Société des Missions Africaines - Province de Strasbourg
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né le 14 juillet 1919 à Salmbach dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 23 août 1941 prêtre le 28 février 1943 décédé le 8 février 1992 |
1943-1945 Alémont (Metz) décédé à Lomé, Togo, le 8 février 1992
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Le père Albert REIFF 1919 - 1992)
Albert Reiff est né le 14 juillet 1919 à Salmbach, village alsacien du pays de Wissem¬bourg. À l’âge de 12 ans, il entra à l’école apostolique de Haguenau. Après ses études secondaires, en automne 1938, il commença son noviciat au séminaire de Chanly en Belgique. Mais au mois de septembre 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, il dut revenir en France, car il était susceptible d’être appelé au service militaire. Il ne fut cependant pas mobilisé. Il se rendit chez ses parents qui, évacués de Salmbach, localité toute proche de la frontière franco-allemande, résidaient comme réfugiés aux Grands-Chézeaux, village de Haute-Vienne en Limousin. Apprenant que les jeunes gens nés après le 30 juin 1919 ne seraient appelés que plus tard, il alla continuer son noviciat au Rozay près de Lyon. Il fut enrôlé au mois d’avril 1940 et accomplit quelques mois de service militaire en Tunisie.
Démobilisé en décembre 1940 et revenu en Alsace, il entra, à l’invitation du Père Brédiger, au séminaire de Saint-Pierre, que quelques séminaristes avaient déjà pu rejoindre. Il fit le premier serment s.m.a. le 23 juin 1941 et fut ordonné prêtre à l’église paroissiale de Saint-Pierre par Mgr Hauger, le 28 février 1943.
À l’époque, il ne fallait pas encore songer à quitter l’Alsace-Lorraine, que les Allemands avaient annexée et dont ils gardaient rigoureusement les frontières. C’est pourquoi le Père Reiff fut mis à la disposition de l’évêché de Metz pour un travail pastoral. Beaucoup de prêtres lorrains avaient été expulsés du territoire et les paroisses étaient sans pasteurs. On confia au Père une petite paroisse des environs de Verny : Alémont, qui s’appelait Alenberg, avec deux autres villages voisins. Il se donna avec courage et avec zèle à son office, aimant ses paroissiens, qu’il trouva sympathiques et amicaux, et dont il s’efforçait d’intensifier la ferveur chrétienne. Pour un tout jeune prêtre, c’était une tâche un peu rude. Mais il s’y adaptait en entière confiance au Seigneur et disait : Wo die Not am grössten, ist Gott am nächsten.
Parfois bien sûr, il ressentait quelque lassitude devant la prolongation d’une situation qui l’éloignait des missions. Souhaitons, écrivait-il en avril 1944, que nous ayons très bientôt la paix si longtemps désirée, afin que tous, nous puissions nous donner à notre véritable vocation. Cela viendra après deux long mois où le pays d’Alémont fut en première ligne de combat et, par suite, exposé à la terrible artillerie américaine. Une fois l’offensive américaine déclenchée, beaucoup d’habitants furent évacués. Le Père resta dans son village avec une vingtaine de personnes. Alémont fut très endommagé. L’église aussi reçut plusieurs obus. Enfin la libération tant attendue mit fin aux calamités. Le Père exerça ses fonctions pastorales à Alémont jusqu’au mois de juin 1945. Il vint après cela à Saint-Pierre et y resta pour reprendre et parachever sa formation théologique, jusqu’au 21 décembre. Puis, le 21 janvier 1946, il reçut une nomination pour la Préfecture Apostolique de Sokodé.
En ce temps de l’immédiat après-guerre, l’autorisation d’embarquer pour l’Afrique n’était accordée qu’après des démarches longues et compliquées. Ce n’est qu’au mois d’octobre 1946 que le Père reçut la bonne nouvelle que le départ du Cap Tourane était fixé au 29 octobre.
Bombouaka
La mission où le Père Reiff fut envoyé était Bombouaka, à 68 km au nord de Mango. Elle était la plus septentrionale des missions du Togo. Centre du pays Moba et Gourma, elle avait été fondée par le Père Diebold et le Père Christ, le 9 novembre 1940, et elle avait été dédiée à Notre-Dame de la Paix. En 1946, lorsque le Père Reiff y arriva, les statistiques faisaient état de 102 catholiques et de 385 catéchumènes. Il y avait 2 écoles et la station principale étendait son action sur 6 stations secondaires. Malgré une certaine lenteur de la pénétration chrétienne, les résultats obtenus en six ans laissaient espérer que l’évangélisation porterait des fruits chez les Mobas et les Gourmas. Les gens, excellents cultivateurs, grands travailleurs, étaient sympathiques et pacifiques et profondément religieux. Le Père Diebold avait construit une petite chapelle, devenue maintenant trop petite. Le Père Welsch construisit une église. Dans un article publié par le Messager en 1947, le Père Reiff a raconté lui-même les difficultés de cette construction, les pluies qui gênèrent les travaux et anéantirent même des parties de l’œuvre déjà réalisée, la bonne volonté des habitants qui n’épargnaient pas leur peine pour coopérer aux activités déployées en vue d’édifier la nouvelle maison de Dieu.
Le Père Reiff prit à cœur sa tâche missionnaire à Bombouaka. Il apprit la langue du pays qu’il parlait habilement, ce qui laisse supposer une belle ténacité dans l’effort. Au reste l’évangélisation du nord Togo exigeait une activité particulièrement pénible et fatigante. Le Père Kern, Provincial de Strasbourg, s’en rendit compte sur place. Effectuant la visite des territoires de missions, il s’arrêta, au mois de janvier 1949, à Bombouaka, où travaillaient le Père Diebold, supérieur, et le Père Reiff, son vicaire. Le Provincial fut fort intéressé et édifié par ce qu’il voyait et entendait. Il admira la belle église. Il remarquait que les missionnaires étaient partout aimés et honorés : on n’entendait sur eux que des louanges.
Le Père Diebold était très occupé par l’aménagement de la station future de Dapango. Avec le Père Reiff, le Provincial visita le verger et le jardin de la mission de Bombouaka où poussaient manguiers et goyaviers, citronniers, légumes variés. Le 9 janvier, qui était la solennité de l’Epiphanie, il écouta les beaux chants des enfants et des hommes, que le Père Reiff avait fait répéter la veille.
Mais à côté de ces constatations un peu idylliques, ce qui frappa surtout le Provincial, ce fut la vie austère des missionnaires, leur travail harassant, dans un climat éprouvant, et en l’absence, en ce temps-là, de secours venu d’Europe. Voyageant un jour dans la contrée sur un camion de fortune, il fut interrogé par le conducteur africain de la voiture, qui lui demanda à brûle-pourpoint : Quelle est votre impression sur les missions ici ? Et comme le Père répondait avec prudence, l’homme ajouta : Je n’ai jamais vu des missionnaires aussi démunis que les vôtres ni d’aussi gentils. Ah ! ils sont gentils, mais ils sont vraiment trop pauvres ! Ce n’est pas permis. C’était bien vrai : pauvreté et dénuement étaient le lot quotidien des missionnaires dans leurs habitations. Ils manquaient aussi de moyens de locomotion. À Bombouaka, les deux Pères visitaient chaque mois, à tour de rôle, durant une ou deux semaines, tous les villages du district ; ils devaient pour cela se déplacer à pied ou à bicyclette.
En 1952, le Père Reiff rentra en congé en Alsace. Ce congé, dont il avait spécialement besoin, dans l’état de fatigue où il se trouvait alors, lui apporta cependant quelques désagréments. Arrivé en Alsace au mois d’avril, il tomba malade dès le mois suivant. Une place pour le retour en Afrique lui avait été retenue sur le Foch du 6 décembre 1952, mais il fallut la décommander. Fièvre et toux, maux de tête, vertige, anémie, un état général déficient : un long temps fut nécessaire pour remédier à tout cela.
Il fut soigné à la clinique Sainte-Odile à Strasbourg, à l’hôpital civil de Strasbourg, au Zinswald où le Père Muckensturm lui donna de bons conseils paramédicaux. Il passa plusieurs mois à Dauendorf, où se trouvaient un couvent de Religieuses et un petit hospice de vieillards : il en fut l’aumônier, tout en profitant des soins attentifs des excellentes Sœurs, très dévouées à son égard.
Il était bien décidé à prendre le chemin de l’Afrique dès que sa santé le permettrait, et parfois il s’impatientait devant la lenteur de sa guérison. Enfin, le 2 février 1954, son séjour à Dauendorf s’acheva, et il repartit heureux : le Seigneur lui revaudrait in omni benedictione pour son apostolat au Togo, les bons services qu’il avait accepté de rendre pendant le temps de son rétablissement.
Saoudé
De 1954 à 1963, c’est à Saoudé que le Père Reiff fut missionnaire. Les missions de l’extrême nord Togo, avec Bombouaka, allaient être prises en charge par les Pères Franciscains. La mission de Saoudé avait été fondée en 1953 par le Père Joseph Chopard. Elle comptait en 1954, 665 catholiques et 430 catéchumènes. Le Père Reiff en fut supérieur. Au début, il habitait une case louée. L’année suivante, il avait sa propre maison d’habitation. Plus tard, il bâtit des chapelles dans les villages importants du district et des logements pour les catéchistes. La station centrale de Saoudé possédait une belle église.
Vers la fin de son séjour dans cette mission, le Père Reiff écrivit une notice sur Saoudé et sa population cabraise. On pourra en lire le texte dans le Messager des Missions Africaines, mai-juin 1964, en même temps que la description de la journée du missionnaire, récit d’un laïc missionnaire en visite chez le Père Reiff.
Guérin-Kouka
En 1963, la paroisse de Saoudé était mise aux soins du clergé diocésain de Sokodé. Le Père Reiff fut affecté, en mars 1964, à la mission de Guérin-Kouka. Cette mission avait été détachée du district de Bassari en octobre 1953. Le Père Dauphin, premier titulaire, y construisit une chapelle et une petite résidence. Mais une année plus tard, il fut appelé à Sokodé pour s’occuper des constructions dans la Préfecture Apostolique. Guérin-Kouka fut de nouveau laissé aux soins des Pères de Bassari et n’eut plus, pendant longtemps, de missionnaires résidents. La mission avait été érigée au cœur même d’un groupement ethnique qui était resté animiste à 99 % au temps de la fondation : les Konkombas. Les débuts avaient été difficiles. Lorsque le Père Reiff reprit d’une façon stable la direction de Guérin-Kouka, il y avait encore beaucoup à faire. Lui et le Père Cuenin, qui lui était adjoint comme vicaire, s’armèrent de courage. Ils construisirent une nouvelle maison d’habitation : celle du Père Dauphin avait été emportée par une tornade. Le district était très étendu. L’influence chrétienne fut longtemps faible. Le Père notait que l’évangélisation des Konkombas demande beaucoup de patience et beaucoup de temps.
Les missionnaires en tout cas s’adonnaient avec ardeur aux semailles évangéliques. Ils rendaient visite aux gens dans leurs villages, ils apprenaient la langue du pays, ils soignaient les malades, ils enseignaient le catéchisme aux enfants et aux adultes. La mission possédait une église et 5 chapelles secondaires desservies chacune par un catéchiste qui s’occupait de l’instruction religieuse dans plusieurs villages environnants. À Guérin-Kouka, il y avait également un cours complémentaire et une école primaire complète.
La collaboration fraternelle entre les missionnaires était particulièrement précieuse en ces années de dur labeur. Nous savons combien elle était hautement appréciée par le Père Reiff. Comme on lui demandait un jour quelles étaient les principales joies qui lui étaient données dans le ministère de la mission, il répondit que c’était d’abord l’espoir que les gens allaient accueillir l’évangile, et une autre joie très grande, ajoutait-il, est de vivre avec mon vicaire et mes confrères voisins, non seulement en bons termes, mais dans un esprit de coopération et d’authentique vie de famille.
Kouméa
En 1974, le Père Reiff revient au pays cabrais qu’il connaît bien depuis son séjour de plusieurs années à Saoudé. La région ouest du diocèse de Sokodé, dont faisait partie Guérin-Kouka, est maintenant évangélisée par les Pères du Verbe Divin. Dans la région cabraise, le Père prépare une nouvelle fondation ayant comme centre l’importante agglomération de Kouméa qui, de station secondaire, va devenir station principale. Il allait exercer son apostolat dans cette paroisse pendant de longues années. Il se rendit compte au début que de profonds changements sont intervenus depuis le temps qu’il a quitté la région pour Guérin-Kouka. Le nombre des baptêmes annuels diminue. Le catéchisme dans les écoles devient de plus en plus difficile, car les enfants sont sollicités par d’autres occupations : travaux ou sport. Pourtant dans l’ensemble, les chrétientés restent bonnes. Le Père en donne régulièrement des informations à l’intention de ses confrères de la Province. Il n’était sans doute pas un épistolier très prolixe, mais il faut retenir un point pour lequel il mérite spécialement d’être loué et reconnu : en effet, notre Ralliement a pu donner fréquemment à ses lecteurs des nouvelles reçues du Père Reiff.
Ce sont le plus souvent de brèves indications : la chapelle de Féouda inaugurée par Mgr Bakpessi, la rénovation entreprise de la chapelle de Karé, la visite du Pape au Togo, la fête patronale de Kouméa présidée par le Père Alphonse Kuntz qui avait été soigné chez le Père Reiff d’une grave crise de paludisme, les visites et les réunions des confrères dans une ambiance excellente... On y trouve parfois une note de tristesse : au diocèse de Sokodé plusieurs confrères sont âgés, quelques-uns sont depuis plus de 40 ans en mission, et la relève est faible. Il y a aussi le souvenir de belles journées. Ainsi, en 1989, le Père prêche à la fête patronale de Guérin-Kouka : Cela fait du bien, dit-il, de respirer à nouveau l’air konkomba. Ne faut-il pas rappeler à ce propos comment Sœur Marthe a décrit cette fête ? Nous sommes arrivés samedi soir, écrit la Sœur. Il y avait du théâtre en l’honneur du Père Reiff... Après, je ne savais plus si nous fêtions le Père ou Notre-Dame de Lourdes à qui est dédiée la mission. Le Père était très content et les gens aussi. Il a très bien parlé à la messe.
Le Père était heureux dans sa mission. Mais en 1990 la maladie survint. Des symptômes dermatologiques alarmants se manifestèrent. Au mois d’août, le Père dut rentrer en Alsace. Il fut soigné à l’hôpital civil de Strasbourg, puis, après un séjour dans sa famille, à l’accueillante maison forestière de Lampertsloch, il fut à nouveau hospitalisé à Wissembourg. Il fit aussi un séjour à Saint-Pierre. Une année après son arrivée en Alsace, il allait mieux. Et il annonçait avec une grande joie que, selon l’avis des médecins, il pouvait retourner en mission. C’était son désir le plus intense. Le 14 août 1991 il reprit le chemin du Togo.
De retour dans la mission de Kouméa, tout sembla aller pour le mieux. En novembre, il mentionnait plusieurs rencontres avec ses confrères du diocèse de Sokodé, en compagnie du Père Bretillot, Régional du Togo. Mais quelque temps après, il eut une attaque cérébrale. Après un séjour chez le Père Cuenin à Yao-Kopé, il fut hospitalisé à la clinique de l’Union à Lomé. Son état parut s’améliorer et il alla se reposer à la maison régionale de Bè. Mais ce n’était qu’une apparence de guérison. Des complications pulmonaires se présentèrent. Le mal reprit le dessus. Le 8 février 1992, le Père Albert Reiff s’endormit dans le Seigneur, à Lomé, en cette terre togolaise qu’il avait aimée et pour laquelle il se dévouait depuis 46 ans.
Maintenant que notre confrère est absent, qu’il n’est plus là pour nous parler et que nous ne pouvons plus le voir, un chagrin profond s’empare de nous. Dans cette épreuve, nous aimons penser aux jours de son existence parmi nous. Nous revoyons sa vie pleine de bonté généreuse envers tous. Nous avons parlé de ses belles qualités d’homme et de prêtre, de son esprit de foi, de son union à Dieu. Pour combler les lacunes de cette petite notice biographique, l’homélie du Père Gilbert Brem, vivante et colorée, suppléera heureusement. Dans ce témoignage fraternel, nous pourrons reconnaître le missionnaire de Bombouaka et de Saoudé, de Guérin-Kouka et de Kouméa et nous verrons qu’il a suivi fidèlement la voie d’un vrai disciple de l’Évangile, écoutant le Christ qui lui a parlé au fond de son cœur. Et nous rendrons grâce à Dieu. Oui, louange au Seigneur ! Béni soit-il de nous avoir donné le Père Albert Reiff, l’exemple de sa vie, la douceur de son amitié.
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