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Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg

 haas sr  Le Père Albert HAAS sr
né le 30 juillet 1895 à Ueberstrass, par Seppois-le-Bas
dans le diocèse de Strasbourg, France
membre de la SMA le 12 octobre 1918
prêtre le 7 juillet 1922
décédé le 21 décembre 1969

1922-1923 Saint-Priest, professeur
1923-1936 missionnaire en Côte d’Or
1936-1940 soins en France, lèpre
1940-1946 Seppois, soins
1947-1969 Lyon, clinique du Saint Rédempteur

décédé à Lyon, France, le 21 décembre 1969,
à l'âge de 74 ans

Le père Albert HAAS (1895 - 1969)

Albert Haas est né à Ueberstrass, en Alsace, le 30 juillet 1895. Il fit ses études secondaires, à partir de 1910, aux Missions Africaines, à Keer-les-Maastricht, au Gravier-Enval et à Nantes. Il entra au Séminaire de Lyon en 1916 et fit le serment le 12 octobre 1918. Retenu dans sa famille par la maladie en 1919-1920, il termina ses études théologiques en 1922 et fut ordonné prêtre à Lyon le 9 juillet 1922.

Après son ordination, il fut pendant une année professeur à Saint-Priest. Puis, en 1923, il fut envoyé à la Côte d’Or. Mgr Hummel, Vicaire Apostolique, l’affecta à la mission de Half-Assinie, chef-lieu du district de l’Apollonie. Le Père Georges Fischer, qui était le supérieur de cette mission, y était arrivé au mois de février 1914. À cette époque, la région était encore profondément païenne. Mais, en ces années, parut le soi-disant prophète Harris, dont la mission était, à ce qu’il prétendait, de faire disparaître le paganisme et de le remplacer par la religion chrétienne. Son prestige fut grand. La population commença à abandonner les traditions anciennes et à se tourner vers le christianisme. Beaucoup de gens voulurent devenir catholiques.

Lorsque le Père Haas arriva à Half-Assinie, comme vicaire du Père Fischer, il y avait un grand nombre de chrétiens et de catéchumènes à instruire, à garder et à faire grandir dans la foi. Ils étaient dispersés dans 63 stations secondaires. Aussi le travail était rude. Le Père dut apprendre deux langues africaines : le Nzima et le Fanti.

Les stations, disséminées le long de la côte ou éloignées à l’intérieur du pays, n’étaient reliées entre elles par aucune route. On ne pouvait les atteindre qu’à pied, par les pistes sablonneuses de la plage ou les sentiers marécageux de la brousse. Les gens étaient pauvres et le missionnaire était un pauvre parmi eux. Le Père Haas était très heureux à Half-Assinie. Il parcourait autant que possible son immense district. Il s’aventurait même en dehors de l’Apollonie, allant dans les contrées encore entièrement païennes ; il note lui-même que partout il était bien reçu et accueilli parfois avec une nette sympathie.

Avec une joie particulière, il présida lui-même à l’inauguration de l’église d’une des stations du district : celle d’Eikwe. La majorité de la population eikwéenne s’était orientée vers le christianisme depuis des années. Elle avait construit une chapelle en bambou qui servait en même temps d’école. Mais les chrétiens s’étaient persuadés bientôt qu’une pareille église n’était pas digne de Dieu et ils avaient pris la résolution de construire une nouvelle église en ciment sur le modèle des églises de la côte. Les travaux furent longs, à cause de la pauvreté des gens et malgré leur admirable générosité. Il fallut dix années de sacrifices persévérants pour que le succès vînt répondre à leurs efforts.

L’inauguration de l’église, dédiée à l’archange saint Raphaël, eut lieu le 28 octobre 1928, en la solennité du Christ-Roi. La fête fut belle et très fervente. Deux cents catholiques vinrent prier et demander au Christ-Roi lumière et force. Pour rehausser l’éclat de ce jour, le Père Schoonen était venu d’Axim avec la fanfare de l’école.

Une trentaine de stations secondaires avaient délégué une importante députation. Le Père Haas, annonçant au Supérieur Général la bonne nouvelle de l’ouverture de l’église d’Eikwe, ajoutait : Maintenant, que le bon Dieu permette à notre Vénéré Vicaire Apostolique d’envoyer à Eikwe, un prêtre. Ce souhait et cette prière se réalisèrent bientôt : ce fut le Père Haas lui-même que Mgr Hauger, successeur de feu Mgr Hummel, nomma supérieur de la nouvelle mission d’Eikwe.

Le Père Haas rentra en congé en Europe en juin 1930, et il fut retenu en France par ses supérieurs jusqu’en 1932. Ce fut pour assurer la surveillance des élèves de l’école de Haguenau, ce que le Père accepta comme poste temporaire. Mais désirant instamment retourner en missions, il demanda à repartir et obtint satisfaction. Le 11 novembre 1932, il pouvait écrire d’Eikwe qu’il était heureux d’être de nouveau en Afrique avec ses anciens paroissiens. Partout il avait trouvé l’accueil le plus amical. Il signale des changements intervenus pendant son absence.

Ainsi, la pauvreté croissante de la population qui, fortement atteinte par la crise des années 1930, ne pouvait plus vendre les produits du pays. Il y avait aussi des constatations plus réjouissantes, telle l’arrivée récente des Petites Servantes du Sacré-Cœur de Menton. Ces religieuses avaient ouvert un dispensaire. De nombreux malades venaient quotidiennement s’adresser aux Sœurs infirmières pour chercher la guérison ou du moins l’adoucissement de leurs souffrances.

Un jour, le Père aussi se présenta au dispensaire : il demandait un remède pour une maladie de peau qui le faisait souffrir. Or le remède ne fut pas efficace et les Sœurs, perplexes, envoyèrent le Père au médecin d’Axim. Celui-ci également ne sut que penser et il conseilla au Père de se présenter à l’hôpital de Takoradi, mieux outillé pour examiner son cas. Le médecin-chef de Takoradi fut formel : c’était la lèpre, et il demanda au Père de rentrer immédiatement en Europe.

Après un nouvel examen à l’hôpital d’Accra, qui confirma le diagnostic de Takoradi, le Père Haas dut se résigner, le cœur lourd, à quitter sa chère mission d’Eikwe. Il arriva en France au mois de mai 1936.

Il se rendit directement au Sanatorium de La Valbonne, dans le Gard, seul établissement en France, à cette époque, pour la maladie dont il était atteint. Cette maison, une ancienne Chartreuse, était dirigée par un Pasteur protestant. Le Père y reçut les soins que réclamait son état et, deux ans plus tard, au mois de juillet 1938, il écrivait : Je vais mieux.

Vers la fin de l’année il quitta La Valbonne. Il pouvait faire quelques voyages. Ainsi au mois de mars 1939, il était allé au Pavillon de Malte de l’hôpital Saint-Louis à Paris et avait consulté Sœur Marie-Suzanne, spécialiste de la lèpre. Il se rendit aussi à Lourdes, avant d’entrer de nouveau à La Valbonne au mois de janvier 1940.

À cette époque, il avait bon espoir de retourner en mission. Une sorte de guérison était intervenue, c’est-à-dire que, selon les résultats des examens, il était non contagieux, et à condition de poursuivre son traitement pendant un certain temps, il pourrait reprendre une activité sociale. Étant assuré, au mois d’avril 1940, que les médicaments nécessaires lui seraient envoyés en Afrique s’il allait en mission, il se prépara à partir à bref délai. Il quitta La Valbonne le 22 avril et commença à faire les démarches nécessaires pour obtenir les autorisations officielles, car, écrit-il, il me tarde de partir.

Mais des difficultés se présentèrent pour son retour en Afrique. Il ne possédait pas de certificat de guérison. Puis vinrent les années d’occupation en temps de guerre. Le Père les passa en Alsace, à Seppois-le-Haut. La guerre terminée, il avait encore quelque espoir, en 1945, de retourner en Afrique. Mais la vraie guérison n’était pas venue. Au mois de juin 1945, il retourna à Paris se présenter aux docteurs. Ceux-ci furent unanimes : il était grand temps de suivre un sérieux traitement une nouvelle fois. Du traitement envisagé, écrit le Père, devait dépendre, humainement parlant, mon avenir : santé ou maladie.

Il retourna à La Valbonne en janvier 1946, et il y fut accueilli avec beaucoup de sympathie. Sœur Marie-Suzanne, qui était venue faire une visite à La Valbonne, conservait l’espoir de lui sauver la vue, au moins un œil. Cependant, dès le mois de juin, le Père constate que la vue n’est pas le seul point faible ; les pieds et surtout les mains se trouvent aussi en mauvais état, une aggravation générale se manifeste.

Entre-temps, une Association médicale Missionnaire installait à Lyon, sous le patronage du Conseil Central de la Propagation de la Foi, un établissement destiné spécialement aux missionnaires atteints de la lèpre, la Clinique du Saint-Rédempteur. Le Père Haas quitta La Valbonne et vint donc à Lyon. La nouvelle clinique n’étant pas encore terminée, il fut d’abord, en 1947-1948, soigné à l’hôpital de l’Antiquaille, sur la colline de Fourvière. La Clinique du Saint-Rédempteur fut inaugurée le 7 décembre 1948. C’était sur le plateau de la Croix-Rousse, une belle maison entourée d’un parc agrémenté de fleurs et de beaux arbres. Le Père Haas fut le premier missionnaire à y entrer. Il y fut reçu par le Cardinal Gerlier, Archevêque de Lyon, accompagné du Père Boucheix. Il faut dire que le Cardinal Gerlier manifesta toujours au Père Haas une bienveillance empreinte d’une grande cordialité. Cela fut un grand réconfort pour le missionnaire lépreux qui, de son côté, s’associait par ses prières à l’immense travail entrepris par le Cardinal dans le diocèse de Lyon.

Pour la journée du 7 décembre 1948, voici comment la presse locale relata l’arrivée du Père Haas : C’est un Père des Missions Africaines qui arriva bientôt. Drapé dans une grande cape noire, coiffé d’un béret, il n’offrait aucun signe extérieur de la terrible maladie qui le rongeait depuis plusieurs années. Seules se remarquaient les grosses lunettes teintées qui dissimulaient les yeux : là sans doute le mal triomphe. Sur le perron, le malade fut accueilli par S. Em. le Cardinal Gerlier et les Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie auxquelles est confié l’établissement. Quelques instants plus tard, il était conduit à sa chambre où le Cardinal le bénit après un amical entretien.

Notons encore que, pour rassurer la population, le journal local ajoutait : Au lendemain de l’inauguration, il est de notre devoir d’affirmer que le problème d’une éventuelle contamination a été scrupuleusement étudié. Les plus éminentes personnalités du monde médical furent appelées à formuler leur opinion. Toutes affirmèrent avec force l’absence du moindre danger pour la population. Au surplus, il faut savoir que, grâce à l’hygiène moderne, la lèpre est infiniment moins contagieuse que la tuberculose. Il n’y a en France que des lépreux ayant contracté la maladie dans les pays lointains où elle sévit à l’état endémique. On ne cite pour ainsi dire aucun cas de lèpre contractée dans la métropole.

Le Père Haas vécut vingt ans à la Clinique du Saint-Rédempteur. Il n’y avait pas d’espoir de guérison malgré les soins excellents, malgré la bonté et tout le dévouement avec lesquels il était soigné. Sa vue faiblissait beaucoup. Pourtant il pouvait célébrer la sainte messe. Mais la lecture courante ne lui était plus guère possible. Aussi, pour remplacer la lecture, il aimait particulièrement écouter les émissions religieuses de la Radio vaticane. Lorsqu’il sut que l’on voulait apporter des améliorations pour que la station soit entendue dans de meilleures conditions, il désira contribuer par une offrande aux frais des nouvelles installations de la Radio vaticane. Mgr Montini, Substitut de la Secrétairie d’État de Sa Sainteté, assura au Père, c’était en 1950, que Mgr Valeri avait remis au Saint-Père sa généreuse offrande. Sa Sainteté, qui avait été mise au courant de sa douloureuse épreuve de santé, avait particulièrement été touchée de son geste filial. C’était une joie pour son cœur paternel de penser que ceux de ses fils qui étaient comme lui privés de la vue et retenus au lit ou à la chambre par la maladie, seraient les premiers à apprécier les améliorations projetées et à en bénéficier. (cf. Écho des M.A., nov. 1950, p. 8).

Réellement, le Père Haas appréciait ce temps d’écoute, d’autant plus que, vers la fin de sa vie, il était devenu presque aveugle. Dans les grands espaces de solitude, il passait de longues heures à la chapelle de la maison, devant le Saint-Sacrement. Chaque jour il récitait le rosaire, méditant les joies et les souffrances de Jésus et de sa Mère. Depuis longtemps aussi, il s’était recommandé à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la céleste patronne des missionnaires, et, à diverses reprises, Mère Agnès de Jésus l’avait assuré de ses prières, demandant à sa sainte petite sœur de lui garder la paix et la confiance.

La paix et la confiance, la force et la générosité, chaque jour il en donna la marque. C’était un homme de vie intérieure profonde, un homme de prière et de confiant abandon au Seigneur. Il était courageux et ne se plaignait jamais. Pourtant il a beaucoup souffert. Il fut un modèle de l’apostolat par la prière et par le sacrifice, portant sa croix patiemment et avec amour chaque jour en union avec le Sauveur.

Au début de l’hiver 1969, la grippe fit de grands ravages dans toute la France. Le Père Haas fut une victime de cette épidémie. Il mourut le 21 décembre 1969. Ses obsèques furent célébrées à la Chapelle de la Clinique du Saint-Rédempteur, le 23 décembre. Elles furent présidées par le Père Antoine Jung, Provincial, qui prononça l’homélie. Mgr Boucheix et plusieurs confrères étaient venus s’associer à la célébration.