Société des Missions Africaines – Province de Lyon
![]() |
né le 3 août 1924 à Saint-Dolay dans le diocèse de Vannes (France) membre de la SMA le 5 janvier 1946 prêtre le 11 février 1949 décédé le 13 mai 2013 |
1949-1950 Chamalières, étudiant, licence ès lettres décédé à Montferrier-sur-Lez, le 13 mai 2013 |
Le père Jean SÉBILO - 1924-2013
Dans l'une de ses lettres écrites à un moment difficile, il s'exprime sous la forme d'une parabole qui caractérise un peu sa personnalité. Il se compare à un voyageur qui marche sur la route. "Si la tempête se lève, si la pluie tombe, si le froid s'installe, le voyageur serre contre lui, et de plus en plus, son manteau ; il s'y ferme. Si le soleil revient, il s'en détache et est même capable de le quitter." Jean s'applique à lui-même cette image : si on l'agresse, il se referme ; si on l'accueille et s'il peut causer, il s'ouvre et il partage. Tel se décrit lui-même ce confrère qui a passé 34 ans de sa vie en Côte d'Ivoire, puis 20 ans au service des procures en France et enfin 9 ans à la maison de retraite de Montferrier-sur-Lez.
Il est né dans le Morbihan en 1924 dans une famille modeste. Malheureusement pour lui, il connaîtra à peine son papa qui meurt lorsqu'il avait deux ans. Sa maman, qui tient une épicerie, élèvera ses deux enfants - il avait une sœur - dans les meilleures traditions chrétiennes. Sa sœur sera religieuse de Saint-Gildas. Quant à lui, après des études primaires à Missillac, il entre à l'âge de 11 ans au petit séminaire de Pont-Rousseau ; il y fait toute sa scolarité et obtient les deux parties du baccalauréat. C'est un jeune homme discret, réservé : il ne se fait pas remarquer. Avant l'appel définitif au sacerdoce, quand on demandera à son curé de donner son avis sur Jean, il répondra qu'il le connaît à peine et que, pendant ses vacances, ses visites sont rares : il signale à plusieurs reprises son esprit d'indépendance.
De 1943 à 1945, il fait son noviciat à Martigné-Ferchaud, mais curieusement, il ne fait son premier serment qu'après son arrivée à Lyon, en janvier 1946. Appartenant à la classe 44, il est exempté de service militaire, c'est pourquoi, lorsqu'il est ordonné, il n'a pas encore 25 ans. En 1948, on trouve dans son dossier la note suivante : "goûts pour les études, tempérament pas robuste, bon caractère, santé à surveiller, assez souvent fatigué sans être malade." (01/05/48) Cela ne l'empêchera pas de mourir à plus de 88 ans, sans avoir jamais eu de gros accidents de santé. A sa sortie du séminaire, ses supérieurs lui demandent de préparer une licence de lettres à la faculté de Clermont-Ferrand, avec résidence à la maison de Chamalières. Pourquoi n'y reste-t-il qu'une année ? Pourquoi est-il envoyé dès 1950 à Bingerville comme professeur au petit séminaire ? Sa nomination pour la Côte d'Ivoire, le 22 août 1950, ne donne aucune explication. Maintenant qu'il est en Afrique, il ne terminera jamais sa licence.
Il va rester 34 ans dans le pays : il aura grandement le temps d'y prendre racine et de créer de profondes amitiés, comme nous le verrons avec le futur archevêque de Korhogo. Il ne quittera pas ce qui était autrefois le diocèse d'Abidjan. A Bingerville d'abord, il consacre 7 années à la formation des jeunes. Méticuleux comme il l'était, ses cours étaient toujours bien préparés ; il savait aussi prendre son temps pour écouter et conseiller ceux qui venaient se confier à lui. En paroisse, il a servi successivement à Saint-Paul d'Abidjan, Grand-Bassam, Adzopé et Attécoubé avant de revenir à Grand-Bassam. Pendant toutes ces années, il a servi d'abord comme vicaire, puis comme responsable, mais toujours très discret avec ses supérieurs ou ses amis, ce qui fait qu'il est bien difficile de préciser ses activités. Homme rigoureux et méthodique, très sensible à l'amitié, respectueux de chacun, il est toujours resté modeste et ne s'est jamais mis en valeur.
Dans une lettre écrite bien plus tard, alors qu'il était déjà à la maison de retraite de Montferrier, il explique comment il est devenu, en quelque sorte, le parrain d'ordination du jeune Marie-Daniel Dadiet. Il écrit : "J'avais découvert Marie-Daniel en 1969 au collège d'Adzopé, en 5e. Il avait fait sa 6e à Gagnoa : 'bon élève, mais souvent malade'. Le supérieur du séminaire l'avait renvoyé : 'pas capable d'être prêtre'. Il se réfugie chez son cousin, M. Papet Médard, économe d'Adzopé. Un jour, Madame Papet m'amène Marie-Daniel à la mission. Elle est très persuasive : 'Mon père, ce jeune homme veut être prêtre : il est très bien, je vous assure… il fera un bon prêtre'. L'année suivante, en 1970, il me suit à Attécoubé. Marie-Daniel choisit de faire sa 4e aux cours du soir, chez les Frères du Sacré-Cœur. On veut qu'il ajoute l'anglais 'pour obtenir un diplôme'. 'Non, je ne veux pas de diplôme, je veux seulement être prêtre'. A la rentrée suivante, je l'envoie au séminaire des aînés de Bouaké qui commence seulement en 3e. Il continue au grand séminaire d'Anyama.
"Pendant ses vacances, Marie-Daniel a toujours réalisé un beau travail auprès des jeunes d'Attécoubé et alentour, les emmenant même chanter à Radio Abidjan et à la télévision. […] Enfin arrive le 8 juillet 1979 : la prédiction négative de Gagnoa 'pas capable d'être prêtre' est conjurée ! Il est ordonné prêtre par le cardinal Yago. " (14/09/04) Il sera évêque de Katiola et est aujourd'hui archevêque de Korhogo.
Comme il l'avait commencé, c'est par plusieurs années comme professeur au séminaire de Bingerville qu'il va terminer son temps en Côte d'Ivoire. C'est là qu'il reçoit le demande suivante du Conseil provincial : "Tu es depuis longtemps en Côte d'Ivoire, rendant de précieux services dans la formation des jeunes de Bingerville, malgré une santé parfois déficiente. 1984 est normalement l'année de ton congé et, au terme d'un repos bien mérité, nous te proposons le poste de procureur de Baudonne qui commencerait donc pour toi début octobre. Nous savons ta joie profonde de servir en Côte d'Ivoire, mais nous savons aussi pouvoir compter sur ta disponibilité et ton amour de la SMA." (du Conseil le 09/01/84) Il répond : "Les objections surgissent de tous côtés ; mes oreilles affaiblies qui me marginalisent souvent, mes yeux peu aptes à la vision nocturne, s'il faut conduire la nuit ; […] Evidemment, on ne peut passer aussi longtemps dans ce pays si attachant sans prendre des racines. Ces jeunes si généreux qui viennent tenter l'aventure du séminaire, ils sont merveilleux ! […] Le nouveau ministre de la santé publique, à la suite du président, a porté une condamnation contre ces fonctionnaires qui ne veulent pas prendre leur retraite à 55 ans et bouchent l'arrivée des jeunes.[…] Ta lettre apporte donc une solution pour désencombrer la place ici et je suis prêt à répondre à ton aimable invitation. Cela ne me donne pas pour autant les aptitudes nécessaires pour faire face vraiment à la situation." (23/01/84)
A Baudonne, assez vite, le climat de la maison lui devient pénible ; il n'est pas à l'aise, et pourtant le travail ne lui déplaît pas. "L'humour, c'est bien, on le vante partout. Mais un humour qui cingle les personnes et donne l'impression d'une humiliation, ça fait parfois mal et la plaie ne se guérit pas aussi facilement, même si on n'est pas l'objectif visé. […] Par ailleurs, le travail qu'on m'a confié ici me paraît bien adapté à mes possibilités, et je vous en remercie." (26/02/86) En avril 1984, il est alors changé, et nommé aide procureur à Chamalières : "Tu travailleras avec le père Fernand Bioret et le père Jean Driot, supérieur de la communauté et directeur de la procure." (19/04/86) Il va y rester 17 ans.
A Chamalières, il a vraiment été heureux et était à son affaire : Sans doute, la bonne cuisine de Maria, et le fameux "kouign Amann et far breton" du "Cook Paul le Goff" y étaient-ils pour quelque chose ! Il était spécialement heureux en deux endroits de la maison : dans son bureau de procureur et devant ses panneaux d’affichage. Dans son bureau, le bottin des département lui servait d'ordinateur : combien de milliers d'adresses n'a-t-il pas copiées ? Combien de lettres n'a-t-il pas envoyées ? C’était sa "nouvelle mission", une mission bien discrète qui correspondait à son tempérament, et qu’il portait certainement dans sa prière. Missionnaire, Jean l’était aussi dans la confection des panneaux du hall d’entrée, et devant lesquels il aimait conduire les visiteurs de la maison. Des panneaux, il en faisait sur tout, sur les événements de la maison, les événements d’Afrique, sur les saints patrons de ses confrères, à l'occasion des fêtes... S’il en a agacé quelques-uns il en a réjouis d’autres, surtout chez les visiteurs. Pour préparer le 150e anniversaire de la SMA en Auvergne, spécialement à Valmort, chez le Père Ray, il a fait un merveilleux travail de recherches biographiques, d’écrits, de collage de photos et de copiage, grâce à la bien-aimée photocopieuse, qui agrandissait, diminuait, superposait à volonté… et qu’il ne manquait pas de solliciter plusieurs fois par jour. C’était son job qui entretenait en lui la flamme missionnaire. Il aimait aussi aller célébrer la messe chez les sœurs de Sainte-Marie de l'Assomption, à l'Hermitage de Chamalières ou à l'hôpital psychiatrique de Clermont-Ferrand.
Il lui a fallu un assez long temps de maturation avant de se décider à quitter Chamalières pour la maison de Montferrier : c'était en 2004, il avait 80 ans. A sa manière, il va trouver sa place dans la maison. Il a gardé jusqu'à la fin sa passion des panneaux avec des textes le plus souvent écrits à la main et des photos : dans sa chambre, il ne savait plus où les mettre ; il y en avait aussi dans la salle de télévision du bas, et il aurait aimé que les confrères y prêtent une plus grande attention. Il en faisait aussi pour la fête des confrères : si c'était la fête de saint Jacques, par exemple, on y trouvait des articles de journaux et des photos concernant l'apôtre Jacques, mais aussi un petit quelque chose à l'intention des confrères qui célébraient leur fête. Après le goûter de l'après-midi, il appréciait grandement de trouver 3 partenaires pour faire la belote et, si nécessaire, les pères de passage étaient mis à contribution. Malgré sa voix faible et tremblante lorsqu'il chantait, il a été fidèle, jusqu'à la fin, à présider la messe de communauté. Durant ses neuf années à la maison de retraite, sa plus grande joie fut assurément la visite de Mgr Dadiet qui expliquera devant la communauté : "La Société des Missions Africaines restera toujours ma famille religieuse. Ma vocation et mon entrée au petit séminaire ont été l'œuvre du père Nino Aimetta, actuellement à Padoue, et du père Paul Lomelet, alors curé de Divo, en 1965. Puis le père Jean Sébilo a été le catalyseur de ma destinée : hier prêtre, puis évêque, aujourd'hui archevêque. Tout cela, je le dois au père Jean Sébilo et à la grande famille des Missions Africaines." (06/11/05)
Depuis quelques mois, il se plaignait souvent d'une douleur au bras. Le supérieur de la maison prend alors pour lui un rendez-vous chez le docteur. Au moment de l'accompagner, le supérieur monte dans la chambre du père pour lui dire qu'il est temps de partir. Il le trouve mort, affalé sur le sol de sa chambre, la face contre terre. Quelques heures auparavant, il avait pourtant partagé le repas avec ses confrères, de façon tout à fait normale et absolument rien ne laissait présager d'une issue aussi rapide et brutale. Dans l'homélie qu'il a faite lors de la messe d'enterrement, le père provincial a rappelé : "Jésus est le chemin ;[…] Jour après jour, nous mettons notre vie à son école, nous nous laissons envahir par lui. Il est une valeur sûre. Et la mort peut venir nous prendre à l'improviste, comme ce fut le cas pour notre frère, nous ne serons pas étonnés de rencontrer encore le Seigneur de l'autre côté."
Recherchez .../ Search...