Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 25 septembre 1921 à Nantes dans le diocèse de Nantes (France) membre de la SMA le 20 juin 1943 prêtre le 4 juillet 1948 décédé le 4 février 2013 |
1948-1950 Chamalières, professeur décédé à Montferrier, le 4 février 2013, |
Pierre Bonnet voit le jour à Nantes le 25 septembre 1921 ; il est baptisé deux jours plus tard à la paroisse Sainte-Anne de Nantes. Plus tard, ses parents iront habiter à Haute-Goulaine, pas très loin de Nantes, où son papa possédait une vigne - il était viticulteur - , et c'est là que le jeune Pierre, fils unique, passera toute sa jeunesse. Le petit séminaire de Pont-Rousseau n'est pas loin : il va y faire toutes ses études secondaires et obtenir la première partie du baccalauréat et échoue à la seconde. En 1941, il commence son noviciat à Martigné-Ferchaud où, pendant deux ans, il donne toute satisfaction : il était même chef de cours, c'est dire qu'il avait la confiance de ses supérieurs et de ses confrères. Après son premier serment en juin 1943, il commence sa théologie à Lyon ; mais, après les vacances de l'été 1944, il ne peut rejoindre Lyon à cause de la guerre et de l'occupation. Il passe alors une année entière dans un centre de repli pour enfants de Nantes, le Centre Sainte-Jeanne d'Arc, à la Limouzinière. C'est là qu'il renouvelle son serment, avec l'autorisation du père Aupiais qui délègue le père Chiffoleau résident à cette époque à la Bénate, à quelques kilomètres du Centre. Il fait ensuite six mois de service militaire, de juillet 1945 à janvier 1946, au camp du Ruchard, dans l'Indre-et-Loire.
Ordonné prêtre en 1948, il est nommé professeur à Chamalières pour y remplacer le père Métayer gravement malade : "Vous vous mettrez en relation avec le père Cuq, supérieur, qui vous donnera tous les renseignements utiles concernant la rentrée." (06/08/48) Il n'y reste que deux ans, puis il est nommé à Pont-Rousseau où il enseigne dans les petites classes. Plusieurs fois, il sollicite auprès du Conseil provincial son envoi en Afrique. Enfin, en août 1952, il reçoit la lettre suivante : "Suivant votre désir manifesté bien souvent, le Conseil provincial vous a donné une affectation pour l'Afrique et mis à la disposition de Mgr Kirmann, vicaire apostolique de Sassandra." (01/08/52) Ce vicariat est immense : il couvre le tiers du pays au sud-ouest, et aujourd'hui ce territoire forme quatre diocèses. Vicaire d'abord à Grand-Lahou, dans le diocèse aujourd'hui de Gagnoa, il est chargé plus spécialement des écoles. Au bout de deux ans, il est envoyé à Danané, à l'extrême nord-ouest du vicariat, aujourd'hui dans le diocèse de Man. C'est une mission toute jeune, fondée en 1951 par le père Rouanet qui restera responsable de la station jusqu'en 1956, date à laquelle il devient évêque de Daloa, laissant désormais Pierre Bonnet seul. C'est une paroisse qui compte à cette époque environ 80.000 habitants, mais seulement 135 baptisés.
Le père compte beaucoup sur les écoles pour concrétiser son travail, comme il le faisait à Grand-Lahou : "L'école correspond à un besoin reconnu, même par les illettrés : nous atteignons plus de 1500 enfants par les écoles. […] Il y a des groupes de catéchumènes jusqu'à 50 et 65 kilomètres." (16/08/58) Il ajoute dans cette même lettre qu'il est seul, (il aura un vicaire en 1961) "alors qu'il faudrait être trois. […] Pourtant les Yacoubas sont bien disposés et l'islam a peu pénétré." L'éloignement des stations secondaires oblige à faire de nombreux déplacements, et les pistes sont difficiles et mal entretenues : entretenir le matériel, pour pouvoir atteindre les stations les plus reculées, construire une église à Danané, la maison des sœurs, et aussi chapelles ou écoles là où il n'y a rien devient un défi permanent : les difficultés financières jointes à la fatigue physique arrivent à affaiblir le moral le plus solide. Surtout qu'il ne ménage pas ses forces : Alors qu'il était déjà en France, il rappellera : "En 1963, étant seul, j'ai assuré, en plus de la visite des catéchumènes et de la préparation de la rentrée, l'ouverture d'un nouveau centre dans un chef-lieu de canton qui n'avait pas vu le père depuis 1952." (05/04/68) En 1964, il se dit prêt à accepter un poste d'enseignant dans l'un des séminaires de la Province. Le docteur d'ailleurs, diagnostiquant "une asthénie intense due au surmenage et une baisse importante de la tension artérielle", lui prescrit un "repos important en métropole" (25/05/64). Même si le provincial lui répond : "La Côte d'Ivoire ne vous sera pas fermée et vous pourrez sans doute songer à y revenir, vous étant refait de nouvelles forces et une nouvelle provision de patience" (23/05/64), il ne sait pas à ce moment-là qu'il ne retournera pas en Afrique.
Il est enseignant à Rezé pendant deux années. En 1966, la SMA collabore avec les pères Montfortains de Pontchâteau et le diocèse de Nantes pour la formation dans les petits séminaires. C'est ainsi que le père Bonnet va se retrouver pendant trois ans professeur à Pontchâteau (toujours dans les petites classes), puis deux ans au séminaire diocésain des Couëts, non loin de Rezé, comme animateur. Il apprécie d'ailleurs d'être dans la région nantaise, car il peut "prévoir une prise en charge de mes vieux parents, mon père étant alors alité et ma mère peu valide ne pouvait tenir longtemps ainsi." En 1971, il peut se retirer du séminaire à cause de la réduction du nombre des élèves. "J'ai accepté de travailler comme aumônier au CEG Saint-Jacques." Il dessert en plus une chapelle de quartier et il accepte aussi de collaborer avec les responsables de l'animation missionnaire., mais il ne veut pas se laisser absorber par le diocèse. Il loge dans la nouvelle maison sma construite à l'entrée du Centre des Naudières et, pour aider financièrement ses parents, il est autorisé à garder les honoraires de son ministère au CEG et à la paroisse.
Sa santé lui pose quelques problèmes : "Vous savez sans doute que depuis presque un an j'ai des ennuis avec une colonne vertébrale qui a bien supporté les pistes de brousse, mais ne supporte plus, pour le moment, ni excès de fatigue ni mouvement violent." (10/08/74) En 1977, il est victime d'un accident cardio-vasculaire : il devra rester sous contrôle médical pour le restant de ses jours. En novembre 1981, c'est une fracture du pied gauche en manquant une marche d'autel le soir de la Toussaint. Il se retrouve dans le plâtre dans la charrette du père Choimet. "Je peux circuler de façon autonome, en attendant le jour de ma libération." (16/11/81)
Au début de l'année 1982, à la suite de difficultés financières, le diocèse est amené à réduire le nombre des prêtres de Saint-Jacques et le père Bonnet est prié de se retirer de la paroisse. Le Conseil provincial lui propose alors de changer de diocèse et de regarder vers la Charente. Le Provincial écrit dans ce sens à l'évêque de La Rochelle, qui propose un poste de prêtre assistant à Archiac, en Charente Maritime, un canton qui compte 16 églises à desservir avec un seul prêtre en service. Après quelques hésitations, il décide de tenter l'expérience ; ce qui le retient, c'est la distance : 500 kilomètres aller-retour, car il garde de fortes attaches avec Haute-Goulaine, même si ses parents sont maintenant décédés, et aussi sa santé, car il n'est pas complètement remis de son accident au pied et il se fatigue très vite. Un contrat est signé en novembre 1982 entre le diocèse et la Province pour une période éventuellement renouvelable de un an ; il sera résilié moins de 11 mois après au début du mois de septembre 1983. Parmi les raisons invoquées pour une telle décision, il y a surtout la fatigue physique, mais il reste à la recherche d'un poste dans un service pastoral, mais moins pénible : il a le contact relativement facile avec les gens et à 61 ans, il pense pouvoir rendre encore bien des services. On lit les lignes suivantes dans une revue locale : "Le P. Bonnet nous a quittés, mais au cours de cette année, nous avons eu le temps d'apprécier sa simplicité, son abord facile, son franc parler, la vigueur de ses sermons, etc. D'autres vont bénéficier de toutes ses richesses. Merci, père Bonnet, pour cette année passée parmi nous."
Sa première idée au moment de quitter Archiac est de faire une année sabbatique. Malheureusement pour lui, le mois de septembre est mal choisi pour une inscription : il devrait patienter une année. Il accepte, sur une proposition du père Le Roch de faire un intérim comme aumônier militaire à Dinard: il s'agit de remplacer momentanément quelqu'un qui n'a pas pris de vacances depuis trois ans, qui a besoin de repos et qui souffre d'une hernie discale. "Je sais ce que c'est" ; écrit-il. Il ajoute : "J'ai dit au père que j'acceptais. Ce n'est pas exactement le travail que je désirais : le côte travail sacerdotal me semble (à première vue) assez flou, tandis que le côté hôtellerie me semble assez envahissant. Pour moi, ce sera passer d'un extrême à l'autre. Aussi, j'accepte pour un an ; on verra à l'usage." (02/10/83) Vu son âge, dans son contrat avec le vicariat aux armées, il n'est pas engagé comme aumônier, mais comme prêtre au pair. En janvier 1984, il fait un accident vasculaire, et le docteur lui demande de se ménager. A bout d'une année, le titulaire étant revenu, il écrit, comprenant maintenant qu'il doit se retirer : "Depuis mon alerte vasculaire, je ne postule plus un poste en paroisse, mais je me sens encore capable d'assumer quelques tâches sacerdotales. De plus, sur le plan santé, le non-emploi serait pour moi plus dommageable que la fatigue." (10/07/84)
Avec le père Fénéon, provincial, il fait le tour de la question pour voir ce qu'il pourrait faire à Pont-Rousseau : s'occuper des feuilles maladie des confrères de la maison, faire le ravitaillement une fois par semaine, aider au jardin et à la procure en période de pointe… Aider simplement, car handicapé par sa colonne vertébrale en mauvais état, il ne peut rester assis bien longtemps, ce qui lui interdit un travail à la procure à plein temps, ni faire un travail excessif au jardin, car il peut difficilement se baisser. (Il dit que la terre est trop basse !) Finalement, il trouve sa place à la maison, même si sa nomination reste vague : On peut lire dans cette nomination : "Nous espérons que vous pourrez trouver votre place dans cette communauté que du reste vous connaissez déjà." (14/10/84) Il va rester 16 ans dans cette maison de Rezé, mais on peut dire que depuis 1994 il était complètement à la retraite. En janvier 1991, il est opéré de la hanche (prothèse) et passe sa convalescence à la maison diocésaine ND de Lorette, dont il apprécie l'accueil et le respect des personnes. On trouve dans son dossier une invitation pour se rendre à Danané en 1992 pour l'inauguration du centre de Gbon-Houyé : avec joie, il retrouva la Côte d'Ivoire. Il est aussi opéré de la cataracte en 1995 et tout se passe bien.
Comme on le voit, ses activités se sont réduites peu à peu, mais il sait quand même bien se faire entendre dans la maison, car sa voix était restée vibrante. Nombreux sont les élèves qui ont entendu résonner cette grosse voix qui se voulait sévère sans l'être, car ils savaient qu'il était bon ; nombreux sont ceux qui ont entendu son rire pour exprimer sa satisfaction ou sa joie ; nombreux aussi sont ceux qui ont profité de ses petites histoires qu'il aimait bien raconter, même plusieurs fois. Tout ça, c'était Pierre, il aimait la vie, il aimait les bonnes histoires.
Il retarde son entrée à Montferrier pour pouvoir tirer le meilleur prix de sa maison et de ses terrains et, finalement, il rejoint la maison de retraite en août 2000. Déjà à cette époque, il était très handicapé par son diabète : chaque jour il devait avoir une piqure d'insuline. Lui dont la santé n'a pas toujours été des plus brillantes, lui qui devait se ménager à bien des égards, il a quand même dépassé les 91 ans. Sous des dehors un peu rudes, il était resté très sensible et parlait encore volontiers des longues années passées à la maison de Rezé : c'était là, surtout, son passé missionnaire. Sa grosse voix s'est éteinte au début de l'année 2013.
Dans ses papiers, on a retrouvé cette prière d'un jeune jésuite, le père Pierre Lyonnet, mort à 43 ans en 1949 ; il aimait peut-être la réciter souvent. En voici quelques lignes : "Père, je viens simplement te dire que je suis ton enfant. Je te le dis sérieusement, et pourtant avec l'envie de rire et de chanter, tellement c'est beau d'être ton fils ; mais c'est sérieux, car tu m'as tellement aimé, et moi si peu."
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