des yeux, mais lui prescrit une nouvelle paire de lunettes. Il écrit : "Je ne conduirai plus jamais en France ou à Cotonou. J'aurai un chauffeur pour les déplacements autres que ceux en station, comme le recteur de Chabi-Kouma." (24/08/95) Quand il repart en 1997, il est nommé curé de la paroisse Saint-Michel à Natitingou, et déjà à ce moment-là il a des problèmes d'arthrose à la main droite qui lui occasionnait de grandes difficultés pour écrire. "Le docteur est d'accord avec le feu vert. […] J'attends la confirmation que vous me donnerez, j'espère, écrit-il à ses supérieurs, m'autorisant à un retour en Afrique pour la fondation de la paroisse de Saint-Michel de Natitingou. A mon départ de Natitingou pour la France, Monseigneur Assogba m'avait dit : je vous attendrai le temps qu'il faudra, mais sachez que je maintiens votre nomination." (31/12/96) Avant de repartir le 17 février 1997 pour le Bénin, il écrit au Provincial : "Je pense que je vais faire là mon dernier retour en Afrique. Ma santé m'y oblige, mais aussi mes séjours trop fréquents en famille. […] Je crois que l'avenir pour moi devrait être Montferrier à la fin de ce nouveau séjour." (15/02/97) "Montferrier est le bout du monde pour un Nantais. Je laisse au Conseil provincial le soin de choisir la maison qui pourra m'accueillir. J'aimerais ne faire qu'un bref séjour en famille à mon retour en France, avant de rejoindre mon lieu de retraite." (22/02/98) Dans le même temps, il écrit au Régional : "Je me suis fait à l'idée de rentrer en France, et, chose surprenante, j'en suis même content, et me dis que plus tôt ce sera, mieux ce sera. Je ne suis plus de taille à poursuivre la fondation de Saint Michel, le curé ne peut se contenter de jouer le rôle d'un prêtre habitué ; […] Le Seigneur saura trouver le curé ad hoc." (13/03/98) Finalement, il rentre le 4 juillet. On pourrait presque dire : il n'avait que 70 ans !
Montferrier, la maison de retraite : il va y passer 14 ans : c'est sa plus longue nomination : "C'est un événement dans une vie de prêtre, une vraie rupture avec mon passé. Je vais commencer par m'occuper des points faibles de ma santé. J'aurai tout le temps de prier et de rester ainsi uni à la communauté que je viens de quitter." (01/09/98) Il a du mal cependant à s'habituer à cette nouvelle vie et il rêve tout haut, car il est dur de devoir s'arrêter, mais il n'avait pas le choix : "J'ai eu un moment d'émotion hier en recevant le Lien : mon nom ne figurant pas sur la liste des pères présents à Montferrier. J'ai pensé que peut-être il y avait du nouveau pour moi. Ce n'était qu'une fausse alerte." (03/12/98) Dans sa tête, il était toujours à Natitingou, et il lui arrivait encore de se demander pourquoi ses supérieurs l'avaient forcé à rentrer, et puis, il avait été si actif pendant 45 ans ! Il se rendait bien compte cependant que sa santé allait en déclinant en dehors de ses problèmes de vue. Au fil des ans, il a, peu à peu, comme perdu contact avec la réalité. Il est passé de la canne au fauteuil roulant, et il était totalement pris en charge - et très bien - par le personnel de la maison. Il restait souriant quand on le saluait, mais ne vous reconnaissait pas. Le Seigneur a choisi le mercredi saint pour le rappeler à Lui, comme pour célébrer la fête pascale en sa compagnie. Il repose désormais, avec nombre de ses confrères, dans le cimetière des Missions Africaines, à l'entrée de la propriété.
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