Société des Missions Africaines - Province de Lyon
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né le 8 janvier 1926 à Saint-Jean-de-Boiseau dans le diocèse de Nantes (France) membre de la SMA le 27 octobre 1947 prêtre le 12 février 1951 décédé le 29 mai 2012 |
1951-1953 Chamalières, économe 1953-1955 Béoumi (Bouaké), vicaire, 1955-1969 Sakassou (Bouaké), fondateur 1969-1970 Saint-Jean de Boiseau, repos 1970-1971 Yamoussoukro, paroisse 1972-1975 Raviart - Didiévi (Yamoussoukro) 1975-1977 Lyon, 150, rénovation du musée 1977-1980 Didiévi, responsable 1980-1981 Saint-Jean de Boiseau, repos 1981-1982 Dimbokro (Yamoussoukro), vicaire 1982-1983 Prikro (Bouaké), vicaire 1984-1985 Béoumi, vicaire 1986-1989 Bocanda (Yamoussoukro), pour fonder Kouassi Kouassikro 1990-1996 Kouassi Kouassikro (Yamoussoukro), fondation 1997-2012 Saint-Jean de Boiseau, en retraite décédé à l'hôpital de Montpellier le 29 mai 2012,
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Paul Louis Jean Germain GAUTRET (1926-2012)
Il voit le jour à Saint-Jean-de-Boiseau, en Loire-Atlantique en 1926 dans une famille très modeste. Son papa était carrier, marchand de sable. Le petit Paul l'accompagnait parfois pour aller tirer du sable dans la Loire et le décharger au "port", en bas de leur maison, pour le vendre - et tout cela à la main, avec une pelle et un vieux bateau. Leur maison était située en effet au bord de la Loire. Il fréquente l'école laïque de son village. Au certificat d'études primaires, il est classé premier de tout le canton de Bouaye ! Quand on lui demande comment est née sa vocation, il s'explique : "Chez nous, on n'est pas de ce côté-là, comme on dit." Sa sœur pourtant va au catéchisme et il lui demande ce que peut bien raconter le curé, et elle lui répond : "L'année prochain tu iras". Paul écrit : "J'ai été intéressé, puis le patro, puis les Cœurs Vaillants, puis la J.O.C., puis une rencontre avec le père Boulo, aumônier de la J.O.C., qui vient aux grandes fêtes à Saint-Jean."
En février 1940, il a 14 ans, il entre à l'usine métallurgique d'Indret, à côté de Nantes, où il apprend le métier de mouleur. Il écrit : "A l'usine d'Indret, un jour, je leur dis : 'je rentre au séminaire' ; ils ont bien rigolé." Comme il n'est pas jugé apte à entrer au petit séminaire, à la rue du Ballet, il va à Legé, aux vocations tardives, en septembre 1942 et y reste trois ans. C'est de là qu'il écrit au provincial : "Terminant mes études dans le groupe des vocations tardives de Legé, où on m'avait conseillé d'entrer en 1942, je viens vous demander aujourd'hui mon admission au noviciat… Je suis un ancien apprenti de l'établissement d'Indret où j'ai appris le métier de mouleur. Ce métier n'est guère adaptable à mon nouveau genre de vie, mais peut-être que plus tard, je serai heureux de le connaître… J'ai travaillé dans cette usine du 1er février 1940 au 12 septembre 1942. C'est la JOC qui m'a révélé ma vocation et je lui dois beaucoup." Le supérieur de Legé donne sur lui les renseignements suivants au père recruteur : "Une excellente recrue, bonne intelligence, jugement sûr, excellent esprit, solide piété, esprit d'apostolat, beaucoup de savoir-faire… Je vous souhaite d'en rencontrer beaucoup comme lui au cours de vos pérégrinations. Il fera un très bon missionnaire." (16/07/45) Le mois suivant, c'est le père Aupiais qui lui écrit personnellement : "Je suis heureux de vous annoncer que vous êtes admis à rentrer chez nous au début de la prochaine année scolaire." Il fait son premier serment en 47, date à laquelle il commence le grand séminaire à Lyon. Une seule petite interruption au cours des quatre années de théologie : trois mois de service militaire dans l'aviation, au bout desquels il est réformé définitivement. A plusieurs endroits, dans son dossier, on note qu'il est doué pour la menuiserie et la sculpture sur bois.
A la sortie du grand séminaire, il est nommé économe à Chamalières, et il fait aussi un peu la classe : "Vous savez bien que mon professorat n'est que du bricolage." (09/06/53) Pour cela, ses supérieurs ont suivi l'avis du docteur, mais il n'est pas d'accord : "Le docteur a estimé seulement sur mon poids que je n'étais pas fort, et il a cru prudent de signaler que je résisterais peut-être mal aux maladies, là-bas. Mais je crois que ce ne sont pas les plus gros qui supportent le mieux le climat. Je le lui ai dit et il m'a répondu qu'il n'en savait rien." (1952)
Il part en Côte d'Ivoire en 1953, à Béoumi, chez Mgr Duirat. Il écrit : "Deux ans en brousse, il y a une menuiserie et le père Puaut pour me guider." De là, en 1955, il est envoyé à Sakassou pour fonder la mission. "Le roi me donne la permission de faire des écoles. Un notable m'accompagne en son nom. Je pense les répartir en toile d'araignée sur l'ensemble du Warébo, en vue d'en faire des lieux de catéchisme. Je suis naïf, mais on en établit 17, plus ou moins stables. […] Les sœurs ouvrent l'école de la mission au centre." Il faut aussi construire. Le directeur d'une usine de Tiffauges (Vendée), où une de ses tantes est religieuse, lui offre une 2 CV, et il en profite pour faire un peu de transport de matériel et gagner ainsi quelques sous. "Ici pas d'église, mais ma résidence suffit encore. En brousse, de même, l'école sert de chapelle. Chaque matin, je pars travailler dans un village. Je reviens le midi prendre le bon repas que me préparent les Sœurs. Et, après la sieste, la 2 CV me reconduit ailleurs." Pendant son congé en 1958, il fait des conférences et montre des diapositives de sa mission. Il peut alors commander un camion chez Renault, et il écrit, sans doute en souriant : "La mission peut vivre : avec un camion, je peux faire du sable. Moi, le fils du marchand de sable de mon village natal, qu'on pêchait en Loire, en bateau, à marée basse…" En 1962, il est temps de construire l'église, car "une mission qui n'a pas d'église n'est pas encore fondée".
1966 : "A Sakassou, la mission arrive à un tournant; après la période de fondation matérielle qui a pu se faire entièrement avant que l'on sente le pays bouger, va arriver le moment où les conversions vont se préciser, et nous allons être disponibles pour y répondre à plein temps. Je vais donc rentrer en France avec le désir de m'adapter à cette tâche véritablement missionnaire qui a été bien maigre jusqu'ici. On ne fait pas des constructions pendant 13 ans, avec peu de pastorale, sans en être déformé et c'est pourquoi je dis que j'ai besoin de me réadapter." Il demande donc une reprise spirituelle, avec "une repasse intellectuelle de théologie, de philo peut-être". C'est ce qu'il va essayer de faire en 1969 ; mais il veut le repos en dehors de chez lui, parce qu'il y est trop sollicité pour parler des missions. Il accepte un poste d'aumônier en Savoie, à La Giettaz. Cependant, il n'y reste pas longtemps (à peine un mois), car il fait trop froid et l'évêché y envoie un ancien trappiste. Finalement, il se retrouve à Toulon où il compte rester quelques mois pour finir de se reposer avant de repartir en mai pour Sakassou. C'est alors que le régional lui fait savoir qu'il n'est pas bon qu'il revienne à Sakassou, car il y est depuis bien des années. Il lui demande de présenter un certificat médical au provincial afin d'avoir le feu vert et lui conseille de prolonger son repos afin de bénéficier d'un recyclage qui lui permettrait une reprise spirituelle et apostolique. Finalement, il repart, mais pour Yamoussoukro où il ne reste que deux ans, puis à Raviart, où il remplace le père Lazinier qui vient de rentrer malade et où il fait bonne équipe avec le père Rolland.
Au bout de trois ans à Raviart, en 1975, il écrit au provincial pour demander de rentrer en France en précisant : "Je ne pense pas actuellement revenir pour un congé, mais pour une période assez longue." Il sent qu'il a besoin de se reposer, car il vit sur les nerfs. Il est d'accord pour une session à l'Arbresle en janvier, février et mars 1976, puis une initiation à la comptabilité. Mais avant de partir "j'ai quand même entrepris, en dernière heure, disons, le chantier du centre d'accueil de Raviart. Commencé le 1er mai, on en est à la couverture. […] Je vais faire encore ce travail et j'arrête." (13/06/75) A cette époque, à la Province, on commence à parler d'une maison à Montpellier. Dans une lettre du 4 août 1975, il écrit : "Je m'intéresse au projet formulé pour la maison de retraite de Montpellier. Mon âme de constructeur se réveille et je vois là l'occasion d'un recyclage bâtiment, en tant qu'observateur." Alors il va se "recycler", et il retourne pour cela à l'usine d'Indret. "En ce moment, je fais de la mécanique; ensuite, j'aurai besoin d'un mois en électricité, puis un mois en plomberie et installation sanitaire… Mon retour à l'usine, là où je travaillais avant d'entrer au séminaire, ici à Indret, a été bien accueilli par les ouvriers. Je mange à la cantine, on se retrouve après 34 ans… Ouvrier j'ai été, ouvrier je suis resté. Prêtre maintenant, mon apostolat a continué dans ce style, et continue ainsi parce que ce sont les talents qui me sont confiés." (07/09/75) Il lui faut une nomination précise : "Il est temps que nous vous fixions votre statut dans la Province. Vous êtes mis à la disposition de l'économe provincial pour la détermination des travaux à effectuer dans les maisons de la Province; pour le moment, vous vous occuperez de ceux du 150. La maison qui vous emploie prend en charge votre nourriture, votre logement, votre voyage aller-retour." (08/04/76) Il sera très actif et très précieux en particulier pour la rénovation du musée du 150.
Dès sa lettre de vœux en 1977, il demande à retourner en Afrique. En mai, il réitère sa demande. Plusieurs lettres avant la fin de l'année reprennent la même demande. Mais il sait qu'il reste pour le moment au 150 pour effectuer des travaux qui coûteraient très cher s'ils étaient confiés à une entreprise. Finalement il est bloqué par les travaux au musée et par les fenêtres du 150 jusqu'au mois de novembre 1977. En décembre, le Conseil provincial l'informe qu'il est remis à la disposition de l'évêque de Bouaké. Il repart à Raviart en janvier 1978. Mais, voulant sa tranquillité, il prend lui-même l'initiative de s'installer à Didiévi qui commençait à s'organiser en tant que ville par la fusion de deux villages, N'doumia et Didiévi. Il peine beaucoup pour tenir jusqu'à la date de son premier congé qui devrait intervenir en octobre 1980. Il rentre donc en septembre, par bateau, comme d'habitude et repart à Dimbokro à la fin de 1981 après une année de repos dans son village natal. Depuis ce retour, son évêque le change souvent de poste. Moins de deux ans à Dimbokro, pas plus à Prikro, puis à Béoumi. De là, il écrit : "L'année qui s'achève s'est bien passée. La solitude, si c'en est une, a de quoi me plaire! On n'est jamais seul ici, avec tant de Sœurs, une bonne équipe d'instituteurs, nos voisins en contact journalier, les villages à visiter le soir, ou le matin selon les jours possibles, et un atelier pour l'entretien. Comme saint Paul, il faut montrer qu'on sait travailler de ses mains et qu'on peut ne pas être à charge. Béoumi est arrivé à un autofinancement qui me soulage de ce souci." (1986)
En 1986, il est nommé à Bocanda. Physiquement, il est toujours le même : Il écrit en février 1988: "J'ai eu 62 ans le 8 janvier ; on a fêté ça. On a pesé le bébé : 50 kilos, c'est le minimum vital." En août 1991, il rentre, rapatrié sanitaire : infection urinaire. Il se repose assez vite et il retient lui-même sa place sur un bateau pour le 4 novembre. Mais le provincial lui écrit : "Tu nous dis avoir réservé ta place sur le bateau du 4 novembre. Entre temps, tu as dû recevoir une lettre du régional qui te demande de patienter et d'attendre que les choses soient éclaircies au niveau de l'autorité diocésaine de Bouaké. Alors, essaie de mettre en pratique la première, la deuxième et la troisième qualité du missionnaire qui, d'après Mgr Pellet, est la "patience". J'espère tout de même que la réponse de ton régional ne se fera pas trop attendre." Finalement, il ne repart qu'à la fin du mois de décembre et arrive à Bocanda en janvier 1992. Son programme : fonder Kouassi Kouassikro. "Je reviens chaque semaine à Bocanda passer deux jours de détente, lundi et mardi." Peu après, il devient indépendant à KKK, avec l'arrivée d'un confrère à Bocanda. "La vie à KKK m'est bien agréable. […] Les gens se répartissent chaque jour mon repas de midi. J'envoie la viande et l'huile, de l'igname à l'occasion et j'ai un repas servi ici ou chez eux. Le soir on se fait à manger. […] La chrétienté des villages donne signe de vie. […] J'ai neuf villages qui s'ouvrent depuis un an."
Il rentre en 1994, mais cette fois en avion, alors que, jusque-là, il a toujours voyagé en bateau. Le régional écrit : "Je crois qu'il faudra aller le chercher à l'aéroport, car il sera un peu perdu… Pensez à prévoir quelques vêtements chauds dès l'arrivée, car il est très frileux." Pendant ce congé, son évêque écrit au régional : "Nous pensons objectivement que ce ne serait pas lui rendre service que de le laisser revenir dans le diocèse. Cela fait plusieurs fois qu'il part en catastrophe. […] Il vaut mieux trouver quelque chose d'autre à notre confrère qui a fait beaucoup pour sa paroisse, il faut le reconnaître, toujours d'une façon originale, mais avec tout son cœur." Dure pilule à avaler !!! Mais il repart quand même. L'année suivante, en 1995, le Conseil provincial lui propose d'aller à Montferrier : "Si tu as encore quelques forces et du dynamisme, ils pourront très bien servir à donner vie à la maison. Dans une telle maison, il ne faut pas que des "croulants". Il est aussi possible de rendre des services dans la région." Bien vite, il répond : "Votre proposition est trop douloureuse. […] Je ne pense pas cependant envisager votre proposition. […] Depuis 41 ans le roseau a bravé les chênes." En septembre 1995, il envoie encore au Conseil provincial un certificat médical, disant qu'il est capable de retourner en Afrique. Pourtant en octobre, il fait un essai à Montferrier. Il en écrit : "Je ne puis pas me reposer ici. Ce que je croyais est réel. Je ne suis pas un saint et la vue des confrères présents, en leur état pénible, m'impressionne. Je n'accepte pas ce séjour, je le subis, et cette épreuve des nerfs doit cesser. Je demande aussi un autre lieu de repos. C'est facile de dire "repose-toi". L'ambiance ne me le permet pas."
Son nouveau départ se dessine, mais cela tarde à se réaliser. Il écrit du 150 : "Attendre, toujours attendre, je trouve dure cette épreuve de patience. Il y a eu des progrès, bien sûr, depuis le 'non' de Pierre, le 'oui mais' du provincial et le 'oui plus tard' que vous exprimez. En France, j'ai un moral d'exilé, comme dit Emile. […] Pardon… Pardon, ne prolongez pas une attente usée, qui sape le courage…" (02 96) Enfin, il repart pour quelques mois. (août 96 - juin 97) En octobre 1997, le Conseil provincial lui demande de rejoindre la maison du 150, où manifestement il trouvera à s'occuper, car "nous ne voulons pas que tu fasses de la maison où tu vis actuellement ta résidence habituelle." Ce n'est pas son idée : il veut se retirer dans sa maison familiale à Saint-Jean-de-Boiseau : c'est là qu'il a ses attaches : "J'envisage une retraite paisible au village natal, missionnaire auprès des villageois par des visites à domicile, libre de tout engagement. J'ai déjà expérimenté cela : c'est ici, grâce à une grande fraternité locale, une réussite."
C'est là qu'il va passer les 15 dernières années de sa vie, se contentant de peu pour lui-même et partageant son temps entre les visites à ses amis et connaissances et les heures passées dans son atelier de menuiserie où il trouvait sa joie à sculpter des petites statues qu'il distribuait volontiers autour de lui. On lui doit aussi de nombreuses chaises baoulé, comme par exemple celles qui sont dans la chapelle de la maison régionale de Côte d'Ivoire. La maison où il logeait n'avait aucune valeur, mais son atelier était remarquablement pourvu. Heureusement que des voisines attentionnées veillaient un peu sur sa nourriture et sur son linge. Pour lui, l'important n'était pas là ; il aimait rencontrer les gens, parler de leurs problèmes, ou simplement être là avec eux et partager le quotidien de leur vie. Dans ces conditions, on ne voit pas le temps passer. Se rendait-il compte que peu à peu il baissait ? S'il pesait 50 kilos en 1988, il en faisait peut-être 10 de moins en 2012. C'est vrai de dire qu'il n'avait que la peau sur les os. Au début du mois de mai 2012, une chute malencontreuse en sortant de chez lui - il a manqué la petite marche qui menait à sa maison - et le voilà à l'hôpital avec une fracture du bassin et d'un coude. Vite, les docteurs se rendent compte que, maigre comme il est, et à son âge, 86 ans, il ne pourra jamais s'en sortir. De l'hôpital de Nantes où il ne reste que quelques jours pour les premiers soins, il est transféré en ambulance à Montferrier. Il ne s'en remettra pas et meurt quelques jours seulement après son arrivée.
Un confrère qui a passé plusieurs années avec lui en mission témoigne : "Il était original dans ses goûts et son comportement. Ce qui cachait tout le reste : un cœur d'or. […] Il s'est toujours souvenu de ses origines. Aussi, en Afrique, il a toujours été entouré d'enfants d'origine modeste, et plein de compréhension pour eux, comme s'il se reconnaissait en eux."
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