Société des Missions Africaines - Province de Strasbourg
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né le 31 décembre 1914 à Reichshoffen dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 24 juillet 1935 prêtre le 26 octobre 1941 décédé le 18 avril 2003 |
1942-1945 Forbach, France, vicaire décédé à Saint-Pierre, France, le 18 avril 2003 |
Le père Pierre SCHMITT (1914 - 2003)
Célébration pour ses funérailles : Mercredi de Pâques 23 avril 2003
Entrée
Bienvenue à cette liturgie au cours de laquelle nous présentons au Seigneur la vie de notre confrère Pierre, une vie de 89 ans, faite de joies, de peine, d’hésitations, de difficultés, de souffrance. Bienvenue aux sœurs, confrères et à toutes les personnes qui travaillent en cette maison dans un dévouement sans faille auprès de nos frères… Bienvenue au neveu du Père Pierre, curé actuel de Durembach, ici à cet autel, et à sa maman, qui avait l’habitude de le recevoir chez eux…Bienvenue à tous les membres de sa famille, aux sœurs de Forbach et de Niederbronn qui ont apprécié le ministère du Père Pierre…
Les textes de la liturgie de ce jour sont tout simplement ceux qui sont prévus pour le mercredi de Pâques. L’évangile est celui des disciples d’Emmaüs, qui nous rappelle que toujours Jésus chemine à nos côtés, qu’il est là pour nous expliquer l’Ecriture, pour nous partager son pain, pour nous revivifier, pour nous pardonner nos péchés. Et maintenant nous reconnaissons humblement que nous avons besoin de son pardon.
Homélie
1ère lecture : Actes 3,1-10 - Evangile : Luc 24, 13-35
Les textes de ce mercredi après Pâques conviennent bien à cette Eucharistie dans laquelle nous accompagnons notre frère Pierre pour son dernier voyage.
La mission : mettre les hommes debout
La première lecture peut nous dire entre autres choses ce qu’est « être missionnaire », être porteur de la présence de Jésus et de la miséricorde du Père.
Le Père Pierre Schmitt lui-même a été missionnaire (Il avait un oncle missionnaire, le Père Laugel, qui avait été au Nigeria et ensuite conseiller général à Rome. Lorsque le Père Laugel quitte le généralat en 1958, le Père Schmitt sera lui-même élu Conseiller Général pour dix ans de 1958 à 1968.). Lorsqu’il est mobilisé en 1940, Pierre est heureux de pouvoir renouveler son serment et il écrit au Provincial : « Merci de tout cœur de bien vouloir m’accepter au renouvellement temporaire qui me fera membre de la Société des Missions Africaines… Merci de m’avoir donné cette consolation ainsi que le sentiment de n’être jamais oublié par une famille si chérie en ces temps de sacrifice ». Il avait tenu à renouveler son serment le jour de Pâques 1940 « dans les profondeurs de la lige Maginot… »
Dès qu’il l’a pu, il est parti, au lendemain de la guerre… Il n’avait pas grand chose dans ses poches en ce temps-là. « J’ai reçu avec grande joie votre lettre qui m’a apporté ma nomination pour l’Afrique », écrit-il le 18 juin 1945. Le 28 janvier il est encore à Niederbronn et écrit : « En attendant je ronge mon frein et le courage ne fait que grandir… J’ai composé mon maigre bagage selon d’anciennes directives de Mgr Strebler ».
Il est envoyé à Aneho où il fait équipe avec le Père Fritsch qui le réclamait après son congé en 1952… La mission comptait 11.000 chrétiens et vingt stations secondaires. Pendant quelques mois il est seul, et en plus il a la direction d’une grande école de 800 élèves. Il revient en congé pour la première fois après 6 ans de mission, où il est mis dit-il « aux petits soins par ses parents ». Depuis ce temps la mission d’Aneho où tant de missionnaires ont travaillé, a énormément prospéré puisqu’elle est devenue le siège d’un diocèse.
Pierre et Jean, à l’heure de la prière de l’après-midi montaient au Temple, le texte ne dit pas que c’était pour prier, mais c’est facile de le supposer… Leur devoir était donc d’aller prier… mais voilà qu’un homme, qui ne peut même pas marcher, les arrête dans leur élan. Il s’agit d’un paralysé… il avait l’habitude de mendier et de recevoir des petites aumônes, qui, accumulées, l’aideraient à vivre… Heureusement que Pierre et Jean n’avaient rien dans leur poche… Faut-il avoir de l’argent pour être missionnaire ? Pierre a pu alors fixer ses yeux sur le paralytique, probablement de la même manière que Jésus avait fixé son regard sur lui, un regard qui l’a bouleversé, qui l’a sauvé, c’était lors de l’arrestation de Jésus. Pierre, qui a fait lui-même l’expérience d’une résurrection, donne au paralysé tout ce qu’il a, sa foi au Christ Sauveur : « Ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, le Nazaréen, lève-toi et marche ». La démarche missionnaire n’est-elle pas de poser sur les gens un regard de foi, de confiance et d’amour, de les prendre par la main, de les aider à se relever pour qu’ils puissent devenir solides et marcher.
Un cheminement en trois étapes
Le deuxième texte de cette liturgie est l’émouvante histoire des disciples d’Emmaüs. Un texte comme celui-là, écrivait Gilbert Cesbron, tout écrivain voudrait l’avoir écrit, tout cinéaste aimerait en avoir tracé le scénario… Peut-être que nous avons en mémoire le magnifique tableau des « disciples d’Emmaüs » de Rembrandt (que savait si bien contempler Paul Baudiquey). Ce texte, parmi une infinie de choses, nous rappelle que le cheminement humain et chrétien peut aller dans deux directions totalement opposées. L’une des directions est celle de la tristesse, du désespoir, de la fuite, du retour à ce qui a été laissé, de l’aveuglement : « deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, les yeux aveuglés, tristes… » Et pourtant dans leur fuite, Jésus est là qui marche avec eux… Jésus est toujours là à marcher avec ceux qui souffrent et ceux qui cherchent… L’autre direction est celle du retour pour un témoignage et une annonce. Entre les deux mouvements, il y a le temps de la rencontre, du ressourcement, de l’écoute, du partage du pain, le pain de l’amitié, de l’intimité, le pain de la vie, le pain du Seigneur, de l’Eucharistie :
« Il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ».
La miséricorde du Père
J’ai bien l’impression que nous retrouvons ces trois temps dans la vie de notre confrère… Dans l’enthousiasme il était parti pour la mission au Togo. C’est ce que nous avons évoqué en faisant référence à la première lecture. Après son séjour au Togo, il a été retenu à Rome comme conseiller et économe général, un poste important en ce temps là… Après cela, il est parti dans une autre direction, à tel point que personne ne savait où il était… Cela a duré vingt ans… probablement un temps difficile pour lui, où ses yeux étaient peut-être aveuglés. Temps de souffrance et d’inquiétude pour les siens, pour sa sœur Rose en particulier et son neveu Joseph, qui aimaient être « à ses petits soins » lors de ses congés, temps de souffrance et d’interrogation pour ses confrères des Missions Africaines qui l’avaient connu de plus près.
Un jour il est revenu, il a été accueilli par les siens, ceux de sa famille. Il a pu faire l’expérience du retour à la maison. Comme les disciples d’Emmaüs, il est revenu vers le lieu de la résurrection, le lieu de la communauté des frères.… Je ne peux pas penser à la parabole de l’enfant prodigue, un autre texte de Saint Luc (Luc a des textes uniques), un autre texte délicatement mis en peinture par Rembrandt, (délicatement contemplé aussi par Paul Baudiquey).
Curieux que nous sommes, soucieux de la justice, celle des hommes plus que celles de Dieu, nous aurions aimé savoir ce qui s’était passé, comme nous aimerions savoir ce qui s’est dit entre les disciples d’Emmaüs et Jésus, ou ce qui s’est dit entre l’enfant prodigue et le Père. Nous aurions aimé savoir, mais il ne fallait pas poser de questions, le père lui-même à l’accueil du fils prodigue n’a posé aucune question. C’est la miséricorde qui s’est exercée… La miséricorde, c’est le cœur qui couvre la misère. La famille de notre confrère, ses compagnons missionnaires des Missions Africaines ont été les instruments, certainement imparfaits, mais privilégiés de cette miséricorde, de cette remise d’une personne sur ses pieds, en posture de marche… car Dieu n’a pas d’autre chemin que celui des humains, c’est sur le chemin que les deux disciples avaient emprunté, qu’il les rencontre…
Le Père Schmitt aurait voulu repartir pour un long apostolat, mais à son retour il avait déjà 76 ans… Il est cependant parti à Forbach pour quelques mois, comme aumônier. Il aimait bien y retourner pour des remplacements. Il avait déjà passé trois ans à Forbach pendant la guerre. Quand nous avons annoncé son décès aux sœurs de Forbach, elles m’ont dit qu’elles l’avaient beaucoup apprécié, qu’il leur avait fait beaucoup de bien. Il est parti aussi à Saint Jean de Bassel comme aumônier des sœurs, pour quelques mois… elles se souviennent encore très bien de lui.
Et le Père Schmitt s’est habitué à cette maison de Saint Pierre et il appréciait d’être là… Chaque fois que j’allais le voir, il ne cessait de me répéter qu’il était bien ici, bien soigné, bien choyé… Nous ne pouvons que remercier nos confrères et toutes les personnes qui font cette maison, une très belle manière d’être missionnaires.
Après avoir écouté la parole, qui nous a été donnée pour nous brûler le cœur, nous allons partager le pain, signe de la présence mystérieuse de Jésus qui chemine à nos côtés et nous fait part de la miséricorde du Père.
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