Société des Missions Africaines - Province de Lyon
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né le 21 décembre 1929 à Saint-Sauveur dans le diocèse d'Angers membre de la SMA le 25 juillet 1950 prêtre le 11 février 1954 décédé le 19 juin 2013 |
1954-1955 Tanta (Héliopolis), études d'arabe décédé à Montferrier-sur-Lez le 19 juin 2013 |
Le père Jean-Baptiste LEBRUN - 1929-2013
Il est né le 21 décembre 1929 à Saint-Sauveur-de-Landemont (Maine-et-Loire), dans le diocèse d'Angers, et baptisé dès le lendemain. Son père est agriculteur. Il prend contact avec les Missions Africaines en février 1948, alors qu'il est en terminale au petit séminaire du diocèse d'Angers, à Beaupréau. A cette occasion, il écrit une longue lettre au supérieur provincial pour se présenter et solliciter son admission : laissons-lui la parole. "Je suis le quatrième enfant d'une famille de paysans, le seul garçon. Mon père, mort de congestion il y a deux ans, était d'origine angevine. […] Malheureusement une de mes sœurs, âgée actuellement de 24 ans, est atteinte de maladie mentale. Avant la mort de mon père, nous vivions assez aisément. Depuis, l'hospitalisation de ma sœur nous a mis dans la misère et ma mère s'est vue obligée d'emprunter de l'argent. […]
"Ce fut pendant ma quatrième, en 43-44, que le petit séminaire de Pont-Rousseau s'est installé chez nous, à Saint-Sauveur-de-Landemont. […] Pendant les vacances, je n'avais qu'à regarder ; j'avais à chaque instant sous les yeux des missionnaires et des futurs missionnaires. Je pouvais constater que l'esprit qui les animait était un esprit apostolique de joie, de simplicité et surtout de charité." Il termine sa lettre en disant : "Pour mes études, je n'ai pas toujours été très brillant. L'année dernière, je me suis présenté deux fois au baccalauréat et deux fois j'ai échoué. […] Discipliné, je ne saurais dire si je l'ai été assez. J'avoue pourtant que sur ce point je n'ai pas grand-chose à me reprocher." (20 02 48)
Le père Boulo, l'un des pères qui avaient accompagné les séminaristes à Saint-Sauveur, venait assez souvent visiter sa famille ; il eut sur lui une excellente influence et c'est lui qui le mit en relation avec le père Matthieu, nouveau supérieur de Pont-Rousseau. Sur sa demande, il est admis à Chanly en 1948. Exempté de service militaire, sans doute parce que, depuis la mort de son père, il est considéré comme soutien de sa famille, il peut continuer sa formation à Lyon, au 150, dès la fin de son noviciat. Sur sa feuille d’admission aux ordres, au 150, on note : "relations avec les maîtres : sourire perpétuel… semble plutôt intellectuel… volonté assez bien trempée." Il est ordonné prêtre en février 1954 et reçoit la nomination suivante : "Vous savez que Mgr Boucheix a hâte de recevoir du renfort dans son vicariat d'Héliopolis, où il y a tant à faire dans des ministères de genres divers. Le Conseil provincial vous met donc à sa disposition." (21/06/54)
A part les années qu'il passera en France, en paroisse ou dans l'un des services de la Province, de l'Afrique il ne connaîtra que l'Egypte. Il y passe tout d'abord les 12 premières années de son ministère et commence par consacrer trois années entières à l'étude de l'arabe, à Tanta puis à Sakakini et il avait réussi à le parler parfaitement : c'est pourtant une langue bien difficile à apprendre pour un occidental ! En 1957, il est nommé en paroisse, successivement à Zifta, Choubra, Zeitoun, puis, après une période de six années en France pour des raisons que nous allons expliquer, Héliopolis et enfin de nouveau Zeitoun et pour finir Choubra, pendant ses seize dernières années en Egypte, de 1983 à 1999. Si l'on fait le compte de ses années passées dans le pays des pharaons, on arrive à 36. Mais pour définir quelque peu ses activités, on a seulement de lui trois lettres écrites de sa main durant tout ce temps, et encore c'est pour annoncer son arrivée en congé ou pour dire qu'il prépare la visite de l'un des membres du Conseil provincial…
Le témoignage de Mgr Gennaro di Martino, vicaire général du diocèse latin d'Egypte, nous permet d'affirmer qu'avec Mgr Egidio Sampieri il s'est beaucoup dépensé pour les vocations sacerdotales, et que, dans son apostolat, il donnait la priorité aux fidèles "latins", sans bien sûr négliger les fidèles des autres rites. D'autres témoignages de confrères qui l'ont connu et qui ont travaillé avec lui décrivent Abouna Lebrun, comme il était appelé au Caire, comme un homme droit, intègre, un missionnaire convaincu, passionné pour l'Egypte et les Egyptiens qu'il aimait du fond de son cœur. Très rigoureux pour lui-même, mais aussi très ouvert aux autres et accueillant surtout pour les pauvres, il avait l'estime de ses confrères qui l'ont gardé pendant seize ans comme supérieur de la zone Egypte, jusqu'à son départ définitif. Pourtant, il n'était pas toujours facile de vivre avec lui : son exigence d'une vie simple, son rapport à l'argent ont créé parfois des problèmes de collaboration avec ses confrères.
En 1966, alors qu'il est vicaire à Choubra, il demande au Conseil provincial d'être "mis en congé" : il entend par là être mis à la disposition d'un évêque de France aussi longtemps que la situation de sa famille l'imposera. Lié par son serment aux Missions Africaines, il se sentirait infidèle à ce serment s'il n'avait pas une autorisation écrite de ses supérieurs pour s'investir dans un travail hors de la Société. C'est que sa famille a besoin de lui. On sait que l'une de ses sœurs est malade mentale, les deux autres sont mariées. L'une d'elles, mère de trois enfants, perd son mari dans des conditions tragiques et le mari de l'autre tombe malade ; il y a neuf enfants à élever. Trouver un poste dans une paroisse pas trop loin de la famille lui permettrait de seconder ses sœurs et d'être pour elles l'autorité et la sécurité dont elles auront parfois besoin dans l'éducation de leurs enfants.
L'évêque d'Angoulême l'accueille dans son diocèse. Il est vicaire pour le secteur de Mansle qui regroupe 18 clochers et est plus particulièrement chargé de Luxé et de Villognon. Sa maman s'installe au presbytère avec lui. Les paroissiens sont accueillants et le fait de travailler en équipe avec les prêtres du secteur est pour lui un réconfort. Il accepte aussi d'être l'aumônier du M.R.J.C. pour la zone nord-ouest du diocèse. Chaque année, tant que sa famille a besoin de lui, il est fidèle à redemander au Conseil provincial l'autorisation de vivre en dehors d'une communauté sma, mais il précise qu'il est toujours attaché à la cause des missions et surtout à sa "chère Egypte" et il espère que son "exil ne durera pas toujours." (03/10/69) L'année suivante il écrit qu'il souhaite bientôt boire de nouveau l'eau du Nil.
En juin 1970, les conditions de sa famille ont un peu évolué et sa maman vient de décéder au presbytère : il pense aussitôt à repartir en Egypte, mais il se rend compte que, après quatre ans d'absence, il n'est pas tellement attendu. "Je m'étais imaginé que l'on m'attendait sur les bords du Nil et qu'à la mort de ma mère on me dirait tout de suite que j'étais attendu. Il a bien fallu me rendre à l'évidence : on ne voyait pas très clair ce que je pourrais faire en Egypte ; les effectifs sont au complet, je risquerais d'être déçu par une vie apostolique réduite." Il demande alors à rester une année de plus à Luxé. "Le désarroi dans lequel vous m'avez vu ne s'est pas dissipé : d'un côté, il y a le fait que je me sente peu désiré en Egypte ; d'un autre, le rôle que j'ai partagé avec ma sœur dans l'éducation de nos trois nièces orphelines de père et dont la mère remariée a été déchue légalement de ses droits maternels ; et puis il y a la situation précaire du diocèse d'Angoulême en vocations et mon âge qui rendraient difficile l'adaptation dans un autre pays de mission ; enfin, et ce n'est pas négligeable, la difficulté de s'arracher à son petit confort." (03/10/70) Finalement, il décide de faire encore une année dans le diocèse pour y voir plus clair, mais il se dit prêt à quitter Luxé pour réintégrer le circuit des Missions. "Pratiquement, je serai disponible dès le 15 juin." (06/011971)
Il est alors nommé à la procure de Pont-Rousseau pour s'occuper plus particulièrement des foires. Il n'est pas très à l'aise dans ce travail et l'ambiance de la maison lui pèse. Il attend que la porte de l'Egypte s'ouvre de nouveau pour lui. "En attendant, je donnerai le meilleur de moi-même pour que règne dans la maison la charité dans l'accueil des autres, jeunes et moins jeunes, et pour accomplir toutes les tâches que l'on me confiera." (27/04 1971)
A Pont-Rousseau, il a le père Kerlévéo comme supérieur. "Habitué à un certain type de relation basé sur l'égalité et la coresponsabilité, je n'arrive pas à me faire au système "supérieur-inférieur" où les uns pensent et décident pendant que d'autres subissent et exécutent. Je ne suis pas anarchiste ; je crois à la nécessité de l'autorité, mais je refuse d'être réduit au rôle de domestique du père untel ou untel. Je pense que, dans une maison comme la nôtre, nous avons le droit d'être consultés ou du moins d'être mis au courant pour ce qui regarde ou engage la maison ou les confrères. Comme la majorité ici n'imagine pas qu'il soit possible de partager ainsi, je me replie sur moi-même ; ne me sentant pas partie prenante dans la marche de la maison, comme je ne veux pas mettre le mauvais esprit, je préfère souffrir en silence de l'état d'irresponsabilité où je suis réduit. La plupart des confrères ont l'air de très bien s'accommoder de ce style de relations ; ils ont de la chance, c'est tout." (25/12/1971)
En 1972, s'il peut repartir en Egypte comme vicaire à Héliopolis, ce n'est que pour trois ans, car le Conseil le rappelle pour remplacer le père Louis Gonon à Chaponost, comme délégué à l'information et à l'animation missionnaire (DIAM). Son service débute à la rentrée de 1975, et déjà à Noël, il met les points sur les "i" : "Ce n'est pas par plaisir, mais pas conviction que j'ai accepté de travailler à l'animation dans le Centre-Est." (24/12/75) En 1976, il est nommé délégué des OPM pour la région Centre-Est. En janvier 1977, il demande à repartir en Egypte, trouvant qu'il est sous-employé, et même qu'il est un malaise dans la communauté de Chaponost. Il revient encore à la charge en mars de la même année, demandant d'être renvoyé en Egypte avant la fin de ses trois ans et disant sa "conviction que cette tâche ne vaut pas qu'on lui sacrifie un missionnaire, fût-il missionnaire en Egypte." (21/03/77) Et un mois plus tard : "J'ai déjà eu l'occasion de vous dire oralement ma souffrance due au sous-emploi auquel nous avons été affrontés au cours de cette année. […] Cette situation, comparée à celle que j'ai momentanément laissée en Egypte, m'a amené à demander à mes supérieurs de me permettre de repartir en mission dès le mois de septembre prochain." (11/04/77 au directeur des OPM)
Finalement, en 1978, après deux ans à Chaponost, le Conseil le remet à la disposition de l'Eglise d'Égypte en le remerciant bien sûr du travail accompli. Il répond : "Merci des fleurs que vous avez cru bon de me faire parvenir ! Vous savez que je ne me donne pas à moitié, c'est là sans doute mon plus grand défaut. L'animation missionnaire m'a beaucoup apporté ; c'est une occupation merveilleuse pour un père empêché de repartir et qui croit à la Mission." (26/04/77/) Il est nommé curé de Zeitoun. La même année, la région sma Égypte est supprimée. Après consultation, Jean Lebrun est nommé supérieur des confrères sma résidant en Egypte. Le Conseil provincial lui demande alors de résider dans l'ancienne maison régionale de Sakakini pour pouvoir mieux accueillir les confrères, et en particulier ceux qui auraient besoin de se reposer. A partir de 1983, on l'appellera supérieur de zone ; c'est la même année qu'il est nommé curé de Choubra où il va rester jusqu'à son départ définitif en 1999 : 16 ans !
Avant une visite du provincial en Egypte, il écrit : "Viens ici un peu comme si tu allais dans une succursale de Montferrier, ou son antichambre. Si tu as quelques minutes à perdre, relis la convention établie entre la SMA et le vicariat apostolique : depuis 18 ans que je suis aux commandes, rien n'a changé ! En plus, il y a le stage, c'est tout." (15/02/96). En 1999, il est assez sage pour écouter la voix de ses confrères qui lui disent qu'il est temps pour lui de rentrer définitivement. Il avoue d'ailleurs que sa "santé est délabrée." En avril 1999, il écrit au Conseil : "Je m'en remets aux décisions du Conseil provincial. […] J'aurais la sagesse de me laisser guider." Il rejoint alors la maison de Montferrier.
Après quelques années, sa santé décline rapidement : il parle difficilement, il marche avec peine ; il est un peu perdu dans ses idées ; de plus, il a des problèmes aux yeux, ce qui l'empêche pratiquement de lire : il peut cependant encore regarder la télé. En 2003 ou 2004, on a même cru à une issue fatale assez rapprochée. Et puis, un matin, allez savoir pourquoi, il retrouve sa tête, il se lève, s'étonne de tenir debout et de pouvoir marcher. Lui que l'on croyait perdu, le voilà reparti pour une bonne prolongation de son séjour à la maison de retraite, et cela va durer plusieurs années. Il est heureux d'avoir retrouvé la santé, mais ne garde pratiquement aucun souvenir de sa période difficile. "J'étais dans un coma éveillé", dit-il. Il envisage même d'aller en famille célébrer une fête. C'est comme une rémission de quelques années qui lui a été accordée. Puis, de nouveau, il va décliner. Il reste assez lucide, mais il a beaucoup de peine à tenir debout, ses jambes faiblissent, il marche avec un déambulateur et avec l'aide d'un kiné ; son élocution devient difficile, on ne comprend pas ce qu'il veut dire ; il reste une grande partie de la journée sur un fauteuil aménagé pour lui.
Il décède le 19 juin 2013. C'est le père Farid Ibrahim, sma égyptien, présent en France à l'occasion de l'Assemblée provinciale de la SMA, qui va à Montferrier présider les funérailles de notre confrère. Il termine son homélie par ces mots : "Mon cher Abouna Lebrun, nous ne t'oublierons pas ; sois heureux parmi les saints du ciel ; réjouis-toi du Royaume qui t'a été préparé. Et ne nous oublie pas dans tes prières en face du Seigneur."
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