Société des Missions Africaines – Province de Lyon
Le père Paul André GOTTE
1927-2014)
Né le 22 janvier 1927 aux Olmes (Rhône)
- diocèse de Lyon -
Membre de la SMA le 27 janvier 1949
Ordonné prêtre le 11 février 1953
1954-1957 Lyon150,économe
1957-1959 Toumodi(Yamoussoukro),vicaire
1960-1963 Yamoussoukro,fondationdelaparoisseSaint-Augustin
1963-1993 Toumodi,curé
1993-2003 Kokoumbo(Yamoussoukro),curé
2003-2004 reposchezlui
2004-2006 rueCrillonàParis
2006-2014 Montferrier,maisonderetraite
Décédé à Montferrier le 24 janvier 2014
à l'âge de 87 ans
Un sourire vient de s'éteindre à la maison de Montferrier, le père Gotte vient de nous quitter. . .
Il naît le 22 janvier 1927 aux Olmes, dans le diocèse de Lyon dans une famille nombreuse : il aura trois frères et trois sœurs. Son papa est brodeur et sa famille, relativement aisée, saura bien le seconder dans toutes ses activités, plus tard, lorsqu'il sera en mission. Il obtient le certificat d'études à l'école laïque des Olmes, puis il entre au petit séminaire de Notre-Dame de la Roche, dans son diocèse. C'est en 1944, à l'issue de sa 3e qu'il fait sa demande pour entrer aux Missions Africaines. Il termine donc sa scolarité à Pont-Rousseau en 1947, puis commence son noviciat à Chanly au mois d'octobre de cette même année. Curieusement, sans que l'on trouve dans son dossier la moindre explication, il quitte Chanly en février 1948 pour effectuer 7 mois de service militaire. ll est incorporé à La Fère, dans l'Aisne, où il obtient le grade de maréchal des logis. Il retourne ensuite à Chanly pour une année complète et fait son premier serment en octobre 1949. Il faudrait citer ici en entier la lettre de son aumônier militaire qui donne son témoignage sur le jeune séminariste. En voici un passage : "Il ne s'est pas contenté d'avoir une conduite irréprochable, digne, il a été en plus un modèle de piété, d'édification et d'apôtre. Je crois pouvoir vous affirmer qu'il a su gagner le respect, l'estime, voire même l'amitié de ses chefs et de ses condisciples. Heureuse la Société qui a de tels sujets!" (27/ I0/48)
Sa première nomination date du 24 juin 1953 : il est nommé économe de la maison de Chamalières. Mais le 30 août, il reçoit une nouvelle nomination : "En raison des nécessités, le Conseil provincial, dans sa réunion de ce jour, a décidé de faire appel à votre dévouement pour une charge peut-être un peu imprévue. Pendant l'absence du titulaire, obligé de prendre quelques mois de repos, vous allez être chargé, sous la direction du père supérieur, de l'économat du séminaire. Le missionnaire en Afrique doit être prêt à s'occuper de tout et être familiarisé avec bien des questions matérielles. (30108153) Le Conseil provincial ne pensait sûrement pas si bien dire. En effet, à partir de 1957, il va passer, sans discontinuer, 47 ans en Côte d'Ivoire, jusqu'en 2003 ; il sera un pasteur reconnu, visitant les villages, parlant la langue baoulé, attentif aux plus pauvres, mais aussi un bâtisseur, on pourrait dire un professionnel de la construction, dont on ne peut compter les innombrables réalisations.
Il commence son ministère à Toumodi comme jeune vicaire et, 'bien vite, dès 1960, Mgr Duirat le charge de fonder la nouvelle paroisse Saint-Augustin, à Yamoussoukro, le village du président Houphouët-Boigny qui ne manquait pas la messe du dimanche chaque fois qu'il se trouvait dans son village ; ce jour-là, les enfants de chœur étaient plus nombreux qu'à l'ordinaire parce qu'ils savaient qu'à l'issue de la messe ils auraient chacun un petit billet... Il ne reste que trois années à Yamoussoukro, mais il a eu le temps d'y construire une magnifique
église, l'un des joyaux de l'Eglise catholique dans le pays ; il a fait venir une structure en
métal d'un grand entrepôt de Lyon, et le président a habillé de tout de marbre. Même curé de Toumodi, il a gardé le souci de cette église : en 1985, il a fait réaliser le clocher qui était resté en attente, et poser les cloches qui ponctuent encore aujourd'hui les célébrations. Ses relations avec le président, et surtout avec Mamie Adjoua, la sœur du président, lui ont rendu de grands services et il a su en tirer profit au bénéfice de l'évangélisation de son secteur, ne serait-ce que pour sortir sans frais, de la douane, tout le matériel qu'il ramenait de France à la fin de ses congés. Il avait besoin de tout cela pour faire tourner à moindre frais son entreprise.
Oui, on peut dire que Paul Gotte, curé de Toumodi, était à la tête d'une entreprise. On ne peut compter les constructions qu'il a à son actif : maisons pour les pères, maisons pour les sœurs,
écoles primaires, chapelles dans les villages, églises dans les centres. "Le père était un concepteur, un entrepreneur et un réalisateur de bâtiments avec beaucoup de décorations. [...} Nous souhaiterions que l'on fasse l'inventaire de toutes ses réalisations, que l'on puisse parcourir cette variété à l'aide de photos. C'est vrai qu'il a fait appel à mes connaissances pour dessiner des bâtiments ou des fermes de toiture Mais il réalisait beaucoup par son intuition, son savoir-faire. Cela demandait toute une organisation avec des ouvriers, véritables artisans bien formés : ses couvreurs, ses mécaniciens, ses ouvriers des vitraux, ses électriciens et plombiers, ses menuisiers, ses sculpteurs sur fer. Véritable chef d'entreprise, il savait diriger tout ce monde. Homme d'exécution, homme de rapidité. Il ( un de ses collaborateurs en RCI)
Il ajoute dans le même témoignage : "On retrouve le père dans l'immobilier : il s'était procuré quelques villas à Toumodi qu'il entretenait bien et qui lui rapportaient des loyers. C'était un grand commerçant pour vendre des tôles, du ciment, des fers à béton, des contreplaqués, du bois. Peut-on imaginer ce que c'est qu'alimenter une quincaillerie? fl en avait une à Toumodi et une à Kokoumbo. Il avait également un magasin de vente scolaire, une fabrique de meubles et de cercueils à Kokoumbo. Il partait s'approvisionner à peut près une fois par semaine à Abidjan. " Il faut bien préciser qu'il était toujours disposé à mettre tout son monde au service des missions qui faisaient appel à lui. Le moment venu de payer la facture, il se montrait toujours très généreux envers les confrères et les missions. Combien sont-ils les confrères et autres qui ont bénéficié de ses services ? "Je peux affirmer qu'en plus des fidèles laïcs, beaucoup de prêtres africains ont bénéficié de ses largesses. " (un confrère africain)
Ne retenir que l'image d'un Paul Gotte grand constructeur, c'est oublier une autre face très importante du personnage, un homme de foi, un missionnaire vaillant : Paul Gotte était avant tout un pasteur, ''fondateur de communautés chrétiennes, même dans les plus petits villages. Missionnaire intrépide, pour lui la mission ne va pas sans le développement intégral de l'homme. Ainsi, après la messe du matin, le père Gotte se transformait en infirmier, il donne les médicaments et soigne les plaies. [...} Un homme relationnel, il maniait la langue baoulé, il communiquait avec tous, en particulier les vieux et les vieilles personnes. Le père Gotte
était tout à l'image de son saint patron l'apôtre Paul." (un confrère africain) Très souvent, le soir, après une journée passée sur un chantier par le chef d'entreprise, on retrouvait le prêtre dans
un village, annonçant Jésus-Christ. "C'est sans doute par un sentiment de discrétion qu'il parlait peu de tout son engagement pastoral. Il honorait les hôtes qu'il savait très bien
recevoir, et cependant il les quittait pour partir prier avec ses baoulés dans les villages, avec ses catéchistes, ses chefs chrétiens, presque chaque après-midi. Il se réservait aussi des temps de formation où il réunissait tout son monde pour faire avance l'évangélisation." (un confrère) "Que de villages il faudrait énumérer dans ce qui était alors l'unique paroisse de Yamoussoukro, maintenant quadrillée par une dizaine de paroisses nouvelles, tant dans l'aggÜ?mération centrale que dans la zone rurale. "(un confrère) On pourrait en dire tout autant de Toumodi et de Kokoumbo.
Un autre confrère témoigne : "J'ai admiré son courage, son immense capacité de travail, sa foi simple, sa générosité. J'ai connu ses colères aussi quand ses ouvriers avaient fait de travers." Evidemment, quand on mène des hommes, faire les gros yeux ne suffit pas toujours. Et pourtant, il savait si bien sourire... L'homme, le prêtre, le missionnaire est décrit tout entier dans les lignes qui précèdent. Voici quelques faits de vie qui préciseront davantage le personnage.
C'est lui qui se charge de faire faire pour la maison provinciale des Hidalgos huit chaises baoulé et un autel en bois massif. Il annonce en juillet 1974 : "L'autel et les chaises sont en finition et prendront bientôt le bateau sur Marseille." Comme il ne veut pas imputer cette dépense à la Province, le Conseil lui écrit : "Merci de nous faire cadeau de ce mobilier d'église, mais le Conseil[ ...] a pensé qu'il était normal de ne pas faire porter à la paroisse Saint-Michel le poids de cette dépense et nous comptons faire un geste symbolique. " (20/09174) Et trois mois plus tard, il ajoute : "Un très grand merci pour ce très bel autel maintenant installé et sur lequel nous concélébrons chaque matin. Je n'oserai pas dire que la piété a monté d'un degré, mais presque ..." (19/12174) Mgr Gantin, alors archevêque de Cotonou, en visite aux Hidalgos en 1975, remarque cet autel. Il devient cardinal en juin 1977. Pierre Legendre écrit à Paul Gotte le 9 octobre 1977 : "Il y a deux ans, Mgr Gantin avait été en admiration devant l'autel de notre chapelle qui, comme tu sais, vient de Toumodi. A table, en plaisantant, nous lui avions dit que nous lui en offririons un le jour où il serait cardinal. En revenant du Bénin et de la Côte-d'Ivoire, en août dernier, et après avoir célébré dans notre chapelle, il nous a rappelé notre promesse... lui n'avait pas oublié Alors, nous sommes obligés de nous exécuter. Si je t'écris, c'est pour te passer commande." Cela se fait. Le cardinal avait cet autel dans son appartement à Rome.
En 1979, Paul Gotte, à la fin de son congé, va à l'aéroport de Lyon pour rejoindre Abidjan. A cette époque, les excédents de bagages n'étaient pas autant taxés que de nos jours, mais il y avait cependant des limites qu'il ne fallait pas dépasser. Comme il ne partait pas les mains vides et qu'il voyageait avec un important matériel, il eut l'idée de téléphoner au père procureur du 150, lui demandant de venir lui-même à l'aéroport parlementer avec l'un des responsables de la Compagnie UTA avec qui il avait souvent affaire. Le père se déplace donc et arrive dans le hall de l'aéroport où il trouve le père Gotte qui l'attendait et qui disparaissait derrière un chariot archi-chargé de valises et de sacs. "Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire", dit-il, en voyant le volume des bagages. "Donne-moi ton chariot". Après quelques mètres, il se retourne pour voir si le père Gotte suivait. Quel ne fut pas son étonnement en découvrant que le père le suivait de près en poussant lui-même un second chariot aussi rempli que le premier. Et bien sûr, tout passa à l'œil. Ajoutons qu'à l'autre bout du voyage, parce qu'il connaissait Thérèse, la femme du président Houphouët, et Mamie Adjoua sa sœur, il put passer la douane sans problème.
Il écrit peu, mais les quelques circulaires que nous avons de lui nous montrent bien que pour Paul Gotte l'évangélisation passe par un mieux être matériel et social. Voici deux extraits qui le prouve : "Le samedi 8 décembre, une fille de notre paroisse a pris l'habit des Clarisses à Abic{jan. [...} Un collégien natif d'un village de Toumodi est entré en deuxième année au grand séminaire. Nous avons aussi ces jours-ci passé les examens de baptême dans les villages ; nous en avons déjà 54 de reçus. [...] Nous venons de recevoir les 19 caisses envoyées ; tout est arrivé en bon état et nous pourrons, grâce à vous, faire un peu de père Noël eÉ dans les missions avoisinantes et dans les villages où seront distribués vêtements, médicaments, riz. Merci à tous et à chacun. [...} Merci à la Compagnie des chargeurs réunis qui transporte gratuitement ces nombreux bagages sur la côte d'Afrique depuis plusieurs années. Peut-être leur arrive-t-il de penser que le père Gatte exagère un peu ! Chut!" (09/ 11 /84)
"Actuellement, remerciez Dieu avec nous, beaucoup de villages se convertissent et font appel à nous pour faire leur entrée dans l'Eglise. Ces derniers mois, plus de 80 catéchumènes répartis dans 4 villages différents nous ont ainsi fait appel. Il faudra donc trouver des catéchistes pour les enseigner en langue baoulé. Nous avons déjà 40 chapelles de construites, et voilà qu'il faut envisager d'en construire de nouvelles : les catéchumènes assurent la construction des murs et nous les aidons à mettre le toit. [...} Merci de votre aide qui nous permet de venir au secours des aveugles, des lépreux, des handicapés de nos villages. Nous avons distribué une dizaine de charrettes d'infirmes ; chaque mois, en votre nom, nous portons du riz, du savon, de l'huile aux plus nécessiteux. Si vous pouviez voir combien ils sont heureux de cette petite aide que nous leur apportons." Suit une demande urgente de médicaments précis. (02/12/87)
La parmsse de Kokoumbo est fondée en 1992. Après 30 années passées à Toumodi, le père Gotte y est nommé en 1993. Il va y rester 10 ans, continuant la même vie active et dévouée au service de toute la population. L'église de Notre-Dame des Monts est un vrai bijou où se mêlent la richesse de l'art africain dans les sculptures des portes et les prouesses de l'imagination du père Gotte dans l'originalité du baptistère en pierre où de la Vierge en métal qui veille sur la paroisse. C'est là qu'il fêtera son jubilé d'or sacerdotal le 11 février 2003 au cœur du pays baoulé qu'il a tant servi et aimé. "C'est là que vous avez exercé une longue, très active et fructueuse activité missionnaire, dans ce pays dont nous partageons la souffrance en ces temps particulièrement troublés. " (lettre du supérieur général du 21 janvier 2003) Peu après cette fête, il écrit au Conseil provincial : "fl faut savoir se retirer pour ne pas gêner les autres. [...}Pour mon affectation en France, je n'ai aucune idée des postes qui existent en France. [...} Vous connaissez mon caractère, pas toujours facile. Merci d'avance pour votre compréhension. " (02105/03) Avant son départ de la Côte d'Ivoire, Mgr Siméon Ahouanan, évêque de Yamoussoukro, avait demandé au Saint-Siège que le père soit décoré pour ses mérites d'évangélisateur dans le diocèse de Yamoussoukro. Malheureusement, le père est parti avant l'arrivée de cette décoration. Elle lui sera remise en France par le père provincial.
Il rentre en France en 2003. Il commence par passer pratiquement une année en famille pour se soigner, puis il est nommé à la maison de la rue Crillon où il va rester deux années. Au cours de l'année 2006, un jour, au réfectoire, pendant un repas, . il s'affaisse tout à coup, victime d'un AVC. Il se retrouve à Montferrier où il va passer les 8 dernières années de sa vie. Peu à peu, il va perdre conscience de la réalité des choses. Lui, autrefois si entreprenant, si actif, il est maintenant emmuré dans le silence. Souffrait-il? En tout cas, jamais une parole ni un geste d'impatience, jamais la manifestation de la moindre douleur. Voulait-on lui parler de personn.es qu'il avait bien connues, avec lesquelles il avait travaillé, il répondait : "Mais, c'est qui ça ? " Pourtant, il avait gardé une certaine forme de conscience. Fréquemment, le personnel de la maison le conduisait à la chapelle pour la messe. Quand on lui passait une
étole autour du cou, son visage s'illuminait d'un beau sourire. Dodelinant de la tête, il semblait dire qu'il n'était pas digne de tant d'attention et prononçait clairement un "merci". Ayant passé ses dernières années sans faire de bruit, mais toujours souriant, sans faire de bruit il nous a quittés pour la maison du Père.
Deux témoignages de confrères :
"Nous avons apprécié sa simplicité de relation, sa spontanéité, son aide si généreuse, sa foi, car l'aspect pastoral de sa mission, la prière, l'annonce de l'évangile ont toujours fait partie de sa vie et en a été l'essentiel. Merci Seigneur de l'avoir mis sur notre route."
"Ne soyons pas tristes de l'avoir perdu, soyons reconnaissants de l'avoir connu". Ainsi parlait saint Augustin à l'occasion du décès d'un ami. Mais saint Augustin voulait dire qu'au-delà de la souffrance de la séparation, il y avait l'espérance chrétienne de notre foi qui ouvre sur un ailleurs. Alors, nous aussi, soyons reconnaissants de l'avoir connu ; oui, je suis reconnaissant d'avoir connu Paul, d'avoir travaillé avec lui. Merci pour tout ce que tu m'as apporté, Paul. Que le Seigneur t'accueille dans son paradis. "
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