Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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Le Père Alphonse SCHAHL né le 12 novembre 1884 à Eschau dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 24 novembre 1907 prêtre le 18 juillet 1909 décédé le 16 décembre 1969 |
1909-1946 missionnaire au Nigeria décédé à Saint-Pierre, France, le 16 décembre 1969, |
Le père Alphonse SCHAHL (1884 - 1969)
Alphonse Schahl est né le 12 novembre 1884, à Eschau, au diocèse de Strasbourg. Il était le 6e des 10 enfants de la famille. Le 14 septembre 1899, sous la conduite du Père Bohrer, en même temps qu’une dizaine de jeunes de son âge, il prit le train en gare de Strasbourg pour se rendre à l’école apostolique de Keer. Il ignorait alors complètement la langue française, situation fâcheuse pour entrer dans un programme d’études exclusivement français. Mais il ne perdit pas courage. Ses études furent bonnes. Il aima les classes et le latin. Au bout de trois ans, il put revenir dans sa famille pour six semaines de vacances. Il partit ensuite, avec le Père Diss, pour l’école de Richelieu en Auvergne et il y fut élève de 1902 à 1904. Suivirent cinq années au séminaire de Lyon. Il fit le serment le 24 novembre 1907 et il fut ordonné prêtre à Lyon le 18 juillet 1909.
1909-1925 : Shendam.
Affecté à la mission de Shendam en Nigeria, le Père Schahl s’embarqua à Marseille le 12 septembre 1909, en compagnie du Père Georges Fischer. Arrivés à Burutu, à l’embouchure du Niger, les jeunes missionnaires remontèrent le fleuve sur un petit steamer jusqu’à Lokoja. Puis ce fut la remontée de la rivière Bénoué jusqu’à Ibi. Le parcours de 100 km qui restait à effectuer pour atteindre Shendam, but du voyage, devait se faire en quatre étapes terrestres. Mais un accident arriva au Père Fischer à la première étape, le 6 novembre : il se blessa sérieusement à la main en essayant un vieux fusil qui lui avait été confié pour être remis au Père Boulanger. Cela retarda l’arrivée à Shendam. Le Père Schahl y parvint le 19 décembre, le soir à 21 heures. Il trouva deux Pères à la mission : le Père Boulanger de Demshi, qui était venu à Shendam pour se reposer, et le Père Waller ; tous deux souffrant de la fièvre, étaient emmitouflés dans d’épaisses couvertures. Quelques jours après, c’était la fête de Noël. Il y eut une messe chantée à minuit : le Père Schahl fut le célébrant et le Père Waller fit l’office de chantre, et cinq petits esclaves libérés de la mission formaient toute l’assistance.
Shendam faisait partie de la Préfecture Apostolique du Haut Niger. Cette Préfecture, érigée en 1884, comprenait une grande partie de la Nigeria du sud et la Nigeria du nord dans son entier. Pendant longtemps, aucune mission ne put être fondée dans le pays du nord au-delà de Lokoja. Au début du siècle, la Nigeria du nord était fermée aux missionnaires à cause de l’insécurité provenant de certaines tribus non encore soumises. Le Préfet Apostolique, le Père Zappa, résidait dans le sud, à Asaba. Ce fut en 1906 que le Père Waller fut chargé de fonder une première mission dans le nord, ce qu’il réalisa en 1907, en ouvrant la station de Shendam.
Shendam était une localité de quelques centaines d’habitants. Capitale du pays des Ankwés, petite tribu de quelques milliers d’âmes, elle était entourée d’un rempart et d’un large fossé. Les Pères obtinrent pour la mission un terrain en dehors du rempart. Les débuts furent très durs. Des trois premiers missionnaires, le Père Belin mourut dès le 13 août 1907, et le Père Mouren dut quitter la mission, très malade, en septembre 1909, à cause des fréquentes attaques de fièvre bilieuse hématurique dont il était victime (1). C’est précisément à l’époque du départ du Père Mouren que le Père Schahl arriva pour prendre la relève, dans des conditions qui étaient toujours extrêmement rudes. À ce poste avancé, les missionnaires devaient vivre uniquement sur les produits du pays et ne pouvaient compter pour cela que sur le travail de leurs mains. Les gens de la région étaient extrêmement pauvres et le sol n’était pas particulièrement fertile. Les missionnaires durent travailler à la sueur de leur front à longueur de journée afin d’arracher à la terre l’indispensable d’un menu quotidien convenable. Il fallut donc se tourner vers l’agriculture et vers l’élevage.
On acquit un petit troupeau de moutons et quelques vaches laitières. Pour labourer, on n’avait eu longtemps que la pioche et la bêche. Puis on éleva quelques bœufs pour le labour et les corvées dures. C’est le 23 avril 1910 que la première démonstration de culture attelée eut lieu à Shendam, au grand ébahissement de tout le village rassemblé. Le Père Schahl se dépensa généreusement dans les travaux manuels. Il fabriqua des jougs et dressa les bêtes à tirer la charrue. En 1923 il écrivait : Je fais tous les métiers : laboureur, maçon, charpentier, même tailleur... et il ajoute : Si nous ne retournions la terre nous-mêmes pour lui faire produire ce qu’il nous faut pour notre entretien, oh ! alors, pauvres de nous, nous n’aurions qu’à partir d’ici. Il connut aussi d’autres difficultés : le Père Schahl note la visite des lions qui remplissaient la nuit de leurs rugissements, mais, dit-il, les plus grands ennemis étaient les moustiques. Il y eut aussi les graves ennuis avec la tribu voisine des Montoïls, qui assiégèrent la mission en 1916.
Le travail de pasteur et de paysan prenait beaucoup de temps aux missionnaires. La prédication évangélique n’était cependant pas oubliée. Nous nous imposions beaucoup de peine, écrit le Père Schahl, pour visiter les familles du village de Shendam et des environs, pour faire connaissance avec les gens et mieux comprendre leur langue dès que nos travaux journaliers nous laissaient un moment de liberté. Mais ici encore le succès se fit attendre. La population n’était pas particulièrement hostile, mais elle ne répondait pas à ce que les missionnaires auraient pu espérer. En 1909, interrogé par le Père Schahl sur les fruits de son apostolat, le Père Mouren répondit : Durant mon séjour de deux ans et huit mois à Shendam, j’ai baptisé un enfant et j’ai entendu deux confessions de chrétiens nigériens de passage. Avec le temps, l’activité des missionnaires s’étendit et se diversifia, on ouvrit des écoles, les tournées missionnaires furent multipliées pour la visite des malades, pour l’enseignement de la foi chrétienne.
Depuis 1911, la mission de Shendam était devenue Préfecture Apostolique. À cette date en effet, la Préfecture du Haut Niger avait été divisée : le nord-ouest (la majeur partie de la Nigeria du nord) avec le sud-ouest s’appela Nigeria occidentale, avec Asaba comme résidence du Préfet Apostolique, et le nord-est fut la Préfecture de la Nigeria orientale, qui eut pour Préfet Apostolique Mgr Waller, avec Shendam comme résidence principale. Mais les gens du pays ne montraient pas de zèle pour la religion chrétienne. Pendant près de 20 ans, ils furent désespérants. Sans doute, en 1927, les statistiques donnèrent pour les 2 stations principales (Shendam et Kano) et les 10 stations secondaires, un total de 1 400 catholiques. Mais, écrit le Père Schahl, ce n’est que parmi les étrangers venus des provinces du sud que nous pouvons faire de l’apostolat... Les statistiques que nous donnons ne sont pas inventées, mais nous pouvons les donner grâce aux étrangers venus du sud et de toutes les parties de l’Afrique.
Mgr Waller vint prendre part à l’assemblée générale de la Société à Lyon en 1913. Il retourna ensuite à Shendam, amenant avec lui les jeunes Pères Sirlinger et Schelcher. Le Père Schahl administra la Préfecture durant l’absence de Mgr Waller en France. Lui-même rentra pour la première fois en congé en Europe en 1919 et il participa à l’assemblée générale de la Société cette année-là. Il revint ensuite à Shendam où il résida jusqu’au moment de prendre en main la mission de Kano en 1925. Il a résumé de la façon suivante les 15 années qu’il passa à Shendam : Vie de pasteur d’âmes, vie de cultivateur et de paysan, de constructeur et de médecin, vie de broussard avec de fréquentes attaques de fièvre. Et il dit encore : J’avoue que la vie à Shendam fut dure, mais je fus heureux. Shendam fut un vrai paradis pour moi.
1925-1940 : Kano.
Vers 1921, Mgr Waller commença à préparer la fondation d’une station à Kano, tout au nord de la Nigeria. Depuis le mois d’avril 1922, il était définitivement en possession d’un terrain pour y établir les bâtiments de la mission. C’est le 3 mai 1925 qu’il bénit à Kano une église et la maison d’habitation des missionnaires. Puis il nomma le Père Schahl Pro-Préfet et, sa santé s’étant dégradée, il rentra en Europe. On trouve dans l’Echo des Missions Africaines de Lyon de 1925 (p. 241) un tableau pittoresque que le Père Schahl a tracé de Kano dont le nom, dit-il, servait à désigner, il n’y a pas très longtemps, une de ces villes fantastiques du centre de l’Afrique, ville mystérieuse à l’égal de Tombouctou, de Gao... Les notes de voyages d’anciens explorateurs lui attribuaient une population de quelque cent mille habitants, mais ce chiffre est probablement exagéré ; actuellement Kano est la cité la plus considérable du Haoussa oriental et sa population est généralement estimée à 50 000 âmes. Dans le même article de 1925, le Père raconte les fêtes de l’inauguration de la mission célébrée le 3 mai et il dit les espérances de cette fondation d’une église catholique aux marches mêmes du grand désert.
Le Père Schahl résida désormais à Kano avec la charge de la mission et celle de Pro-Préfet de toute la Préfecture de la Nigeria orientale. C’était une lourde tâche, qu’il devait accomplir avec des moyens matériels bien insuffisants et surtout dans un grand isolement : il arriva même pendant un certain temps que, dans un pays grand comme la France, il n’y avait que deux missionnaires : le Père Schahl et le Père Sirlinger.
Le Père Schahl exerça la charge de Pro-Préfet jusqu’en 1929. En effet, il n’avait plus été possible à Mgr Waller de retourner en Afrique : il offrit donc sa démission de Préfet Apostolique. Le Saint-Siège l’accepta en 1929. Puis, les territoires du nord-ouest de la Nigeria (nord du fleuve Niger) furent détachés de la Nigeria occidentale, pour être rattachés à la Préfecture de la Nigeria orientale. Celle-ci s’appela Préfecture Apostolique de la Nigeria Septentrionale. Mgr O’Rourke en devint le Préfet Apostolique et les Pères s.m.a. irlandais vinrent dès lors travailler à l’évangélisation de cette Mission. En 1934, la Nigeria septentrionale fut divisée en deux Préfectures Apostoliques, celle de Jos et celle de Kaduna. Avec beaucoup de patience et d’énergie dans l’action missionnaire, le territoire du nord devenait une excellente mission. Le Père Schahl était resté à Kano après la nomination de Mgr O’Rourke. En 1934, il fêta dans la joie à Kano son jubilé sacerdotal d’argent. Il gardait son entrain et son courage. Je me plais fort bien ici, écrivait-il en 1931, et plus tard il dira : J’ai passé à Kano quinze années heureuses, encore que les quinze années vécues à Shendam me plaisaient mieux.
1940-1946 : Zinder.
À la Nigeria du nord était rattachée, au point de vue ecclésiastique, une partie du territoire français du Niger. En 1922, Mgr Waller visita cette portion de son immense Préfecture. Il se rendit à Zinder, chef-lieu du territoire jusqu’en 1926. Mais aucune mission n’avait pu être établie, faute de personnel. En 1940, le Père Slattery, supérieur général, demanda au Père Schahl de bâtir la mission de Zinder. Le Père Schahl y arriva le 25 janvier 1940. Ici encore, il eut à travailler dans un grand isolement, en des lieux peu favorables à l’activité missionnaire. En 1942, fut érigée la Préfecture Apostolique de Niamey et Mgr Faroud fut nommé Préfet Apostolique. La partie du Niger (avec Zinder) qui avait appartenu à la mission de Nigeria fut rattachée à la Préfecture Apostolique de Niamey. Le Père Schahl resta cependant à Zinder et fut nommé aumônier militaire de la garnison de Zinder. Le 1er février 1944, Zinder reçut la visite du Général de Gaulle. Au sujet de cette visite, un chroniqueur écrit : Le Général est reçu avec tout le faste et les honneurs que notre bled est capable de fournir. Il nous fait un discours de 5 minutes, non pas en phrases ronflantes... Il nous disait que nous avions surtout des devoirs et qu’on attendait beaucoup de nous. Il termina en disant : la France ne se refera que par Dieu et avec Dieu.
Autant que les grandes distances le permettaient, le Père Schahl restait en relation avec ses confrères s.m.a. de Nigeria. Au mois de juillet 1944, il se rendit à Kaduna pour faire la retraite annuelle avec les Pères irlandais. Il quitta Zinder au début de 1946. À cette occasion, le Père Baudu, de la Province de Lyon, qui était à Zinder, notait : le Père Schahl quitte Zinder pour se diriger sur Niamey d’où il doit être rapatrié. Il part le cœur serré de ces lieux si ingrats au point de vue apostolique, où il a peiné pendant six ans sans avoir la joie de convertir un seul autochtone. Par son esprit large et original, par sa bonté... un peu rude parfois, par sa fermeté, par sa vie sacerdotale surtout, il avait conquis la sympathie de tous, croyants ou non, qui l’ont unanimement regretté.
1946-1969 : Europe.
Rentré en France, le Père Schahl y occupa divers postes. En 1946-1953, il est économe à la maison du noviciat des Frères de Vigneulles. De 1953 à 1959, il réside à la maison de Zinswald. Mgr Diss vint l’y rejoindre et l’on vit souvent les deux vénérables vétérans se confier leurs idées, leurs souvenirs et leurs espérances, tandis qu’ils se promenaient ensemble sur la petite route sinueuse qui relie au monde le château de Zinswald. Le Père Schahl célébra son jubilé d’or au Zinswald le 30 juillet 1959. Puis, la même année, la maison de Zinswald étant devenue école apostolique, Mgr Diss se retira à Haguenau et le Père Schahl accepta la charge d’une aumônerie à l’hôpital de Neuf-Brisach de 1959 à 1963 et à la maison de la ferme des Sœurs à Niederbronn de 1963 à 1966.
En 1966, le Père Schahl se retira à la maison d’accueil de Saint-Pierre. Il fêta le 60e anniversaire de son ordination à Saint-Pierre, le 18 juillet 1969. Il était âgé de 85 ans, ses forces diminuaient rapidement. Le 6 décembre, écrit Mgr Strebler, il célébra la sainte messe pour la dernière fois et, le 8 décembre, le Père Supérieur lui administra à sa demande les derniers sacrements. À partir de ce moment il dut s’aliter. Il garda pleine connaissance jusqu’à la fin et il s’endormit doucement, sans agonie, dans la soirée du 16 décembre 1969. Les obsèques du Père furent célébrées le 20 décembre à Eschau, sa paroisse natale. Le Père Muckensturm prononça l’homélie au cours de la messe concélébrée.
6 décembre 1990.
Le Père Schahl a écrit un grand nombre d’articles sur la mission de Shendam, celle de Kano, sur l’évangélisation de la Nigeria du Nord, etc. Plusieurs ont été publiés dans l’Écho des Missions Africaines de Lyon, dans le Missions Glöcklein et dans le Messager des Missions Africaines. Voir aussi Mgr Strebler : notes et documents sur la fondation et le développement de la Mission de Shendam en Nigeria septentrionale.
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note 01 Le Père Charles Schumacher, qui était arrivé à Shendam en septembre 1907, pour remplacer le Père Belin, mourut le 24 mars 1909, âgé de 25 ans.
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