Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 23 mars 1924 à Plourhan (Côtes d'Armor) dans le diocèse de Saint-Brieuc (France) membre de la SMA le 2 décembre 1944 prêtre le 17 février 1948 décédé le 5 janvier 2012 |
1948-1949 Ave (Belgique), professeur de 5e 1949-1951 Rezé, professeur de 7e décédé à Paris (maison médicale Jeanne Garnier, le 5 janvier 2012, |
Le père Francis HÉRY (1924-2012)
A Marseille, au moment de prendre le bateau pour rejoindre l'Egypte où il vient d'être nommé en 1951, il envoie un télégramme au Conseil provincial : "La Fuite en Egypte, mystère douloureux". Il ne savait qu'il allait y passer toute sa vie missionnaire et ne connaîtrait jamais l'Afrique Noire.
Il voit le jour à Plourhan, dans les Côtes d'Armor, le 23 mars 1924 et est ondoyé le même jour : le supplément des cérémonies du baptême ne se fera que 4 ans plus tard. Ils seront quatre garçons dans la famille, dont le papa est marin. On ne sait rien de lui avant son entrée à Pont-Rousseau, en 1935, sinon que l'un de ses frères décède à l'âge de 6 mois et, des 7 années qu'il a passées aux Naudières, on a seulement une note du supérieur disant qu'il est admis au noviciat en 1942, et qu'il n'a pas obtenu le baccalauréat à la fin de ses études. Après deux ans de noviciat à Martigné-Ferchaud, il fait son premier serment en 1944 et poursuit tout de suite sa formation à Lyon, au 150 : étant de la classe 44, il est en effet exempté du service militaire. Au bout de quatre ans, il est ordonné prêtre en février 1948, et dès la fin de son séminaire, en juin, il n'échappe pas à la règle de la plupart des jeunes ordonnés de la Société : il est nommé professeur. Il commence par enseigner une année à Ave (Belgique) en 5e, puis deux années à Rezé en classe de 7e. C'était la règle presque générale, comme pour mettre un point final à la formation.
En 1951, comme signalé plus haut, il est envoyé en Egypte. Ce n'est pas la grande joie… Il aurait bien préféré la Côte d'Ivoire ou le Dahomey. Il se retrouve, pour commencer, au collège de Tanta où, pendant deux années, il va partager son temps entre le professorat et l'étude de l'arabe. En 1953, en acceptant d'être vicaire à Choubra, au Caire, il pensait peut-être que c'en était fini pour lui d'être professeur : erreur… Non seulement l'année suivante, le voilà de nouveau nommé au collège de Tanta comme professeur et préfet de discipline, mais en 1961, et pour 9 ans, il en est nommé supérieur, un comble pour lui plutôt timide et réservé et peu enclin à rechercher les responsabilités. Si l'on fait le compte, on voit qu'il passe 18 ans au collège de Tanta, dont la moitié comme supérieur. On aurait bien aimé que le père soit un peu plus prolixe et écrive plus souvent au Conseil provincial pour connaître quelques détails sur sa vie au collège. Assurément, il y faisait du bon travail et sa présence était appréciée. Il faut connaître un peu le contexte dans lequel il s'est trouvé en Egypte.
Dès 1952, de gros problèmes surgissent dans le pays. Gamal Abdel Nasser prend le pouvoir, nationalise le canal, provoquant l’intervention militaire anglo-française, et décide l’arabisation totale. Les responsables du collège s’adaptent avec sagesse, prudence, et même succès, à la nouvelle situation. En 1960, le Père André Huchet est reconduit pour encore trois ans comme responsable, la propagande officielle jugeant sa direction très satisfaisante, malgré les contraintes imposées par Nasser aux écoles catholiques en faveur des élèves musulmans, contraintes qui bousculent les coutumes, le règlement, l’enseignement. Mais, en cette période de tensions, il sera victime de dénonciations de professeurs et de parents d’élèves. Le Père est expulsé en 1961. Devenu « persona non grata » et réfugié au Caire où il se cache, il rentre, fatigué en septembre 1961. Pour le remplacer, le régional, le père Dubois propose le nom de Francis Héry, et il écrit au Conseil de Lyon : "C'est le père Francis Héry qui paraît le plus désigné, mais il ne se laisse pas facilement persuader. J'arriverai cependant à le faire accepter. […] Le père Héry met en avant, pour refuser, sa timidité, sa crainte des responsabilités devant les décisions à prendre, ses brusqueries ; mais il redoute surtout les réactions de ses confrères." (11/08/61) Le Conseil provincial approuve entièrement ce choix et écrit au père : "C'est une lourde charge qui vous est confiée ; l'estime de vos confrères, l'appui du Révérend père supérieur régional, et surtout la grâce du Bon Dieu vous aideront à la supporter." (25/08/61)
A partir de cette époque, en tant que supérieur du collège, c'est lui qui écrit pour envoyer les vœux du nouvel an aux membres du Conseil. Il en profite pour donner des nouvelles de chacun, et plusieurs fois renouvelle ses craintes de ne pas être à la hauteur de sa tâche. "Quant à moi, j'essaie de m'en tirer de mon mieux, sans toujours très bien y réussir. De plus en plus, nous devons nous effacer et laisser place aux natifs. "(23/12/61) Assurément, diriger un tel établissement est une grosse responsabilité. Il a des problèmes avec le bâtiment que l'urbanisme lui demande de consolider : "Je ne puis vous cacher que tout ceci est une lourde responsabilité pour mes faibles épaules. Je crains fort de n'être pas à la hauteur de la situation. […] Cette année scolaire dans l'ensemble a été calme, heureusement. Car pour parer à notre petit nombre, j'ai dû cumuler les fonctions : supérieur, économe, professeur de français et préfet de discipline. Dans ces conditions, il est difficile, du moins pour moi, de faire les choses comme il faut." (29/05/64) Il écrit quelques mois plus tard : "Nous avons atteint 750 élèves." Deux ans plus tard, dans sa lettre de vœux, il écrit encore : "Par suite de la limitation volontaire des places dans les écoles du gouvernement en secondaire, nous avons été contraints, sous peine peut-être de réquisition des locaux vacants, d'accepter les nombreux élèves refusés ailleurs. Si bien que nous avons atteint le chiffre record de 1080 élèves, la majorité en secondaire." Mais il précise : "Evidemment, je m'occupe de très loin de cette section qui est entre les mains de M. Choucry et des professeurs laïcs." (26/12/66)
En 1967, durant son congé, il demande à faire une petite session de recyclage à Chartres. Pour la SMA, la fin de ce grand collège se précise. "Dans quelques semaines, nous espérons obtenir l'approbation officielle pour le transfert de notre collège au patriarcat copte catholique. […] C'est pénible d'en être arrivé là." (07/09/69) Les tractations sont difficiles et lentes. "L'affaire du collège avance lentement, puisque ce n'est pas terminé. C'est comme le Nil, il faut franchir les barrages et les cataractes. Nous sommes arrêtés sur un point du contrat. Je crois qu'il faut me résigner à terminer l'année scolaire ici." (26/12/69) Il va donc se retrouver libre et se demande si ce n'est pas pour lui l'occasion de faire un bon recyclage. C'est ce qu'il fait en 70-71.
A la fin de son recyclage, Mgr Hubert, le vicaire apostolique d'Héliopolis, lui propose "un travail intéressant au sein d'une bonne équipe", mais le Conseil le retient comme économe pour Baudonne. "Je n'avais jamais envisagé de rester en France, et surtout pour faire économe. Ça ne me sourit guère, car, expérience faite, je doute fort de mes compétences dans ce domaine dans une maison en France." (06/03/71) Il est nommé le 3 avril et répond dans la même semaine : "Je vais me mettre en rapport avec la maison de Baudonne, puisqu'il le faut." (13/04/71) Rapidement, il se rend compte qu'il n'est pas l'homme de la situation : "Vous me demandez d'être polyvalent, pouvoir passer de la ferme à la catéchèse, de la comptabilité à l'animation spirituelle. C'est trop me demander. Aussi, je caresse l'espoir que la Providence vous fera trouver quelqu'un de plus compétent que moi." (21/06/71) En 1973, il a un accident de voiture assez sérieux dans la région de Tréguier et passe cinq jours à l'hôpital : "entorse au cou, torse assez secoué. […] Je suis désolé, pour ne pas dire découragé en pensant au travail que je laisse aux autres à Baudonne au moment où commencent les foires." (05/04/73)
Il disait que le travail d'économe ne lui convenait pas. A la rentrée de 1973, le Conseil le nomme supérieur de la maison de Rezé, en remplacement du père Serpault. Il doit se charger en même temps de la comptabilité de la maison et est aussi conseiller ou relais du supérieur des confrères en Europe. Pour quelqu'un qui, par tempérament, a toujours cherché à fuir les responsabilités, c'est réussi ! Quelques lettres de cette époque montrent l'intérêt qu'il porte aux malades de la maison, les pères Choimet, Galliou et Briens notamment. On le découvre plein d'humour quand il écrit à ses supérieurs du Conseil provincial : "On dit que saint François Xavier se mettait à genoux quand il écrivait à son supérieur. Je vous avoue que je n'en suis pas encore là. Cependant, je vous remercie beaucoup de vos vœux, de vos prières et de vos paroles d'amitié toujours réconfortantes." (27/11/75) Au mois de janvier 1977, il passe la main à Camille Allain. "Vous êtes en train de vous demander ce que vous allez faire de moi ; moi je me le demande aussi. Surtout, je t'en prie, avant une nomination, avant de me mettre quelque part, consulte-moi et voyons ensemble." (10/01/77) Il est d'abord nommé "comptable itinérant, à la disposition de l'économe provincial et au service des comptables des maisons d'Europe, ceci afin de mettre définitivement au point la comptabilité de la Province." (19/02/77) Il va remplir ce service avec beaucoup de compétence.
Durant l'été 1977, il se retrouve quelques mois en Egypte : "J'ai quand même pu aller passer deux jours à Tanta. J'ai visité notre ex collège où j'ai passé 19 ans ; c'est devenu presque une écurie, tellement il y a du laisser aller pour la propreté. Le laisser aller, c'est l'envers du régime libéral de Sadate. On le constate partout, surtout dans les services publics." (07/07/77) "Et cette population dans les rues des quartiers populaires. J'en suis effaré. Par endroits, on se croirait en Inde, à Calcutta ou à Bombay. […] Le soir je me mêle aux jeunes qui viennent au foyer paroissial dont s'occupe le père Hadad ; […] un bon nombre parlent français, mais pour avoir des conversations poussées, il faut parler arabe et c'est là mon handicap." (19/07/77) En septembre, il se retrouve à Baudonne, toujours comptable itinérant. Il voudrait bien retourner en Egypte. "Ne devriez-vous pas encourager les rares confrères qui acceptent encore d'y aller. Les années passent et je vois que je vais être condamné à rester en France jusqu'à..." (19/09/77) Il affirme qu'il ne peut pas remplacer le père Rozier à la comptabilité, mais il ajoute : "Je voudrais pouvoir vous aider en disant : je désire ceci, je désire cela, mais ce n'est pas dans mon tempérament quand il me faut prendre une décision me concernant." (17/08/78) On lui parle maintenant de remplacer le père Achard au service librairie de la rue Crillon.
Il va inaugurer un nouveau service dénommé : "responsable des relations extérieures (librairie, achats et expéditions)." (sa nomination du 10/11/78) Il fait là un travail de bureau, mais régulièrement manifeste son désir de repartir en Egypte. En 1984, le Conseil lui signifie qu'il est d'accord pour qu'il reparte en Egypte, mais quand il lui auront trouvé un remplaçant. En 1987, le Conseil provincial (il est à Crillon depuis 9 ans) trouve les meilleures raisons du monde pour le nommer encore au même endroit pour une période de deux ans. (30/06/87). En 1991, il reçoit encore une nomination du Conseil qui le maintient à la rue Crillon jusqu'en 1994. Alors, il demande une année sabbatique, ce qui lui est accordé. Il fait ce recyclage à Lyon : il peut prendre des cours à la Catho et se reposer loin des bruits de la capitale. "Je m'intéresse surtout à la patrologie. Les Sources chrétiennes sont la spécialité de la Fac de Lyon. J'ai retrouvé Alexandrie avec les Clément, Origène, Athanase, Evagre le Pontique. Tout ceci me donne l'envie d'aller faire un pèlerinage dans le delta du Nil." (16/12/91) Après ce voyage en Egypte durant l'été 92, il obtient enfin sa nomination pour repartir en Egypte. Il va y rester de nouveau 19 ans.
"Finie la petite vie bourgeoise de Paris ; me voici au milieu du peuple, du peuple souvent bien pauvre, mais sympathique." (1992) "Le plus pénible et fatigant, ce sont les déplacements dans Le Caire infernal. A cause de cela, la plus grande partie de mon temps, je reste au foyer. Les sœurs sont aux petits soins pour moi, trop même." (09/11/92) "Je rencontre de temps en temps nos cinq stagiaires. J'ai l'impression que leur programme est bien rempli. Jean Vincent a déjà acquis une bonne expérience, ajoutée à celle de Jean Lebrun, c'est bon pour ces jeunes." (09/12/96) Il fait son jubilé d'or à Choubra en 1998. La Province lui envoie un Fax qu'il apprécie. "Les anciens comme moi ne voient pas ce qu'on pourrait faire d'autre que ce qu'on a fait jusqu'ici : ministère paroissial traditionnel et des aumôneries, dans un esprit œcuménique ; nous assurons donc une présence latine au service de nos frères chrétiens orientaux. Auprès des musulmans, nous en restons à des relations de bon voisinage imposées par la vie sociale, les circonstances, les rencontres. Puissent nos jeunes confrères de la Fondation Afrique ouvrir pour la SMA en Egypte des chemins nouveaux." (10/11/99) En 2002, il se réjouit de la venue de deux jeunes confrères africains en Egypte. "Il en faudrait d'autres."
Depuis son nouveau départ en Egypte, il revenait chaque année en congé et, à chacun de ses voyages, les confrères de la maison provinciale appréciaient les visites qu'il leur faisait à l'aller et au retour. Sa gentillesse, sa simplicité, la douceur qu'il manifestait tout naturellement par son regard et par sa voix mettaient tout le monde à l'aise, et nous l'écoutions volontiers. On peut retenir de lui la phrase suivante : "L'échec qui a marqué ma vie missionnaire, c'est de ne m'être pas assez battu pour qu'on garde le grand collège Saint-Louis de Tanta, fleuron de la présence sma en Egypte, car, en Egypte, a écrit le père Planque, on est missionnaire par les écoles."
Depuis son retour en Egypte, il était aumônier du foyer Sainte-Marie, maison de retraite tenue par des religieuses. Sœur Marie Vianney, la supérieure de la maison témoigne : "Père Francis a vécu 20 ans de service au foyer de la Vierge Marie, il a été très vivant assurant toutes les cérémonies. Il passait voir les résidents pour réconforter tous ceux qui souffrent par son écoute et sa disponibilité ; il lui arrivait souvent de donner à manger aux handicapés ; dès le matin avant l'Eucharistie, il faisait le tour du patio en chantant, il aimait beaucoup le chant, et après l'Eucharistie, il faisait le tour du jardin, le soir il se faisait un plaisir de ranger ce qu'il trouvait en désordre , très proche de chacun, de leurs familles, toujours présent, disponible. […] Bon conseiller, discret et attentif, il avait un sens très aigu du devoir, bien organisé, précis, toujours à l'heure. […] L'Eucharistie quotidienne qu'il assurait était très priante et nous appréciions beaucoup son petit mot court et profond. Nous avons eu de la chance de l'avoir sur place, toujours disponible à chaque fois que nous avions besoin de ses services pour assister les résidents qui étaient en fin de vie."
Rapatrié sanitaire le 17 décembre 2011, il a été hospitalisé dès son arrivée à Paris. Il a fallu plusieurs jours d'examen et de contrôle pour découvrir enfin qu'il souffrait d'un cancer au pancréas, et les docteurs se sont vite rendu compte qu'ils ne pouvaient plus rien faire pour lui. Après le 1er janvier, son état de santé a décliné très rapidement et il a été transféré dans une maison de soins palliatifs, la maison Jeanne Garnier. C'est là qu'il est décédé très calmement, très sereinement dans la soirée du 5 janvier. Les confrères qui se sont tout de suite rendus sur place ont apprécié la délicatesse de l'infirmière qui était là au moment de sa mort : son bréviaire était posé sur son corps et ses mains semblaient le tenir.
Sa famille a demandé que son corps soit ramené dans son pays natal. C'est à Saint-Quay-Portrieux qu'eut lieu la messe de sépulture en présence du vicaire général du diocèse. Dix confrères avaient fait le déplacement, venus de Brest, de Nantes et de Paris. Il repose maintenant dans le caveau de sa famille.
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