Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 28 janvier 1909 à Weitbruch dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 28 juillet 1929 prêtre le 6 janvier 1934 décédé le 15 juin 1987 |
1934-1939 Saint-Pierre, professeur décédé à Saint-Pierre, France, le 15 juin 1987, |
Le père Louis GESTER (1909 - 1987)
Louis Gester est né à Weitbruch, le 28 janvier 1909. Âgé de 12 ans, il avait quitté son village pour entrer en classe de 6e à l’école apostolique de Saint-Pierre. C’était à l’automne 1921.
En ces temps anciens, le voyage avait encore les allures d’une petite expédition. Pour se rendre à Saint-Pierre, quand on habite un village de la Basse-Alsace, il faut d’abord atteler le cheval à la charrette et gagner la station de chemin de fer la plus proche. Le train vous amène ensuite, en une demi-heure, à Strasbourg. Là on n’est plus seul. D’autres garçons sont arrivés de Mommenheim, de Hegeney, de Batzendorf, d’Ettendorf. On profite d’un long arrêt pour visiter un peu la grande ville : c’est peut-être la première fois que vous y êtes. En tout cas, il faut avoir vu la Cathédrale. Puis, on reprend le train. Enfin, après une quinzaine de stations, on arrive à une gare où il faut descendre de wagon. Mais ce n’est pas encore Saint-Pierre. Pour y arriver, une marche de trois quarts d’heure est nécessaire. On a le temps de voir que le pays est différent de celui qu’on a laissé : au lieu d’une paisible campagne légèrement ondulée, c’est une vaste plaine unie, mais bordée de hautes et sombres montagnes, couvertes de forêts.
Finalement, on arrive tout de même à l’école apostolique de Saint-Pierre. On est impressionné par la belle maison d’habitation, appelée Château, entourée d’un parc aux arbres majestueux, de vastes vergers et de fertiles prairies. Mais en cette soirée du 28 septembre 1921, on n’admire pas beaucoup. Il faut plutôt essayer de résister au mal du pays qui vient serrer le cœur. Et voilà, pour trois enfants de Weitbruch, ce jour-là, le commencement d’une grande aventure. Ils arriveront au terme de leur désir : les missions. Ce seront : le Père Louis Gester, son frère Eugène, d’une année plus jeune, et l’admirable Père Joseph Fürst, tous les trois vaillants missionnaires du Togo.
Le Père Louis Gester, comme ses compagnons, suivit le cours normal de la préparation au sacerdoce : 1921-1923, 6e et 5e à Saint-Pierre ; 1923-1927, les autres classes à Bischwiller ; 1927-1929, noviciat et philosophie à Chanly, avec, le 28 juillet 1929, le Serment, qui était alors immédiatement perpétuel ; enfin, 1930-1934, théologie à Lyon. Entre le noviciat et le grand séminaire, le Père Louis eut à faire une année de service militaire à Lille. Il fut ordonné prêtre par Mgr Hauger, le 6 janvier 1934.
La première messe solennelle au village natal eut lieu le 8 juillet. Le même jour, le Père Eugène Gester et le Père Fürst célébraient également leur première messe. Un autel avait été dressé dans la cour de l’école et, de là, un imposant cortège partit pour accompagner les célébrants à l’église paroissiale. Tout le long du parcours, les maisons étaient ornées, tant catholiques que protestantes. La liturgie d’alors ne connaissait pas encore les concélébrations. C’est le Père Louis qui, en sa qualité d’aîné, chanta la grand-messe au maître-autel, tandis que le Père Eugène et le Père Fürst célébraient une messe chacun à un autel latéral. Ce fut en tout cas une magnifique fête, un événement extraordinaire et inoubliable pour tout le village.
Après les vacances, le 17 septembre 1934, le Père Louis Gester entra comme professeur à l’école de Saint-Pierre. Il occupa ce poste jusqu’à la guerre. Dès le 2 septembre 1939, il fut mobilisé et fut affecté un peu plus tard au secteur de Niederbronn, comme infirmier-brancardier.
Les événements militaires étant assez rares, il eut le temps de parfaire ses connaissances de soignant et il passa même plusieurs jours au couvent-hôpital d’Oberbronn pour un stage sous la direction des Sœurs infirmières de la Clinique Sainte-Odile de Strasbourg. Il pensait à l’avenir et se disait que des notions médicales ne lui seraient pas inutiles plus tard.
Au début juillet 1940, à la suite de l’armistice du mois de juin, le Père est libéré et va séjourner quelque temps dans sa famille. Au mois de septembre suivant, il devient directeur de notre maison de Vigneulles, près de Metz. Mais les temps sont changés. Les autorités occupantes ont pratiquement annexé l’Alsace et la Lorraine et y exercent un pouvoir sévère. En Moselle, le despotisme se manifeste par un grand nombre d’expulsions : les gens du pays sont chassés de chez eux.
Le Père Louis Gester fut compris dans une de ces expulsions. C’était le 21 novembre 1940. Il se rendit à Lyon, puis aux Roches où, de février à juillet 1941, il fut professeur. Enfin, le 14 octobre 1941, après un pèlerinage à Lourdes, il s’embarqua pour le Togo, mais sans avoir pu, bien sûr, revenir en Alsace pour revoir sa famille.
Au Togo, il est d’abord vicaire à Agou, puis, de 1944 à 1948, supérieur de la mission de Togoville. Tout son bonheur est maintenant de pouvoir annoncer Notre Seigneur Jésus-Christ. Cela, il nous l’a dit une fois, en essayant d’exprimer ses sentiments et ses pensées, certains soirs de son séjour à Togoville. Il est sur la magnifique lagune voisine, qui enserre ses eaux calmes dans un encadrement toujours vert. Le soleil descend vers la mer toute proche, laissant dans le ciel une longue traînée de nuages en flammes qui se reflètent dans le miroir de l’eau en une somptueuse magnificence. C’est l’heure de l’Ange du Seigneur. La petite cloche de la mission invite à la prière.
Et le Père se tourne vers la statue de la Mère de Dieu qui domine, de la petite église, ce paysage d’eau et de verdure. Le grand village s’étend tout autour : 2 000 âmes !
Mais, qu’il est difficile, hélas ! pour les habitants de cette région, d’être chrétiens. Si seulement les jeunes des anciennes chrétientés venaient plus nombreux pour travailler à la mission ! Que Marie ait la bonté de transmettre cet appel ! Elle le fera, bien sûr. Et dans cette pensée le Père, la nuit venue, rentre plus confiant dans sa modeste maison : il a au cœur l’espoir que ce village sera gagné au Christ.
C’était en 1948. Avec quelle joie plus tard, le 9 août 1985, n’a-t-il pas dû suivre en pensée le voyage de Jean-Paul II, quand le Pape, après avoir traversé le lac Togo à bord d’une pirogue pavoisée aux couleurs vaticanes et togolaises, est venu à Togoville, pour consacrer le Togo à la Vierge Marie, Notre-Dame du Lac Togo, Mère de la Miséricorde !
Le 13 août 1948, le Père Louis vient en congé en Alsace. Il est bien fatigué par un séjour de 7 années consécutives en mission. Juste avant son départ du Togo, il a dû être hospitalisé plusieurs jours à Anécho et à Lomé. Il est donc content maintenant de pouvoir revenir dans son pays pour refaire sa santé. Mais il y a un gros nuage dans la joie du retour. Le 3 janvier de l’année précédente, sa maman, après une grave maladie, avait quitté ce monde. Depuis 1940, il ne l’avait pas revue et, à l’époque de son départ en missions, il n’avait pas pu lui demander sa bénédiction.
Cependant le séjour au pays natal fortifia sa santé. Il repartit pour le Togo en 1949. Il fut alors nommé Visiteur Régional des missions de Lomé et de Sokodé. Notre assemblée générale de 1947 avait remis en valeur le rôle du Visiteur et l’autorité qui lui revient. En outre, au lieu d’un Visiteur par mission, l’assemblée avait pensé qu’il y aurait avantage à mettre un Visiteur Régional pour deux ou plusieurs missions. Cela augmentait aussi d’autant la responsabilité du confrère chargé de cette fonction. Le Père Louis s’en acquitta excellemment. Dans l’exercice d’un ministère à la fois si lourd et si important, la diligence et le dévouement qu’il déploya lui gagnèrent largement la confiance de tous ses confrères.
Il fut un véritable homme de Dieu, en même temps doux et ferme, discret et patient. En 1955, il fut nommé à nouveau, pour une période de cinq ans, à cette charge qui, entre-temps, avait reçu la dénomination de charge de Supérieur Régional.
Il résidait à Palimé, où se trouvait le tirocinium, lieu où les jeunes missionnaires passaient les premiers six mois de leur séjour pour s’initier à l’apostolat.
Le temps de sa charge accompli, en 1959, le Père Louis devint, à Lomé, supérieur de la paroisse dédiée à Marie-Immaculée et qui avait été créée à Pâques 1954 dans le quartier de Nyekonakpoé. Il y fut un excellent missionnaire. On le connaissait aussi déjà comme bon constructeur et il confirma cette réputation en construisant la magnifique église de Nyekonakpoé.
Le 29 mars 1969, le Père Louis rentre en France. Il est bien épuisé. Déjà quelques années plus tôt, il avait dû prolonger un séjour en Europe pour raison de santé et, d’octobre 1965 à juin 1966, il avait été aumônier chez les Sœurs Ursulines de Riedisheim. Mais cette fois-ci, il ne peut plus retourner en Afrique. En automne, le Père prit place dans la petite communauté du Zinswald, lieu de choix, écrit-il, pour se refaire : climat rude, certes, mais qui fait du bien. Il y vécut plus de 16 années, toujours avec la pensée des missions, car ce pays d’Afrique, écrit-il encore, ne saurait s’effacer de ma mémoire, de mes préoccupations, de mon cœur, de ma prière.
Et il aimait, dans la récitation quotidienne du chapelet, recommander à la bonté de Notre-Dame les missionnaires encore en activité, les chrétiens fervents et aimés qu’il avait connus là-bas, dans le cher pays des missions.
En même temps, il s’efforçait, dans sa nouvelle situation, de se rendre utile dans toute la mesure du possible. L’Archidiacre de Sarrebourg ayant demandé qu’on vienne en aide au curé de Lutzelbourg en le déchargeant du soin de l’annexe de Dannelbourg, le Père Gester accepta ce service et, de 1970 à 1982, tout en résidant au Zinswald, il desservit la paroisse de Dannelbourg.
Le 2 juin 1986, il se retira à la maison de retraite de Saint-Pierre. Il entrait calmement, sans amertume, dans la vieillesse. Sa présence à Saint-Pierre fut une bénédiction pour la communauté. Plein de gentillesse, il restait toujours disponible pour aider les autres, pour les écouter, pour leur donner son attention. Et cela, en toute simple humilité. Le 15 juin 1987, paisiblement, il s’endormit dans le Seigneur.
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