Société des Missions Africaines – Province de Strasbourg
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né le 1er février 1922 à Montbéliardot dans le diocèse de Besançon, France membre de la SMA le 30 octobre 1948 prêtre le 11 février 1949 décédé le 18 janvier 2006 |
1949-1958 missionnaire au Togo 1949-1954 : Yadé-Saoudé décédé à Morteau, France, le 18 janvier 2006, |
Le père Joseph CHOPARD (1922 - 2006)
Homme discret et simple, c’est dans la discrétion que le Père Joseph Chopard a vécu sa maladie. Il avait été emmené à l’hôpital de Besançon dans les derniers jours du mois de juillet : « Je n’ai pas mal, disait-il, et pourtant ils me disent que c’est très grave ». Opéré le 3 août 2005, il semblait s’être à peu près remis, mais la maladie a évolué très vite, il a dû être de nouveau hospitalisé à Morteau le 9 janvier 2006, et il est décédé le mercredi soir 18 janvier.
Ses funérailles ont été célébrées le samedi 21 janvier à Mont de Laval, dans la communauté de paroisses du Russey. Mont de Laval, qui est dotée d’une grande église, est une petite commune voisine de Montbéliardot où Joseph Chopard est né. Ses amis et les membres de sa famille sont venus nombreux. L’Archevêque de Besançon, Mgr Lacrampe avait délégué l’un de ses vicaires généraux, Jean-Claude MENOUD, pour représenter le diocèse. Une dizaine de prêtres des alentours concélébraient, tandis que trois confrères sma franc-comtois avaient pu faire le déplacement. Le maire de Goin (Moselle), accompagné de quelques personnes et l’ancien maire de Bouxières-sous-Froidmont (Meurthe et Moselle) que le Père Chopard desservait depuis Goin, avaient tenu à participer aussi aux funérailles. Dans son testament il avait exprimé le désir d’être inhumé dans le cimetière des Missions Africaines à Saint Pierre. C’est là qu’il a été amené le lundi 23 janvier, accompagné par deux de ses sœurs et une dizaine de ses neveux et nièces.
Jeunesse et formation
Joseph est né au-lieu dit « les Fruitières » à Monbéliardot, le 1er février 1922, quatrième d’une famille de six enfants. Comme beaucoup de garçons des villages du plateau, Joseph, désirant être prêtre, a été envoyé au petit séminaire Notre Dame de Consolation, tout près de chez lui. Il y a fait ses études secondaires de 1935 à 1941. A Consolation, on cultivait le rêve de la mission et plusieurs jeunes de la région rejoindront comme lui les Missions Africaines, Michel Boillon du Russey, Robert Chopard-Lallier, le cousin, du Chauffaud, qui lui montra le chemin, André Lombardet de Soye, tous de la même époque. Un peu auparavant il y avait eu le Père Gaume du Bélieu. Ils ont marqué l’histoire de la mission.
Joseph cependant continue ses études de Philosophie à Faverney de 1941 à 1943, et c’est après deux années de théologie à Besançon qu’il demande officiellement d’entrer aux Missions Africaines. Dans sa demande, le 9 juin 1947, il décrit lui-même son itinéraire : « Il y a longtemps que je me sens appelé vers l’Afrique. Déjà, dans le cours de mon petit séminaire, je pensais souvent aux Missions, mais ce n’était que quelque chose de très vague. Au séminaire de philosophie, cet appel se précisa, j’avais alors comme directeur de conscience un saint prêtre d’expérience. Il me conseilla de ne pas prendre une décision tout de suite et me fit entrer au grand séminaire de théologie à Besançon, où je passai deux années complètes… Mon nouveau directeur de conscience connut ma vocation missionnaire et avec Mgr l’archevêque, me permit de quitter le diocèse. Mais déjà, bien des événements allaient encore m’empêcher de partir. Tout d’abord l’état de santé de ma pauvre maman, malade depuis quatre ans, s’aggrava subitement, et je fus retenu dans ma famille pour quelques mois. Ensuite ma situation de réfractaire au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) m’empêcha de rentrer au grand Séminaire, et il me fallut encore passer six mois à l’armée. Enfin, avant de me laisser partir définitivement, Mgr l’Archevêque me demanda de rendre un petit service au diocèse et en octobre 1946, il m’envoya comme surveillant au petit séminaire de Consolation où je suis actuellement. Cette année d’attente me fut un peu pénible, mais elle ne fit que fortifier ma vocation ».
Lorsqu’il fait officiellement sa demande d’entrer aux Missions Africaines, le supérieur du grand séminaire de Besançon le recommande avec joie : « enfant d’une famille très chrétienne de nos montagnes, il en gardé un grand esprit de foi, et depuis longtemps il n’aspire qu’à se consacrer aux missions… Bon caractère, mais un peu effacé il ne fait pas de bruit. Docile, appliqué à sa tâche, il ne s’est attiré aucune observation… Il a conquis l’estime de ses condisciples et il le mérite par sa piété solide et son esprit surnaturel ».
A la veille de son sous-diaconat, l’abbé Jean Mosimann, déjà curé du Luhier, confirmait ce constat : « Dans toute la paroisse, l’abbé Joseph jouit d’une grande estime parce qu’il est simple, bon, avenant ».
Missionnaire au Togo (Saoudé)
Il est ordonné prêtre à Lyon par le Cardinal Gerlier, le 11 février 1949. Il est tout de suite nommé pour le nord Togo, à la préfecture apostolique de Sokodé. Dans sa lettre de nomination son provincial, le Père Kern, précise « Vous y trouverez une vie austère, comme la rêve votre généreuse ardeur ; vous y trouverez un très beau champ d’apostolat, qui est en train de s’ouvrir très largement à l’action missionnaire ».
Ce champ d’apostolat, ce fut les plus belles années de sa vie. C’est avec beaucoup d’émotion qu’il parlera de son expérience de mission en terre togolaise. Il aimait s’en souvenir. Comme Saint Paul dans la première lecture de la messe de ses funérailles (I Timothée (1,12-16), « il rendait grâce d’avoir été trouvé assez fidèle pour être appelé à son service », heureux de voir « combien la grâce de notre Seigneur pouvait surabonder », sur cette terre d’Afrique, « avec la foi et la charité qui est dans le Christ Jésus ».
Au Togo, le Père Joseph travaille avec ardeur. Il contribue au lancement de deux missions prometteuses, la mission de Saoudé dans la montagne Kabyèse et la mission de Cambolé, sur la frontière du Dahomey. Il vit dans une maison du village, au milieu des gens, avec le strict minimum. Le Père Joseph a toujours vécu de peu, dans la simplicité.
Parti au début novembre 1949, il ne revient en congé qu’en juin 1954. « Le Père Chopard, écrit le chroniqueur de la mission de Saoudé, fut le premier prêtre chargé du secteur. Résidant d’abord à Yadé, il s’installera à Saoudé pour mieux s’occuper de ce district dont la mission devenait de plus en plus importante. A son arrivée en 1953, Sa maison, ancienne demeure du catéchiste protestant, servait à la fois de logement et de chapelle. La chapelle elle-même sera d’abord un apatam, (abri couvert de chaume), puis un bâtiment en banco (ou terre mélangée d’un peu de ciment). La chapelle servait en même temps de lieu de catéchèse et de réunion.
Son lointain successeur, le Père Alphonse Kuntz, actuellement en charge de la mission de Saoudé, admire encore la manière de vivre du premier missionnaire résident : « La convivialité du Père Chopard à travers ses visites à domicile, sa disponibilité à répondre aux invitations des anciens ont facilité l’évangélisation, et par surcroît ont donné une main d’œuvre gratuite qu’offrirent les jeunes pour les constructions. A la mode du temps, il construisit une chapelle-école à Lama-Pou. Il commença les fondations de la première église… ».
Son travail apostolique est entravé par des groupes de protestants sectaires « qui me rendent la tâche difficile » écrit-il le 9 janvier 1954. « Ils font tout pour enrayer notre action… Cependant le nombre de nos catéchumènes s’accroît et chaque soir, ils sont réguliers au catéchisme ; je voudrais pouvoir me dépenser davantage, donner toute ma mesure, mais je me sens très fatigué. Je remercie la Providence de m’avoir protégé jusqu’ici et j’espère qu’elle me protègera jusqu’au congé. Assez régulièrement je reçois des nouvelles de ma famille. Ils attendent mon retour avec impatience ».
Sa famille en effet lui restera toujours très attaché, et lui-même sera toujours reconnaissant aux siens… C’est pour être près d’eux, dans sa région, qu’il a voulu se retirer à Maîche… Ses frères et sœurs, ses neveux et nièces l’ont toujours très entouré et n’ont eu de cesse de le visiter à l’hôpital… plusieurs d’entre eux étaient présents lorsque pour lui le sacrement de malades a été célébré. Lorsqu’il était en mission, sa famille l’a beaucoup soutenu. Dans une lettre de fin décembre 1954, il raconte l’intérêt de sa famille pour sa mission : « Grâce à la générosité de mes frères et sœurs et cousins et cousines, j’ai pu me procurer une fourgonnette, 2cv Citroën, voiture qui me rendra de grand services en Afrique ».
Missionnaire au Togo (Cambolé)
Son congé terminé, à son retour au Togo, il est affecté à la mission de Cambolé, un village Yoruba de 2500 habitants, entouré de nombreux autres villages où il faudra tout faire : « Chapelle et mission… Je sacrifierai tout pour monter une chapelle couverte en tôles. C’est absolument nécessaire. Les musulmans ont leur mosquée couverte de tôles également ; il faut faire aussi bien qu’eux. Quant à ma case, si je reçois des sous, je la construirai sinon j’accepterai comme à Saoudé, le sacrifice de vivre dans une petite maison locale… Heureusement, Cambolé a de beaux côtés. Il y a déjà un groupe de chrétiens (700 inscrits, dont plus de 300 qui communient). Il y a également un certain nombre de catéchumènes. Je sais que j’aurai du travail, beaucoup de travail, et par le fait même je ne souffrirai pas de l’isolement… Les chrétiens sont généreux pour la construction de leur chapelle, mais ils sont pauvres. En toute franchise, je puis vous dire que je me plairai dans cette nouvelle mission, malgré l’isolement, malgré le manque de ressources… Il y a un beau ministère à faire ici et ce sera même intéressant, car il y aura de la lutte, et j’espère qu’avec le secours de vos prières le travail du Christ progressera dans le secteur… »
Dans une lettre du 21 juin 1957, il donne à son provincial un petit compte-rendu sur sa situation : « La Providence est vraiment bonne, et jusqu’ici elle m’a beaucoup aidé. Il y a tant à faire dans ce village de Cambolé et vous savez que les débuts d’une mission ne sont jamais bien faciles. Ce sont des soucis matériels qui me préoccupent ; mon état de santé s’en ressent ; depuis quinze jours environ, je me sens déprimé et je souffre, en plus, de dyssentrie. Heureusement depuis hier cela va mieux… Le lundi de la Pentecôte, c’était les chrétiens de Cambolé, qui avaient la joie d’accueillir, à leur tour, Monseigneur, venu ici pour les confirmations. Belle cérémonie puisque les confirmands étaient au nombre de 88. Pour le seul village de Cambolé, ce n’est pas trop mal. Monseigneur reste toujours très attaché à ce coin de brousse, puisqu’il a réservé sa première sortie pour nous… Il reste encore beaucoup de travail à faire ; avec du courage on y arrivera. L’essentiel, c’est que la chrétienté prospère ; en somme je suis content des chrétiens, puisque ce mois de juin, nous avons déjà plus de 1000 communions. Trois enfants se sont présentés comme candidats au petit séminaire ; pour une mission si jeune, l’avenir promet beaucoup. Je serais si heureux de voir l’un de ces enfants devenir prêtre, et je vous demande, mon Révérend Père, de prier et de faire prier à cette intention ».
Au service des missions, en résidence dans le Haut-Doubs et en paroisse en Lorraine
Mais, le 12 août 1958, le provincial lui communique une nouvelle affectation : « J’ai à vous faire savoir que je vous ai nommé, avec mon conseil, recruteur et propagandiste dans les diocèses de l’Est, autres que Strasbourg et Metz. Nous savons bien que c’est un sacrifice qui vous est ainsi demandé et que vous ne quitterez pas sans peine un champ d’apostolat que vous aimez et pour lequel vous avez donné toute votre généreuse ardeur de jeune prêtre. En acceptant ce renoncement, vous rendrez cependant à notre œuvre et à nos missions le plus grand service. Grâce à votre nouvelle activité, les ouvriers seront plus nombreux dans le champ du Père de famille et vous aurez la joie de contribuer de cette manière – d’une façon bien efficace – à l’extension du Règne de Dieu dans nos chères missions d’Afrique, auxquelles vous avez donné votre cœur d’apôtre ».
Discret, le Père Chopard l’est resté dans ce travail délicat de propagande pour les missions et vocations missionnaires, il privilégiait les rencontres personnelles. C’est à cette époque là qu’il a eu ses premiers contacts avec plusieurs jeunes du Haut-Doubs qui se laissaient guider par l’appel à la mission. Les temps n’étaient pas facile pour ce genre de travail, ils le sont encore moins aujourd’hui. Il s’est fixé au Couvent des Fontenelles où il a suppléé l’aumônier qui était malade. Il habitait ainsi près de sa famille qu’il visitait souvent, mais très rapidement, car « il était très impatient », disent ses neveux. Pendant plusieurs années il a fait partie de l’équipe de chasse de son village ; c’est lui qui célébrait très tôt « la messe des chasseurs », le dimanche de l’ouverture. Il avait déjà pratiqué la chasse au Togo. Il était très convivial et aimait jouer aux cartes, à la belote, au tarot, ce jeu que les villageois du plateau du Russey pratiquent encore lors des longues veillées de l’hiver. Il se retrouvait régulièrement pour ce sport avec quelques prêtres amis du secteur.
Après une dizaine d’années aux Fontenelles, il est retourné en communauté au Zinswald, près de Sarrebourg en Moselle, et ensuite à Arry, non loin de Metz. Lorsque la communauté de Arry a été fermée, il est resté au service des paroisses qu’il avait prises en charge, Goin et Pagny (diocèse de Metz) et Bouxières Sous Froidmond (diocèse de Nancy). Il a beaucoup aimé ces villages, et les gens le lui rendaient bien. Il y est resté, dans l’humble service pastoral quotidien, jusqu’à sa retraite à Maîche en octobre 1997. Il s’est retiré dans un petit studio, vivant de façon autonome, essayant de ne pas déranger.
Il est venu à Maîche, pour être tout près de son frère Maurice avec lequel il s’entendait très bien. Ils aimaient sortir ensemble pour rendre visite aux parents et amis ou pour quelques petits pèlerinages. Le décès de son frère, le 15 février 2001, fut une épreuve très dure pour lui. Suite à un accident de voiture au courant de la même année, le Père Joseph décida de ne plus conduire de véhicule, ce qui le força se cantonner davantage à son petit univers qu’il élargissait par des lectures et un grand intérêt aux affaires internationales. Cependant il aimait les visites ; les missionnaires de sa génération, ceux des M.E.P. aussi bien que les autres qu’il avait connus dans sa jeunesse ou avec lesquels il avait étudié, passaient souvent. Sa filleule, Bernadette, la fille de son frère Maurice, veillait discrètement sur lui, prenant contact chaque jour avec lui.
Le Père Chopard était d’origine paysanne, il connaissait la lenteur de la graine qui germe, il savait, mieux qu’aujourd’hui, le mystère de la terre, il savait que « le Royaume de Dieu, c’est comme un homme qui aurait jeté du grain en terre » (cf. Marc 4,26-29, évangile de ses funérailles). Il est resté dans la discrétion face à ce grain de la Parole, face à la grâce qui chemine dans les cœurs, face à foi et à la générosité de ceux qui l’ont entouré, de tous ceux avec lesquels il a cheminé, et qui ne peuvent pas rester sans produire du fruit.
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