Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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Le Père Yves LAGOUTTE né le 20 juillet 1920 à Éréac (Côtes d'Armor) dans le diocèse de Saint-Brieuc (France) membre de la SMA le 10 août 1942 prêtre le 24 février 1947 décédé le 23 décembre 2010 |
1947 Baudonne, professeur
1948-1949 Bayonne, le Rozay, hôpital, repos |
Le père Yves LAGOUTTE (1920 - 2010)
Yves Lagoutte est né le 20 juillet 1920 à Éréac, au cœur de la Bretagne :Yves, d'ailleurs, est un prénom courant en Bretagne. Sa maman est la sœur du père Jean-Marie Bedel, l'un des pionniers sma de la mission en Côte d'Ivoire. On comprend dès lors que le neveu, encore enfant, après une année passée au petit séminaire du diocèse, à Quintin (1932-1933), ait rapidement tourné ses regards vers l'Afrique, comme le tonton. Il entre à Pont-Rousseau en 1933 et en sortira bachelier en 1940. Le voilà maintenant au noviciat à Martigné-Ferchaud pour deux ans qu'il termine par son premier serment temporaire. En 1942, il commence son grand séminaire à Lyon. Mais c'est la guerre, l'occupation et la réquisition des jeunes pour aller travailler en Allemagne dans les usines : une loi du 16 février 1943 impose le Service du Travail Obligatoire (STO), et tous les jeunes âgés de 20 à 22 ans peuvent être envoyés de force en Allemagne. Yves a 22 ans et il doit passer une année complète en Allemagne, sans que l'on sache exactement où il se trouvait.
Cette année de travail en Allemagne ne l'empêchera pas de faire, à la fin de la guerre, six mois de service militaire entre juillet 1945 et janvier 1946. Il est ordonné prêtre en février 1947, quelques mois avant la fin de son grand séminaire et, en juin, reçoit sa première nomination: "Vous êtes désigné comme professeur dans notre maison de Baudonne." (24 juin 1947) Il doit écrire lui-même au supérieur de la maison, le père Castanchoa, pour savoir quel poste lui sera confié. Malheureusement, il a des problèmes pulmonaires, conséquence sans doute de son séjour en Allemagne. Un séjour au sanatorium le remet rapidement sur pied et il peut commencer à enseigner à Baudonne. Mais, en décembre de cette année, pendant une nuit, il fait deux hémoptysies (crachements de sang) successives avec forte température; il est alors hospitalisé à Bayonne: les deux poumons sont atteints et un pneumothorax est commencé le 31 décembre 1947. La nouvelle année débute dans de mauvaises conditions. Les docteurs ne sont pas très optimistes, mais pensent que le cas est récupérable et conseillent un séjour un peu prolongé dans un sanatorium.
A Thorenc, il se trouve avec deux confrères soignés pour le même mal que lui, les pères Erhel et Gougeon. En octobre 1948, il peut quitter le sana, mais comme il a encore besoin de repos, il est nommé au Rozay où il va rester un peu moins d'une année. Le docteur qui le suit à Lyon lui délivre la note suivante en juillet 1949 : "Son séjour aux colonies peut être envisagé sans crainte, mais il devra ne pas rester sur la côte, ne pas se livrer habituellement à l'enseignement, observer 8 h de lit et 2 h de repos après midi." En attendant que sa santé se rétablisse complètement, il conseille un "ministère actif de campagne". C'est pourquoi il est d'abord envoyé à Ave, en Belgique, puis à Martigné-Ferchaud (1950-1952) et, aux deux endroits, avec les mêmes consignes: d'abord repos puis quelques cours à donner. Il peut écrire au Conseil provincial en avril 1952: "Mon pneumo sera abandonné le mois prochain. Le docteur estime que ma guérison est totale et ne voit aucun inconvénient à ce que je parte en mission." Il est alors mis à la disposition de Mgr Faroud pour la préfecture de Parakou: "Le climat de cette mission a réussi au père Cuq; nous espérons que votre santé s'y maintiendra si vous n'en abusez pas." (lettre du Conseil le 1er août 1952) L'ancien malade va rester 33 ans au Bénin, sans interruption.
Kandi, Malanville, Parakou, Tchaourou, autant de noms qui évoquent la mission du Nord Dahomey qui devient Bénin en 1975, avec tout ce que l'on peut imaginer de difficultés, de peines, de sacrifices, mais aussi de joies et de satisfactions pour un apôtre de l'Evangile. Dans ces stations du nord, créées le plus souvent de fraîche date, il faut tout organiser, il faut défricher, il faut bâtir, il faut être partout à la fois et, le plus souvent les pères sont seuls. Parakou a été fondée en 1944 et Tchaourou en 1951. On peut dire qu'à l'époque du père Lagoutte, c'est encore le temps des pionniers: les mots électricité, frigidaire, voiture, routes carrossables étaient inconnus. Et puis, il y a l'obstacle de la langue. Malheureusement pour lui, pourrait-on dire, la majorité des gens qu'il fréquentait venaient du sud, et rien ne l'encourageait à apprendre la langue locale. De plus, aux enfants de l'école, il était interdit de parler dans leur langue, afin de mieux s'habituer au français. Il a toujours regretté de ne pas s'être trouvé dans les meilleures conditions pour connaître le peuple bariba, ses coutumes et sa langue.
De belle carrure, d'un extérieur froid, presque sévère, très méticuleux dans son travail, discret, il savait être très accueillant pour les confrères qui le visitaient, même si ses moyens matériels étaient assez limités: il vivait pauvrement. Une de ses priorités de départ fut le développement des écoles primaires. Même dans de tout petits villages, il a créé ce qu'on appelait alors des écoles catéchétiques, écoles non officielles qui permettaient à des enfants issus de villages dépourvus d'une école officielle d'acquérir en deux ou trois ans quelques rudiments de connaissances leur ouvrant l'entrée de l'école catholique du centre. Là, au centre, à Kandi, comme à Malanville ou à Gogonou, il a ouvert un internat où les enfants des villages reculés recevaient logement et accompagnement, pour pouvoir aller à l'école de la mission.
Même si l'école lui prenait une grande partie de son temps, il ne négligeait pas ses obligations pastorales de responsable de la mission: la catéchèse des enfants, surtout des enfants de fonctionnaires venus du sud, les liturgies du dimanche, la légion de Marie, la visite des villages. Pour visiter les villages de Kandi, il a eu la chance d'être secondé par deux excellents vicaires, très dynamiques, le frère Jean Potiron, dont le décès en 1972 l'affectera profondément et le père Henri Bigeon. La construction de l'église de Kandi et sa bénédiction par Mgr Gantin, alors archevêque de Cotonou, et Mgr Chopard, préfet apostolique de Parakou, témoignent encore aujourd'hui de l'engagement du père pour le développement de la région.
En 1977, après 25 années passées comme curé de paroisse, le voilà maintenant nommé à la procure de Parakou. Apparemment, dans cette fonction, il n'est pas à son affaire, car dès l'année suivante, pendant son congé, il fait part au Conseil de son hésitation à retourner au Bénin: il s'ennuie à la procure. Il est alors nommé, en 1979, responsable de la paroisse de Tchaourou, d'où il peut écrire dès son arrivée: ""Oui, je suis heureux à Tchaourou, heureux surtout d'avoir quitté cette procure de Parakou où je m'ennuyais. […] Le secteur de Tchaourou compte beaucoup de baptisés, environ 3000. Certains villages sont entièrement chrétiens. Mais toutes ces communautés manquent de leaders. […] Les jeunes sur qui on pourrait compter ne restent pas sur place. […] Ce sont des communautés de vieux et d'enfants." (le 07/06/1979)
Déjà en 1984, il est contacté par le Conseil provincial pour un poste en France, mais, sur la demande de son évêque, pour qu'il ait le temps de trouver un remplaçant pour Tchaourou, il obtient de rester un an de plus. Il est nommé à la procure de Chaponost: "C'est loin de la Bretagne; je n'y ai aucune connaissance, la ville est éloignée et difficile d'accès; on risque de s'enfermer et de vivre sans aucun contact avec l'extérieur. D'où les réticences. […] Ceci dit, j'accepte votre proposition." (05/02/1985) L'argument principal de la Province était que le père Audrain était seul à la procure de Chaponost et que, commençant à prendre de l'âge, il ne demandait pas mieux que d'avoir à ses côtés un homme solide. Les débuts sont un peu difficiles, aussi, lorsqu'il entend parler de Menton, il écrit qu'il est volontaire et prêt à y partir immédiatement. Pourtant, il va rester à Chaponost jusqu'en 1994.
En effet, c'est l'époque où la maison va changer d'orientation; il s'agit d'en faire maintenant une maison d'animation missionnaire et c'est lui qui est choisi comme supérieur de cette maison pour en préparer la "nouvelle formule" pourrait-on dire. Le Conseil ne craint pas d'écrire dans sa lettre de nomination: "Le supérieur de cette nouvelle communauté doit être un homme de relations faciles, riche d'une longue expérience pastorale, convaincu de l'urgence de l'appel à la mission, solide de santé et accueillant au travail d'équipe, tout en sachant donner l'impulsion permanente et nécessaire à l'édification d'une communauté fraternelle et évangélique." (18/04/86) Il est nommé pour 4 ans. De plus, avec le départ du père Audrain, c'est lui qui est nommé responsable de la procure à la fin de l'année 1986.
Les problèmes financiers sont une part importante de ses préoccupations: il voudrait réduire les dépenses de la maison: les confrères ne sont pas toujours d'accord. Mais il est très strict avec lui-même. Invité par le père Erhel au Bénin pour fêter les cinquante ans de la mission de Kandi, malgré toute l'envie qu'il avait de revoir la mission, il préfère envoyer sa quote-part pour la fête, mais décline l'invitation à cause des frais du voyage: "A-t-on le droit de dépenser autant en si peu de temps devant des gens ayant à peine de quoi vivre?" En 1990, il est reconduit pour trois ans comme supérieur de la maison, puis encore pour une année en 1993. A cette date, il reste seul dans la maison: pour tout ce qui regarde les transformations matérielles à faire dans la maison, les décisions sont prises au niveau du Conseil provincial, mais c'est lui qui est chargé de suivre les travaux, de rester en contact avec tous les ouvriers sur place, de préparer le déménagement de la procure, des problèmes à régler avec le personnel de la maison, etc., tout cela, sous la direction du père Michel Loiret, membre du Conseil.
Au cours de son congé en Bretagne pendant l'été 1983, il prend contact avec l'évêque de Saint-Brieuc et Tréguier pour préparer son avenir. C'est ainsi qu'au début de 1994 il devient aumônier d'une communauté de religieuses à Boquem. Il est bien seul dans ce coin de Bretagne, mais la famille et les amis ne sont pas trop loin, heureusement. Il s'insère dans la pastorale du secteur, s'occupe de plusieurs groupes de Vie Montante et aussi, il "assure le service dominical dans une paroisse et quelques autres service à la carte." (12/02/95). En 1999, il trouve une place chez les Filles de Sainte Marie de la Présentation, à Broons. "Les sœurs m'ont accueilli avec tout leur cœur." Il se rapproche ainsi de son village natal. Il s'agit d'une maison de retraite pour personnes âgées et s'il assure une messe quotidienne pour ceux qui le désirent, il est là à titre de résident; il n'est pas l'aumônier de la maison
Son cœur n'a pas oublié les années passées en Afrique et la mission universelle de l'Eglise est toujours au centre de ses pensées et de sa prière. Il est encore resté curieux de ce qui se passe dans la Province et il recherche les nouvelles du Nord Bénin. Régulièrement, il écrit chaque année au Conseil provincial pour le remercier des vœux de fête pour la Saint Yves, le 19 mai. Bien sûr, le poids des ans devient de plus en plus lourd ; pourtant sa santé ne pose pas trop de problèmes jusqu'en septembre 2010. Un AVC l'oblige à un séjour à l'hôpital de Dinan. Il semble s'en remettre à peu près et on envisage son retour à Broons. La veille du jour prévu, les problèmes vasculaires s'aggravent subitement. On le garde à l'hôpital et c'est là qu'il décède deux jours avant Noël: il avait dépassé les 90 ans. Selon son désir, la messe de funérailles et l'inhumation ont eu lieu dans son village natal. Les confrères de la région nantaise se sont déplacés nombreux pour l'accompagner à sa dernière demeure.
Il est né à Éréac dans les Côtes du Nord; il repose désormais à Éréac dans les Côtes d'Armor aux côtés de ses parents et de son frère.
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