Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 19 janvier 1899 à Gundolsheim par Rouffach dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 30 octobre 1920 prêtre le 9 juillet 1922 décédé le 11 avril 1989 |
1922-1923 Saint-Priest, professeur et économe décédé à Saint-Pierre, France, le 11 avril 1989, |
Le père Antoine HICKENBICK (1899 - 1989)
Antoine Hickenbick est né le 19 janvier 1899 à Gundol¬sheim, petit village de la plaine d’Alsace, au diocèse de Strasbourg. En 1911, il séjourna quelques mois à l’école apostolique d’Andlau, puis, à Pâques 1912, il se rendit à la maison de Keer, où il fit ses études secondaires jusqu’en 1917 et un noviciat de 2 ans en 1917-1919. Il entra au séminaire de Lyon en 1919 et y fit le serment s.m.a. le 30 octobre 1920. Après trois années d’études théologiques, il fut ordonné prêtre par Mgr Bourchany, auxiliaire du Cardinal-Archevêque de Lyon, dans la Chapelle du Séminaire des Missions Africaines, le dimanche 9 juillet 1922.
Dès le jour de son ordination, le Père Hickenbick reçut du Supérieur Général sa destination : la mission du Dahomey. Pourtant il devra patienter quelque temps, avant que liberté soit donnée à son zèle d’aller travailler au-delà des mers. Il est d’ailleurs bien jeune encore : à peine 23 ans et demi. Ce fut peut-être quand même un peu contrariant pour lui, car, en attendant, il lui fallait assumer la charge d’économe d’une maison.
Consciencieux et méticuleux comme il le fut toujours, il dut bien se demander s’il aurait la compétence technique nécessaire pour administrer la chose économique. Les règlements de notre Société n’avaient pas manqué de préciser depuis longtemps et avec minutie ce qu’on attendait d’un économe. Il est chargé, avait-on écrit, des recettes et des dépenses de la maison... Il aura soin que chacun ait le nécessaire, tout en restant dans les limites prescrites par la pauvreté apostolique, que les membres de la Société des Missions Africaines sont si strictement tenus de pratiquer... Et suivaient d’autres recommandations : c’était bien une charge aussi difficile qu’importante que le Père Hickenbick allait devoir porter au sortir du séminaire.
Au surplus, les conditions économiques n’étaient pas ce qu’elles sont devenues par la suite. À cette époque, la pauvreté était plus grande et c’était un réel souci de fournir le pain de chaque jour aux élèves et aux confrères d’une école apostolique. C’est à l’école de Saint-Priest près de Lyon que le Père Hickenbick fut envoyé. C’était la maison de campagne du Séminaire, mais l’Assemblée Générale de 1919 avait décidé que, tout en conservant cette qualité, elle serait aménagée comme école apostolique. En l’année scolaire 1922-1923, il y avait 40 élèves des classes de 3e à la 1ère. Avec les professeurs et le personnel, cela faisait une cinquantaine de personnes.
Le Père Hickenbick a rempli son emploi à la satisfaction générale, puisque, quand il partit, il fut regretté. Les annales du temps ne nous ont cependant pas fourni de renseignements détaillés sur son administration. Elles ont retenu au moins que, au mois de février 1923, furent plantés au jardin une quarantaine d’arbres fruitiers, pommiers et cerisiers. Elles nous apprennent encore que l’on fêta joyeusement, le 13 juin 1923, Antoine de Padoue, le saint patron du Père Économe, à qui l’on offrit à cette occasion un énorme bouquet où s’entrelaçaient avec les roses, des plantes potagères, voire même des légumes d’Italie.
Mais tout cela n’était que provisoire. Le Père Hickenbick se sentait africain et il désirait partir au pays de ses rêves. Cela lui fut donné, l’année scolaire achevée, à l’automne 1923. Il arriva au Bénin, qui s’appelait alors Dahomey, et fut affecté à la mission de Dassa-Zoumé. Cette mission avait été fondée peu de temps auparavant par un saint missionnaire, le Père Joseph Girerd, qui y résidait définitivement depuis le 1er avril 1922. Dassa-Zoumé était un gros village dans un pays de montagnes arides. On vantait la beauté du paysage, avec ses grands arbres et ses gigantesques rochers. On vantait aussi la bonté des habitants, gens aimables et intelligents. En 1923, il y a déjà une centaine de catholiques et plus de 1 500 catéchumènes dans le district. Le Père Girerd loue leur piété : ils ne sont jamais fatigués d’entendre parler de Dieu, disait-il. Lui-même, âgé de près de 50 ans, attendait l’aide éventuelle d’un jeune confrère. Mais il prévenait que ce devrait être un homme solide et un bon marcheur : Ici, il faut un vrai broussard. Il y a des missions secondaires à visiter, 40 à 45 villages, et beaucoup par surcroît sont à la cime des montagnes.
Le Père Hickenbick n’était pas particulièrement constitué pour fournir un effort physique considérable, mais chez lui, la volonté suppléait au manque d’endurance naturelle. Aussi le Père Girerd fut très satisfait de son collaborateur, comme on peut en juger d’après les lignes suivantes qu’il adressait au Supérieur Général, dès décembre 1923 : Je rends grâce à Dieu qui, pour me soulager, vient de m’envoyer un nouveau confrère, jeune, dévoué, plein d’ardeur. Le Père Hickenbick s’est jeté à corps perdu dans l’étude de la langue et je ne doute pas que, dans peu de temps, il sera à même d’exercer le saint ministère. Et quelques mois plus tard, il écrivait encore : Le Père Hickenbick travaille avec ardeur. L’acclimatation a été un peu difficile pour lui. Maintenant le voilà solide.
Les difficultés, comme bien l’on pense, ne manquaient pas. La pauvreté était extrême à tous égards. Ainsi par exemple, le Père Girerd signale que, pour deux stations, il n’y a qu’un seul ciboire, et il est de petite taille. L’année suivante, il reçoit un beau ciboire en argent. Mais autre souci, un cyclone s’est abattu sur la région. La toiture de la maison de la mission a été arrachée et emportée à 40 mètres de distance.
Le Père Girerd mourut le 7 décembre 1924. Les habitants du pays avaient fait un accueil chaleureux à ce missionnaire qui, le premier, était venu s’établir parmi eux. Après lui, la religion chrétienne continua à faire des progrès. Le Père Hickenbick restait vicaire de la mission. À Pâques 1927, il fit une trentaine de baptêmes à Sokponta, station secondaire. La chrétienté demeurait vivante. Cependant l’élan vers le catholicisme n’était pas unanime dans la région. Il y eut même, de la part de certaines gens, une véritable hostilité contre les catholiques, à qui il fallait un grand courage pour demeurer fidèles. Une joie du missionnaire était de constater que ce courage existait.
En 1929, le Père Hickenbick rentre en congé en Alsace. Mgr Steinmetz, Vicaire Apostolique, avait espéré qu’il reviendrait au Dahomey. Le Père le désirait et l’Évêque aussi. Mais récemment avait été fondée la Province d’Alsace. En principe, le Père Hickenbick en était membre et de ce fait, il était à la disposition du Provincial d’Alsace. Après quelque hésitation, il décida de s’en tenir à cela. Il fut donc affecté à la mission du Togo, où la nouvelle Province envoyait des missionnaires. Il arriva au Togo le 2 octobre 1930.
D’abord il resta à Lomé pour étudier la langue de sa nouvelle mission. En 1931, il fut nommé pour la station de Tsévié. En septembre 1934, Mgr Cessou, Vicaire Apostolique du Togo, le nomma quasi-curé de la quasi-paroisse Saint-Augustin, au quartier d’Amoutivé à Lomé. Cette paroisse était une nouvelle fondation. Elle fut inaugurée officiellement le 2 décembre 1934, par une messe pontificale de l’Évêque et par l’installation du Père Hickenbick comme premier supérieur, avec le Père Wœlffel comme premier vicaire. La construction des bâtiments avait été commencée en mai 1933. Il y avait une grande église de 62 m de long sur 23 de large, une sacristie-presbytère, des dépendances, une école à 7 classes. Mgr Cessou témoignait que les travaux furent faits consciencieusement et qu’ils avaient bonne apparence. Il notait aussi que bien des choses restaient à faire.
L’église, telle quelle, était susceptible de servir, mais elle était inachevée et devait attendre jusqu’à des jours meilleurs son achèvement. Il y manquait surtout l’ameublement intérieur : autels latéraux, table de communion, baptistère, etc. De l’école, la charpente métallique et la toiture étaient montées, mais les murs restaient à construire et le mobilier scolaire était absent. Seul le presbytère était achevé et prêt à être habité. Les Père Hickenbick et Wœlffel s’y trouvaient depuis le 1er décembre 1934.
Le Père Hickenbick se donna beaucoup de mal pour achever et aménager la mission d’Amoutivé. Il le regrettait : Le travail spirituel ne manque pas, écrivait-il, mais le matériel nous occupe une bonne partie du temps. Il y a tant à faire ici, avant que la paroisse soit dotée de tout ce qu’il faut. Ce qui lui importait avant tout, c’était le travail spirituel. Il attachait une grande importance aux relations personnelles avec les habitants : À tous les moments libres, nous visitons nos paroissiens, chrétiens, protestants, non-chrétiens. C’est un travail de préparation : amener d’abord les gens à venir à l’église. Il apprécie beaucoup son jeune vicaire qui d’abord s’applique à étudier la langue du pays, et avec qui il s’entend très bien, mais aussi l’accompagne dans ses visites et emploie ses brillantes aptitudes picturales à rendre moins austère la froide construction de l’église.
Les travaux à Amoutivé étaient à peu près terminés en 1939, y compris un haut mur de clôture d’un périmètre de 460 mètres. Il y avait fallu bien de la peine, bien des appels à la charité des bienfaiteurs. Le travail avait avancé doucement, au rythme plus ou moins lent des ressources qui rentraient. C’était une station difficile. C’était aussi l’une des plus importantes du Vicariat Apostolique. Les dimensions de l’église étaient propices aux grandes cérémonies. Ainsi en 1942, lorsque fut commémoré le cinquantenaire de la mission catholique au Togo, c’est par une messe pontificale à Saint-Augustin d’Amoutivé que les fêtes furent commencées le 30 août et clôturées le 6 septembre. Mgr Cessou, ces deux dimanches, y prêcha sur le thème : Cinquante ans de travail missionnaire : ce qui a été fait, ce qui reste à faire. C’est à Amoutivé aussi que furent célébrées très solennellement en 1945 les obsèques de ce vaillant Évêque et c’est dans cette église même qu’il fut inhumé, à l’extrémité gauche du transept.
En 1947, le Père Hickenbick pouvait célébrer son jubilé sacerdotal d’argent. Cependant il ne voulut aucune manifestation publique, désirant que tout se passe dans la plus stricte intimité. Ce lui fut en tout cas une bonne occasion de se souvenir du passé. Je veux revoir en esprit, écrit-il, ces 25 années de sacerdoce et penser à tous les confrères avec qui j’ai vécu, qui m’ont aidé par leurs prières, leurs conseils, leur dévouement, à essayer de faire mon devoir de prêtre, de missionnaire. Je n’oublie pas non plus ceux qui ont été mes condisciples charitables, au petit comme au grand séminaire. Le prêtre a toujours besoin de bonnes amitiés, amitiés qui soutiennent, réconfortent dans les moments difficiles. Et l’on se souvient avec reconnaissance de toutes les âmes que le bon Dieu a mises sur notre chemin pour nous accompagner, nous soutenir, nous entraîner.
Le Père quitta Amoutivé au cours de cette même année 1947. Depuis lors et jusqu’en 1971, il occupa divers postes au Togo : Agou, Agbelouvé, Tsévié, Noépé, Agadji, Danyi-Afagnan, et, à partir de septembre 1966, Lomé-Bè. Ces séjours furent parfois interrompus pour cause d’alertes de santé.
La plus longue de ces interruptions fut en 1955-1956, où, tout en continuant à fortifier sa santé, il put rendre de bons services à l’école de Haguenau, par des cours particuliers de français et de latin et par quelques surveillances qu’il assurait. Mais dès qu’il le pouvait il retournait au Togo.
Il rentra définitivement en Europe le 12 décembre 1971. Depuis presque 50 ans, il était en Afrique. Le Père Klerlein, qui l’a bien connu au Togo, a noté quelques observations qui trouvent bien leur place ici : Le Père Hickenbick savait marcher des jours entiers, restant des semaines dans les stations de brousse. Il n’a jamais emporté de quoi se nourrir, mais vivait comme l’habitant. À Amoutivé, il visitait tous les quartiers de la paroisse. Ponctuel à l’extrême, il ne fut jamais en retard. À Amoutivé, il insistait beaucoup sur les écoles. À la fin de son séjour, il recommandait vivement la Légion de Marie : il assistait à toutes les prières des membres et ne quittait qu’à la fin. Toujours aimable, quelquefois taquin, mais jamais blessant. Il possédait bien la langue du sud Togo, ce qui lui permit de bien connaître ses paroissiens et de prêcher sans interprète dans les stations.
Faisant allusion à son habillement et à son style de vie, le Père Klerlein ajoute : le Père Hickenbick était l’image même du missionnaire de l’ancien temps. On pourra dire aussi en vérité qu’il fut l’image même du missionnaire des Missions Africaines. Depuis longtemps, on a défini l’esprit de la Société des Missions Africaines, et plus récemment, on s’est efforcé de préciser quel est le charisme de la Société. Nous sommes bien reconnaissants aux confrères qui accomplissent cette tâche louable : ils nous montrent la grandeur de notre vocation s.m.a. et nous indiquent les ressources spirituelles que nous trouvons dans son appartenance. Tout cela a été vécu éminemment par notre confrère, le Père Hickenbick. Selon la prière que longtemps nous redisions chaque soir, il a été l’apôtre selon le cœur de Dieu, généreux et ardent, plein de foi, d’humilité et d’abnégation...
Rentré en Alsace en décembre 1971, le Père Hickenbick vint d’abord se reposer à Saint-Pierre. Au mois de juin 1972, il fêta dans la Chapelle du Séminaire son jubilé d’or sacerdotal, entouré d’une cinquantaine de confrères, parmi lesquels le Père Jung, Provincial, Mgr Lingenheim et Mgr Strebler qui prononça l’homélie. Mais ensuite il voulut encore se rendre utile par quelque activité et il entra dans le service des confrères en mission spéciale. Sa mission spéciale maintenant, ce fut l’aumônerie du Foyer Notre-Dame de la rue Thénard à Mulhouse, maison de personnes âgées et centre de soins, que tenaient les Sœurs du Très-Saint-Sauveur. Il commença ce nouveau ministère le 17 octobre 1972. Il fut très apprécié par les personnes âgées, qu’il savait écouter et qui désiraient ardemment ses visites. Lui-même avouait recevoir beaucoup d’elles : Vivre avec des octogénaires, des nonagénaires, c’est une expérience qui fait réfléchir., écrit-il. Et il s’édifiait aussi à considérer l’esprit de compréhension, de service, de dévouement du personnel.
Cela alla bien jusqu’à l’automne 1983. À 84 ans, le moment est venu de se retirer. Le 28 octobre 1983, le Père vient à la maison de retraite de Saint-Pierre. C’est l’arrière-saison. Il l’envisage avec sérénité. Il pense que toutes les étapes de la vie sont bonnes et que c’est Dieu qui a fait la vieillesse. Il aime la douceur du paysage qui entoure la maison de retraite et il ne manque pas de faire de longues promenades dans la propriété. Il prie beaucoup. Il rend de petits services à ses confrères, visite ceux qui ne peuvent plus sortir. Lui, si réservé, et pourtant si sensible à l’amitié, il a la joie d’avoir près de lui, dans cette belle communauté de Saint-Pierre, des sœurs et des frères pleins de bonté, de cette bonté qui sait se réjouir avec ceux qui sont dans la joie et pleurer aussi avec ceux qui pleurent.
Le 19 janvier 1989, il entre dans sa 91e année. Il ne désire pas qu’on fête l’événement. Peu à peu d’ailleurs, ses forces diminuent. La marche devient pénible. Les yeux s’obscurcissent. Vient l’épreuve de la souffrance corporelle et d’une certaine tristesse d’exilé. Rien ne le retient plus sur la terre. Il a le mal d’un autre pays. Il pense au Seigneur qui lui tend les bras. C’est le mardi 11 avril à l’aube qu’arriva l’heure de Dieu.
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