Société des Missions Africaines - Province de Strasbourg
![]() |
né le 10 mars 1921 à Dambach-la-Ville dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 13 mai 1942 prêtre le 6 juin 1949 décédé le 1er mai 2003 |
1943-1946 incorporé de force et captivité décédé à Sélestat, France, le 1er mai 2003 |
Le père Joseph SPEITEL (1921 - 2003)
Messe des funérailles, Dambach-la-Ville le 6 mai 2003
1ère lecture : Philippiens 1,3-7,9-11 - Evangile Jean : 20, 19-23
Homélie
Frères et sœurs, parents et amis du Père Joseph,
En notre communauté des Missions Africaines c’est le quatrième confrère que nous portons en terre en deux semaines. Les trois premiers sont décédés après plusieurs longues semaines de difficile agonie, impressionnant énormément les personnes de leur entourage… Et voilà que dans l’après-midi du premier mai, en pleine période de Pâques, le jour de la fête de St. Joseph ouvrier, le père Joseph nous quitte sans nous avertir… Depuis l’annonce de son décès j’ai été touché par les témoignages discrets qui me sont parvenus, insistant sur sa bonté, sa discrétion, son sourire… J’ai été touché aussi par les paroles accompagnant l’avis du décès inséré dans le journal par ses frères et sœurs à qui il était très attaché et qui sont aussi très attachés à lui… Ces mots m’ont aidé un peu à comprendre pourquoi Joseph est parti ainsi : « Joseph n’a plus supporté la fatigue, une vie de bonté, un cœur doux et humble, des souffrances sans se plaindre. Les séquelles de la guerre ne lui ont pas permis son rêve d’aller en mission ».
J’ai été aussi très touché par l’annonce dans le même journal venant de la communauté de Zellwiller : « pendant 26 années, il a pleinement partagé toute la vie des habitants de Zellwiller. Accueillant et compréhensif pour chacun, il a traduit dans la vie quotidienne l’Evangile de Jésus Christ qu’il avait pour mission d’annoncer ».
Devant ces témoignages, faisant le point sur la vie de notre frère, il nous est facile de reprendre les mots de Saint Paul qui nous ont été livrés dans la première lecture. Saint Paul, qui comme notre frère Joseph, avait connu la souffrance et la captivité, pour des raisons un peu semblables, rend grâces pour la communauté de Philippes qui l’avait beaucoup soutenu et aimé. Il prie pour eux, leur demandant de poursuivre la transmission de l’Evangile et de progresser « en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner ce qui est important… ».
Frères et sœurs nous pouvons rendre grâce à Dieu pour le long ministère de notre frère. Les mots de Saint Paul en cette première lecture peuvent certainement s’appliquer à notre frère Joseph « Dieu m’est témoin que je vous aime tendrement dans le Cœur du Christ Jésus ».
Chaque fois que nous ferons mémoire de lui, comme Saint Paul, nous devons le faire dans l’action de grâces, nous rappelant, selon les mots de Paul la part qu’il a prise à l’Evangile. Si notre frère Joseph a pu porter l’évangile, c’est aussi parce que vous étiez là à l’aider, à le soutenir, à l’aimer… L’héritage qu’il nous laisse est à faire fructifier : « celui qui a commencé en vous cette œuvre excellente en poursuivra l’accomplissement jusqu’au Jour du Christ Jésus ».
Joseph se sentait appelé pour porter l’évangile… Il en a manifesté le désir très tôt et en montrait les aptitudes pour s’y préparer. Il avait été admis à l’école apostolique des Missions Africaines de Saint Pierre à la rentrée scolaire 1934. Le curé de sa paroisse, Dambach-la-ville, le recommandait de la façon suivante : « Joseph a toujours été un élève consciencieux et studieux ; il ne m’a jamais donné l’occasion de me plaindre de sa conduite. Il a toujours été un servant de messe très empressé et je lui souhaite de tout cœur que le Bon Dieu, par l’intercession de la très Sainte Vierge, lui accorde la grâce de monter un jour au Saint Autel comme prêtre et missionnaire ». Il poursuit normalement ses études secondaires jusqu’au noviciat qu’il accomplit de 1940 à 1942 alors que la guerre bat son plein. Il prononce son serment d’appartenance aux Missions Africaines le 13 mai 1942. En septembre de la même année la guerre le prend. Il est mobilisé de force au service du travail en Allemagne et un peu plus tard enrôlé dans l’armée allemande, envoyé dans les pays de l’est. Prisonnier des Soviets en Russie il est mis en travail dans une tourbière où il doit patauger dans l’eau glacée et dans une usine de chars à Leningrad… La guerre l’aura blessé pour toujours, l’empêchant comme le disent si bien ses frères et sœurs de réaliser son rêve de partir en Afrique.
L’évangile de ce jour, un texte de Pâques met en scène Jésus ressuscité, blessé par ses souffrances dont il porte encore les marques aux mains, aux pieds et au côté, offrant la paix aux siens. Nous avons choisi cette page parce que notre frère Joseph, disciple de Jésus, a connu ce qu’est la souffrance, il a connu les affres de la guerre. Il a su ainsi apprécier la paix et la réconciliation. Au nom de Jésus, comme Jésus, portant toute sa vie en son corps les séquelles de la souffrance, il n’a cessé de porter la paix et la réconciliation à ceux vers qui il a été envoyé au nom de Jésus Christ, celui qui a vaincu la mort et qui nous est toujours présent avec son message.
Revenu au pays, Joseph a repris ses études et a été ordonné prêtre des Missions Africaines, le 6 juillet 1949, il y a donc 53 ans, pour le service de la mission en Afrique. Ses études de théologie terminées, non seulement il se sent assez fort pour accepter une nomination pour le Togo, mais il l’accueille avec beaucoup de joie : « Puisse le bon Dieu, écrit-il de Lyon en début juin 1950, à son Supérieur qui l’envoie, m’accorder la grâce de faire honneur à l’ordre de mission que vous avez bien voulu me faire parvenir… Les vacances si proches me permettront de préparer le départ. Quelque temps de repos et le bon vin d’Alsace seront le meilleur remède pour réparer mes forces et pour récupérer les kilos perdus durant l’année ». Mais un incident de santé l’oblige à retarder son départ : « ce petit incident, écrit-il, semble étonner quelque peu le médecin auquel on m'avait envoyé. Je pense que vous n’en tiendrez pas compte ». Les supérieurs sur l’avis du médecin, ont dû tenir compte de cet incident et le 4 juillet 1950, il est nommé professeur à l’école apostolique de Haguenau : « Je sais que cette nomination va vous contrarier, lui écrit le Provincial. Nous aurions nous-mêmes aimé vous donner ce qui est la plus grande satisfaction pour tout cœur de missionnaire : une nomination pour l’Afrique… Nous pensons aussi que votre santé aura à bénéficier de ce délai. Nous désirons que vous gardiez bien vivace le désir de l’apostolat africain… En attendant nous sommes biens assurés que vous vous mettrez de tout cœur, après de bonnes vacances à votre travail qui est un travail missionnaire ».
L’espérance d’une nouvelle santé n’a pas été comblée. En 1952 le Père Joseph doit être hospitalisé pendant un mois pour soigner une hémorragie digestive. En 1963, il doit supporter un traitement médical très lourd… Malgré tout, Joseph insiste pour partir en Afrique. Le 25 juin 1965 il écrit au provincial : « Mon état de santé est-il un handicap sérieux à un départ en missions ? Je l’ignore, je ne connais pas l’Afrique… Mais santé a sans douté été ébranlé par la guerre et par une captivité inhumaine au nord de Leningrad. Je n’ai été rapatrié qu’une année après la libération, en mai 1946 et je n’ai pas trouvé le milieu favorable à une guérison totale, si toutefois il existe. En ce moment je me trouve en assez bonne forme. J’accepte la proposition du père Provincial. Je partirais volontiers en Afrique dès l’automne. Un rêve se réaliserait. Seulement j’éprouve encore de la fatigue. J’aurais tant voulu me reposer, me faire soigner un peu ; rétablir si possible entièrement ma santé. Je voudrais partir non en homme faible et peu utile, mais en missionnaire valide… Je ne veux pas être un poids sans valeur à la charge de la Province, une marchandise sans l’estampille « Afrique ». Le 4 septembre 1965, il est nommé pour le diocèse de Katiola en Côte d’Ivoire… Mais une fois encore sa santé lui fait défaut et il ne peut pas partir… Il est nommé professeur de philosophie scolastique au Grand Séminaire de Saint Pierre…
L’enseignement au petit et grand séminaires il l’a pratiqué pendant 18 ans… Il n’avait pas spécialement été préparé pour cela, mais il a su le faire et gagner la confiance de ses élèves par sa patience et sa bonté, et aussi maintenir leur intérêt, grâce à un esprit alerte et un savoir qu’il a toujours su améliorer… Ce fut sa manière d’être missionnaire au sein des Missions Africaines… Lorsque les séminaristes de Saint Pierre furent transférés à Strasbourg… il n’y avait plus de cours à donner… Il s’est alors mis au service des paroisses environnantes, et c’est comme cela qu’il est intervenu à Mittelbergeim et qu’il a été nommé ensuite administrateur de Zellwiller où « il a œuvré pendant 26 ans », c’est à dire la moitié de sa vie apostolique, « traduisant dans la vie quotidienne l’Evangile de Jésus Christ qu’il avait pour mission d’annoncer ».
Aujourd’hui c’est lui qui nous réunit une dernière fois et nous rendons grâce pour sa vie, pour le bien qu’il nous a fait, le témoignage qu’il nous a donné… Jésus se tient au milieu de nous, comme au milieu des disciples au premier jour de la semaine… Il nous donne sa paix, au moment où nous accompagnons notre frère sur l’autre rive… Comme il a envoyé Joseph il continue à nous envoyer porter cette paix dont notre monde a tant besoin. Il nous donne la force de son Esprit, qui nous aidera à discerner ce qui est important afin de porter des fruits de justice pour la gloire et la louange de Dieu ».
Recherchez .../ Search...