Société des Missions Africaines – Province de Lyon
Le père Jean Thébault
Né le 18 août 1932 à Rennes
Ordonné prêtre le 6 janvier 1960
Né le 18 août 1932 à Rennes.
Ordonné prêtre le 6 janvier 1960.
1960-1961 : licence de théologie à Rome.
1961-1962 : à Parakou, apprentissage du bariba.
1962-1964 : professeur au petit séminaire de Parakou.
1964-1966 : Versailles, convalescence et professeur à Baudonne.
1966-1971 : responsable du séminaire de Parakou.
1971-1977 : responsable à Bembéréké.
1974 : vice régional du Dahomey.
1977-1981 : avec ATD Quart-Monde.
1982-1995 : avec les gens de la rue à Accra.
1995-1996 : recyclage à Jérusalem.
1997-2009 : à Lyon, 150, au service santé,
et à Vaulx-en-Velin, auprès des Africains.
2009-2012 : prêtre auxiliaire à Bron.
2013-2015 : service 150 et à Vaulx-en-Velin
2016 : à Haute Goulaine.
Décédé le 14 janvier 2022 à Haute Goulaine
à l’âge de 89 ans
Ses funérailles ont été célébrées
le mercredi 19 janvier 2022 à 10 h
en l’église st Vincent de Paul de Ragon à Rezé
Hommage à Jean Thébault
Alors qu’il est à Bembéréké (Parakou) et vice régional du Dahomey, Jean Thébault répond au conseil provincial en janvier 1975 : « Aujourd'hui, je tiens à assurer le Conseil provincial de mon entière disponibilité pour une nouvelle forme d'engagement au service de Jésus-Christ et de l'Eglise. […] J'estime que je ne peux pas me laisser enfermer dans un rôle de ministre d'un culte où je me sens de plus en plus étranger. C'est là, sans doute, le service demandé, mais je ne m'y sens plus du tout adapté. Je pense surtout qu'en tant que prêtre européen je ne peux valablement témoigner de Jésus-Christ là où je vis, dans le contexte actuel. […] Je crois plus honnête d'accepter le risque de chercher ailleurs un nouveau style de vie, une nouvelle forme de présence ».
Il prendra contact avec ATD Quart Monde, où il retrouvera Daniel Cardot. Sans se concerter, ils ont eu la même initiative. Daniel, en 1995, alors supérieur général, le visite à Bethany House. Voici ce qu’il écrit : Jean Thébault, avant que je ne le visite chez lui, est venu me rencontrer à Sowutuom (maison de formation SMA, pour la Philo), mon pied à terre à Accra, pour m'expliquer le contexte de ce qu'il vit et la démarche qu'il a faite depuis son arrivée à Accra. Son point de départ : envoyé par la SMA avec Loïc de la Monneraye en 1982 pour être, dans l'Eglise d'Accra, ceux qui attirent l'attention sur les plus pauvres. Il a commencé par étudier l'histoire du Ghana et de l'Eglise du Ghana. À Madina, il a commencé à marcher dans la ville, regardant tout ce que faisait le gouvernement sur le plan social. Cela a duré trois mois.
Premier secteur d'activité : les enfants de la rue
C'est dans un centre de détention pour jeunes (Borstal) qu'a commencé une activité directe. Le directeur dit que ce qui serait important c'est de recréer les liens entre ces jeunes et leurs familles pour une réconciliation. Hopeland (Loïc de la Monneraye) est né de là, pour accueillir ces jeunes avant qu'ils ne rejoignent leur famille. Jean a alors été demandé pour faire partie du Conseil de Borstal. Maintenant deux travailleurs sociaux font le travail que Jean faisait auprès des familles. Jean continue à y aller seulement pour la messe du dimanche (où j'ai pu l'accompagner d'ailleurs).
En 1991, Jean rencontre quelqu'un d'un groupe "Save the Children". Il suggère de faire une enquête sur les enfants de la rue. Demande au département de sociologie de l'Université de faire l'enquête. Ils acceptent. Enquête auprès de 1.000 enfants avec brochure et un colloque comme résultats (participants au colloque : 50 personnes : police, action sociale, presse). Découverte par beaucoup que les enfants de la rue existent. "Save the Children" a payé tout le coût de cette recherche (36.000 $)
En 1992, réunion avec quelques personnes, notamment avec les responsables de l'Ecole de sociologie. Deux Associations sont créées : Response (ONG chargée, en lien avec le gouvernement, des enfants de la rue) ; Jean fait partie du bureau et un Père Blanc en est responsable. Sous cet organisme on a créé une autre Association : CAS (Catholic Action for Street Children) dont l'Evêque est responsable. Dans le contexte de cette association, un Frère hollandais (Joos Dhinter, F.I.C.) a accepté de s'intéresser aux enfants de la rue, en accord avec sa Province : il s'efforce aussi de conscientiser les Frères ghanéens de son Institut. C'est ce Frère qui est maintenant responsable de CAS, Jean étant Directeur du Bureau. Le projet CAS a un refuge (House of Refuge). Tout l'esprit de CAS est de faire quelque chose avec
- et non pour - les enfants de la rue. 5 travailleurs sociaux du gouvernement sont dans ce projet. Projet expérimental sur 2 ans : on essaie de connaître les enfants, leurs lieux de vie, leurs besoins. Peu à peu, on reçoit des appels au secours. Des enfants souhaitent nourriture, logement. Mais crainte d'attirer trop d'enfants même de la campagne. Aussi on n'offre qu'un lieu d'accueil, avec jeux, cours divers, lieux pour déposer leurs affaires, soins médicaux deux fois par semaine. Il s'agit d'enfants entre 7 et 15 ans. 32 enfants ont été placés dans une institution pour aller à l'école et on cherche des familles d'accueil.
L'Association Response a ouvert une maison pour des filles de 12.13 ans avec enfants. Recherche de renouer avec la famille. D'autres services s'ouvrent en lien avec cela : par exemple, la Croix-Rouge ouvre un Centre pour accueil de nuit. Après une réflexion de deux ans avec l'Evêque, une maison a été ouverte"Centre of Hope" : centre diocésain d'accueil pris en charge par les Sœurs FMM. Maison d'accueil pour gens seuls. CAS a repris Hopeland (la ferme lancée par Loïc) ; ce lieu va servir de lieu de formation pour jeunes en difficulté. Un Frère va venir y travailler à plein temps, un second, spécialiste en agriculture, viendra ensuite.
Jean avait aussi lancé "Youth Concern" : un groupe avec pour but d'aider les drogués. Cela a fonctionné pendant 3 ans, surtout sous la forme de rencontres avec un docteur, puis cela a disparu parce que le médecin qui dirigeait l'association était opposant au régime. Il y a à Accra une "Children House", sorte d'orphelinat où les besoins sont immenses. Jean, avec des membres de la paroisse de Madina, a fait patronné des enfants par des familles. Cela continue et est devenu indépendant. Jean est représentant de "Terre des Hommes" au Ghana. Il s'occupe de parrainage d'enfants dont les familles ont des difficultés (pour école, santé...). 27 familles d'accueil sont déjà engagées. Terre des Hommes fournit un budget.
Deuxième secteur de l'activité de Jean : les handicapés.
Dès 1983, Jean a porté son intérêt sur les mendiants dans les rues d'Accra, dont beaucoup sont handicapés. Il contacte un soudeur, Michael. Fabrique d'une première voiture, puis de trois modèles différents. Présentation à la presse. Il refuse la proposition d'un grand bâtiment pour ses activités. Il préfère faire travailler des artisans dans plusieurs endroits.
On fabrique des voitures pour ceux qui acceptent de se prendre en charge (voitures robustes, réparables, belles). Autre condition : que le soudeur apprenne à d'autres soudeurs.
En 1986, création de l'Association "Wheel Chair Association" reconnue par l'Etat. Dans le premier atelier à Madina, 456 voitures ont été construites depuis ce temps-là, plus tout le travail d'entretien. 7 personnes ont été formées jusqu'à présent. 4 travaillent à fabriquer des voitures dans différents endroits du pays. Subventionné pendant 5 ans par Caritas. Au début, les voitures étaient subventionnées à 70%, maintenant les gens paient 70% (communautés, Eglises, associations, personnes), la subvention n'étant plus que de 30%.)
Création de Hope for Life
Le but de Hope for life est de permettre aux handicapés d'être respectés et reconnus notamment à travers un travail et une grande solidarité entre eux. Association commencée avec 3-4 handicapés, auxquels on a donné du travail. Ils n'avaient pas de protection sociale, donc étaient vite insécurisés s'ils étaient malades et donc sans travail et sans revenus. Demande à l'Evêque d'un Fonds. Ce Fonds est créé grâce à des bienfaiteurs. L'Association Hope for Life est alors créée : pour des handicapés qui acceptent à travailler et qui acceptent de prendre en charge un autre handicapé. Hope for Life prend en charge la formation et les soins médicaux, pour le markéting, la vente des produits.
Petits métiers auxquels Hope for life a donné accès à des hommes et des femmes : tailleurs, réparateurs, coiffeurs, et recherche de travaux plus "élevés". Quelques-uns sont envoyés à l'Université. Jean étant aussi responsable de "Liliane Fund" pour le Ghana (fonds pour la réhabilitation d'enfants handicapés par éducation et soins), "Liliane Fund" paie le "training program". Hope for Life a 7 groupes dans Accra et d'autres dans l'intérieur du pays. Il y a un employé à plein temps pour suivre les groupes. Une Association "Friends and Supporters" de Hope for Life a été créée pour mettre dans le coup des non-handicapés.
Jean est donc le coordinateur de l'ensemble de ces activités. Il va aussi à Madina ou à la prison pour les week-ends et assure, avec René Soussia, l'aumônerie de la communauté catholique francophone d'Accra (étudiants, ambassades...) : eucharistie, catéchèse. Environ 200 personnes surtout des jeunes.
Visite à Bethany House
Pendant 9 ans, Jean est resté à la paroisse de Madina. Puis il a créé "Bethany House" où il vit et d'où il coordonne toutes les activités décrites ci-dessus. Cette maison louée, dans un quartier d'Accra, est suffisamment grande pour accueillir des gens en difficulté qui ont besoin d'un temps de calme, de réflexion, d'écoute. C'est pour cela que la maison comprend plusieurs chambres et qu'il l'a appelée Bethany House. J'y ai passé 4 jours (avec des visites à l'extérieur) et je dois avouer avoir rarement vécu une telle ambiance d'accueil des plus défavorisés d'une façon très simple. Il y a toujours à la maison des enfants, des jeunes, des adultes, soit handicapés soit ne sachant où aller ou avec de graves problèmes avec la famille. Les tâches de la maison sont réparties entre tous et tout le monde mange ensemble.
Mais outre cet aspect d'accueil, Bethany House a un rôle de coordination des diverses activités décrites ci-dessus où sont engagées beaucoup de personnes, religieux, religieuses ou laïcs. Ces activités peuvent être rassemblées sous quatre titres :
1. l'accueil à Bethany House même.
2. l'action avec les enfants de la rue ou les jeunes sortant de prison.
3. Hope for Life : j'ai pu voir concrètement le résultat d'une telle activité sur des personnes, fières d'être arrivées où elles sont et surtout engagées vis-à-vis d'autres handicapés pour qu'ils atteignent le même but. Pendant que j’étais à Bethany House, l’Archevêque d’Accra est venu rendre visite à Jean. Pendant le repas, pris avec tous ceux et celles qui vivaient dans cette maison, accueillants et accueillis, l’Archevêque était en face d’une dame aveugle que la branche de Hope for Life dans le Nord du Ghana avait envoyée passer quelques temps chez Jean. Il demande à la dame : « comment vous sentez-vous ici à Bethany House ? » Un moment de silence. Puis la dame répondit : « Avant, je n’étais rien, maintenant, ici, je suis « Madame » ! No comment !
4. Le programme "Wheel chair Project". Cela est un court résumé des activités de Jean. En fait, il est en lien avec de nombreuses autres organisations (prisons, centres de rééducation). Surtout il a su démultiplié son action en mettant beaucoup de monde dans le coup, si bien que maintenant de nombreuses activités qu'il a lancées ont une certaine autonomie. D'autre part, il a su trouver les subventions et aides qui rendent les projets viables. Ce qu'il reste, c'est la coordination de l'ensemble à partir de Bethany House. Or Jean, pour des raisons de santé, pense quitter Accra en juillet prochain. La question est donc de savoir si la SMA accepte de continuer cette activité.
Daniel Cardot
Avec Jean, nous sommes de la même génération missionnaire, la génération Vatican II qui nous a rappelé le fondement de toute mission : « les pauvres sont évangélisés », la rencontre de l’Evangile et des pauvres comme un message de libération. Jean a su en faire la clé de lecture de son ministère missionnaire. Je l’ai connu, durant sa formation à Lyon, déjà engagé dans un programme de catéchisation en paroisse, désireux d’apprendre et de faire des expériences vivantes.
Sans refuser les services plus effacés et pourtant essentiels, comme la formation dans le séminaire de Parakou à son arrivée en Afrique et le service de la santé de ses confrères à son retour en France, il a donné sa pleine mesure dans ses engagements auprès des gens. Sous des dehors réservés il en a fait une passion au nom de sa foi en Jésus-Christ.
Au Nord Bénin, au diocèse de Parakou, il a rejoint l’équipe des confrères SMA qui ont donné une impulsion décisive à l’inculturation de l’Evangile, dans les années 60-80, en prenant au sérieux la langue et les coutumes du peuple bariba, un peu marginalisé. Une des belles pages de l’histoire de notre communauté missionnaire.
C’est son désir de rechercher des manières nouvelles de rejoindre les plus pauvres qui le pousse à s’engager, en compagnie de Daniel Cardot, au service du mouvement ATD-Quart Monde de Joseph Wresinski. En banlieue parisienne, aux Etats-Unis, la méthode est la même : les pauvres sont restaurés dans leur dignité quand on leur donne les moyens de décrire et d’analyser par eux-mêmes leur situation et les moyens d’en sortir. Quatre années difficiles, mais pleines de promesses pour les années qui suivent.
Dans les années 80, la SMA essaie de mettre en place des engagements missionnaires plus innovants. A ma demande, Jean et Loïc de la Monneraye, acceptent de rejoindre le projet « Madina », initié par nos confrères hollandais au Ghana, dont le but est de rejoindre « les jeunes des rues ». C’est sans doute dans ce projet où tout est à inventer, tout à construire, que Jean fait la démonstration de ses qualités hors du commun d’organisateur, de fédérateur et de trait d’union pour créer des collaborations multiples et des structures durables. « Hope of Life », « Bethany House », « Wheel Chair Project » deviennent des symboles d’espérance et des lieux de communion.
A son retour en France, Jean reste fidèle à ce désir de rejoindre les pauvres dans la banlieue lyonnaise de Vaulx-en-Velin.
Merci Jean, pour ta générosité, pour cette brûlure intérieure qui a nourri ta vie de prêtre missionnaire.
Joseph Hardy, sma
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