Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 7 octobre 1934 à Natzwiller dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 15 juillet 1934 prêtre le 3 juillet 1960 décédé le 5 avril 1999 |
1961-1999 missionnaire en côte d’Ivoire, Katiola et Korhogo décédé à Katiola, Côte-d'Ivoire, le 5 avril 1999, |
Le père François HUMBERT (1934 1999)
(Homélie le jour de la messe de funérailles à Natzwiller, le 10 avril 1999)
Frères et sœurs, mes frères prêtres, elle est très belle et émouvante l’histoire des disciples d’Emmaüs que nous entendons en ce temps de Pâques. Il nous arrive de nous retrouver en ces deux chercheurs et suiveurs de Jésus. Comme eux nous pouvons cheminer l’air sombre vers une direction bien indéterminée, nous ressourcer à un partage convivial où le Seigneur sait se manifester, et reprendre la route dans l’espérance et la foi renouvelée.
C’était au soir de Pâques que les deux disciples se sont retrouvés avec cet inconnu en qui ils ont reconnu Jésus. Dimanche dernier, nous étions cinq confrères SMA et deux séminaristes à nous retrouver à la maison des Missions Africaines à Fronan. C’était la maison où François, le Frantz comme on l’appelait, venait prendre ses repas, depuis qu’il avait pris en charge la paroisse en 1991. Nous nous sommes retrouvés en ce soir de Pâques sans nous être donné rendez-vous, pour passer un moment de fraternité, pour échanger, pour raconter... Chacun d’entre nous avions célébré la fête de Pâques en des endroits différents, j’étais moi-même allé plus au nord à quelques 250 kms... Nous nous sommes racontés la grande nuit des chrétiens, la longue veillée pascale que nous avions vécue, belle et émouvante, les foules rassemblées, les chants, les tams-tams et balafons, la grande victoire de Jésus ressuscité, avec la célébration des baptêmes d’adultes et des autres sacrements. Le jour de Pâques avait été aussi beau, aussi priant, aussi porteur de vie et de foi... Nous étions fatigués en ce soir de Pâques, et qui n’est pas fatigué après tant de préparation, d’activités, d’émotion. Mais nous avons pris le temps comme à Emmaüs, d’être ensemble, de partager un repas bien simple, auquel nous avions ajouté une bouteille de bon vin... Nous étions assis, dehors, au bord de la terrasse, la lune de Pâques brillait, la nuit était claire et belle. Et notre coeur devenait brûlant à ces retrouvailles et ce partage. Le Seigneur ressuscité était là, vivant au milieu de nous. C’est lui qui nous rassemblait, c’est lui qui nous avait appelés et nous avait poussés dans la chaleur et les routes d’Afrique. C’est de lui que nous avons parlé, c’est lui que nous avons annoncé en ces jours de Pâques. François lui aussi a beaucoup raconté et sa voix était plus forte que d’habitude, il était heureux de ce jour et de cette nuit de Pâques, nous avons pris plaisir à l’entendre, nous avons pris plaisir aussi à le taquiner, car il aimait bien qu’on le taquine... Nous avons parlé aussi de Henri Kunemann, un autre missionnaire alsacien, décédé quinze jours plus tôt, et qui était encore responsable de la paroisse de Timbé, à une trentaine de kilomètres de Fronan. Le décès de Henri avait profondément affecté François, il nous rappelait ce soir là qu’ils avaient vécu et travaillé seize années ensemble et qu’ils s’étaient bien entendu.
Le lendemain, lundi de Pâques au matin, après une nuit reposante, François est parti dans un village pour une autre célébration pascale, et nous avons pris congé de lui... Il m’avait donné rendez-vous pour cet été en Alsace. Il avait prévu de quitter la Côte d’Ivoire le 15 Juin. Il se réjouissait de venir bientôt en congé, dans son village de Natzwiller qu’il aimait bien, auprès de sa soeur et de sa famille auxquelles il était resté très attaché... Sur son bureau on a retrouvé la photo du dernier-né de la famille, qu’il venait de recevoir. Mais le mardi soir, alors que j’étais à l’aéroport d’Abidjan, on m’a annoncé que François était parti pour le dernier et le plus beau de ses congés, pour le plus beau de ses voyages, il avait pris la route de la Jérusalem céleste pour rejoindre ce Jésus ressuscité qu’il venait de célébrer avec les siens... J’ai dû prendre une autre route, le coeur bien lourd de la pesante nouvelle à annoncer... Notre route à tous doit continuer encore, sans lui, ou plutôt en sa présence d’une toute autre qualité.
Les gens de Fronan, la paroisse de François, comme nous tous, ont été très tristes en apprenant la nouvelle de sa mort subite et inattendue. Comme tous les lundis beaucoup d’entre eux étaient partis au champ pour le reste de la semaine. C’est l’époque où les premières pluies commencent à tomber, et la terre doit être prête pour les semailles... Mais dès mercredi ils sont revenus... Ils étaient déjà plusieurs centaines en cette fin d’après-midi de mercredi devant l’église, à prier, à chanter... telles nos troubadours des anciens temps, des femmes se sont mises à inventer et à chanter des complaintes en l’honneur et en souvenir de leur Père François. Leurs paroles toutes de délicatesse et de poésie, ont montré qu’elles le connaissaient bien et qu’elles l’appréciaient. Le même rassemblement s’est opéré jeudi après-midi. Hier aux alentours des 17 heures on a apporté le corps de François, on l’a déposé dans l’église, et les gens sont venus, à l’intérieur de l’église, où une longue veillée a eu lieu, faites de prières, de lectures, de chants, d’éloges, de complaintes. Ce matin même a eu lieu l’Eucharistie et François vient d’être enterré à côté de l’église où il a servi pendant presque dix ans... Il repose là-bas parmi les gens qu’il a côtoyés et aimés. Les missionnaires, on les enterre là où ils meurent, car le village où ils sont nés et qu’ils ont quitté à cause de l’évangile ne les retient plus. Leur village, leur terre c’est là où ils vivent, c’est là où ils témoignent, c’est là où ils travaillent. D’ailleurs peu nous importe le lieu où nous sommes enterrés, puisque « nous avons une demeure éternelle dans les cieux ».
François a passé toute sa vie de prêtre, soit 38 ans, en Côte d’Ivoire, dans le pays Sénoufo. Il était très disponible et il a été envoyé d’un endroit à l’autre, parce que tout d’un coup on avait besoin d’un prêtre en ces endroits. C’est ainsi qu’il a été professeur au petit séminaire dès son arrivée. Il est allé ensuite plus loin dans le nord, à Korhogo, puis une année à Timbé, une autre année à Offiakaha, plus longtemps à Niakamarandougou et à Tafiré où l’a rejoint pour quelques années l’abbé Robert KONE, présent aujourd’hui parmi nous. Finalement, depuis 1991 il était à Fronan, la paroisse qui l’a le plus longtemps gardé. Il aimait bien la vie missionnaire, suivant ses communautés avec beaucoup de soin, visitant les villages, faisant la catéchèse, très proche de ceux avec lesquels il avait à travailler, les admirant, leur faisant confiance et les soutenant toujours. C’était un homme, attentif aux autres, sachant écouter, le sourire toujours accroché aux lèvres, porteur de paix, il ne se fâchait guère. Il n’était pas robuste et sa santé lui faisait parfois défaut, mais il faisait face avec courage et tenait le coup. Il est parti discrètement comme il a vécu. Aujourd’hui ensemble nous rappelons son souvenir, nous rendons grâce au Seigneur pour sa vie, pour tout ce qu’il a été pour nous, pour son témoignage, pour l’évangile qu’il a fait passé dans sa vie, dans nos vies, dans celles vers lesquels il a été envoyé. Et nous prions aussi pour que la mission qui était la sienne et qui est aussi la nôtre puisse encore continuer avec des ouvriers comme lui, remplis de délicatesse, de zèle et de foi.
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