Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
![]() |
né le 6 mars 1907 à Flexbourg dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 27 juillet 1927 prêtre le 3 janvier 1932 décédé le 23 juillet 1983 |
1931-1936 Lyon, licence en théologie, puis décédé à Sélestat, France, le 23 juillet 1983, |
Le père Joseph Arthur ESCHLIMANN (1907 - 1983)
Joseph Arthur Eschlimann est né le 6 mars 1907 à Flexbourg, paroisse du diocèse de Strasbourg, placée sous le patronage de saint Hippolyte. Il est mort âgé de 76 ans, à l’hôpital de Sélestat, le 23 juillet 1983.
Voici, précisées par leurs dates, quelles furent les principales étapes de sa vie. Il entra à l’école apostolique de Saint-Pierre le 5 octobre 1920, fit ses études secondaires à Saint-Pierre en 1920-1921 et à Bischwiller de 1921 à 1925. De 1925 à 1927 il est à Chanly pour le noviciat et l’étude de la philosophie scolastique. Il fait le serment s.m.a. le 27 juillet 1927. Il est au grand séminaire à Lyon de 1927 à 1932, sauf pour l’année scolaire 1928-1929, pendant laquelle il est mis à la disposition de l’établissement de Haguenau et s’y prépare au baccalauréat, tout en donnant quelques classes d’arithmétique. Il est ordonné prêtre à Lyon par Mgr Moury le 3 janvier 1932.
De 1931 à 1934, il est étudiant aux Facultés catholiques de Lyon et obtient le doctorat en théologie. Il poursuit ses études, de 1934 à 1936, à Rome, à l’Institut Biblique, qu’il quitte avec la Licence en Écriture Sainte.
En 1936, la Province de l’Est ouvre son grand séminaire à Saint-Pierre. Le Père Eschlimann y devient professeur d’Écriture Sainte et d’Histoire de l’Église. En 1938-1939, il est à l’École Biblique française de Jérusalem. En 1939, à cause de la guerre, le séminaire de Saint-Pierre est fermé ; le Père est au Rozay, où se trouvent les novices, et il enseigne l’Écriture Sainte et l’Histoire de l’Église au séminaire de Lyon. Il rentre en Alsace en 1940 et il enseigne à Saint-Pierre l’Écriture Sainte, l’Histoire de l’Église et l’Histoire de la Philosophie, cela jusqu’en 1943, c’est-à-dire tant qu’il reste au séminaire quelques séminaristes qui ne soient pas mobilisés pour la guerre. De 1943 à 1945, il est aumônier au Couvent des Sœurs de la Divine Providence de Saint-Jean-de-Bassel et en même temps administrateur de la paroisse. Il retourne au séminaire de Lyon en 1946 ; il y est directeur spirituel et enseigne l’Écriture Sainte.
En 1952, l’assemblée provinciale l’élit conseiller provincial. Il devient supérieur du petit séminaire de Haguenau et professeur de philosophie. En 1954, la Province de l’Est ouvre un séminaire de philosophie au Zinswald ; le Père Eschlimann en est le supérieur et y enseigne la philosophie. Ce séminaire est fermé en 1958 ; le Père retourne pour une année au séminaire de Lyon et y enseigne l’Écriture Sainte, l’Histoire de l’Église et la Liturgie.
En 1959, la Province de l’Est ouvre de nouveau son séminaire à Saint-Pierre. Le Père est à Saint-Pierre de 1959 à 1969, il enseigne l’Écriture Sainte et l’Histoire de l’Église. En 1968, les séminaristes viennent suivre les cours à la Faculté catholique de Strasbourg et ils quittent définitivement Saint-Pierre en 1969. Le Père Eschlimann est d’abord, pendant l’année 1969-1970, aumônier au Collège Saint-Joseph des Frères de Matzenheim. Puis en 1970, il vient résider à la maison de Haguenau et, jusqu’en 1981, il est le responsable de la pastorale pour le Quartier Missions Africaines de la paroisse Saint-Georges de Haguenau. En 1981, il se retire à la maison de retraite de Saint-Pierre.
Le Père Joseph-Arthur Eschlimann fut un excellent professeur dans les séminaires. Il fut aussi, abondamment, auteur de conférences sur des sujets bibliques, prédicateur de retraites et de récollections pour prêtres et religieuses, directeur d’âme, pasteur dans les paroisses et les couvents. Avec quelle compétence, avec quel zèle il accomplit toute cette œuvre spirituelle, le Père Jean-Marie Guillaume le fit bien justement ressortir dans l’homélie prononcée lors des obsèques, qui furent célébrées à Saint-Pierre le 27 juillet 1983. Dans toute son activité, le Père Eschlimann n’avait eu pour but que de faire connaître la Parole de Dieu dans les Écritures, que de faire connaître et aimer Jésus-Christ. Et vraiment le Père Guillaume pouvait dire : Le Père Eschlimann était un saint, passionné de Jésus-Christ et de sa Parole...
On pourra lire le texte, bien vivant et circonstancié, de l’homélie du Père Jean-Marie Guillaume dans le Ralliement n° 4 de 1983, aux pages 12 à 16. Une traduction en langue allemande paru dans Terre d’Afrique-Messager, en janvier-février 1984, pages 5 et suivantes.
Pour son doctorat de Théologie, le Père Eschlimann avait présenté une thèse sur La Prière dans saint Paul. Elle a été publiée à Lyon, 1934, 160 pages. Il semble que les professeurs de la Faculté de Théologie auraient aimé que le Père explore un autre sujet. Lui-même se rendait bien compte que pour un commençant, c’était une entreprise téméraire d’aborder l’étude de saint Paul. Cependant, cédant à la fascination d’un sujet qui l’intéressait, il n’hésita pas à consacrer son travail à l’étude de la prière paulinienne.
Après avoir donc esquissé les traits essentiels de la prière juive et de la prière païenne dans le monde gréco-romain (milieu historique de la prière paulinienne), il en vient à la prière de saint Paul, qui est l’épanouissement de la prière enseignée par le Christ. Il en dégage les caractères généraux, puis les formes particulières qu’elle prend dans la demande, dans la louange de Dieu, dans l’action de grâces, et enfin il montre la relation de la prière paulinienne avec le Christ, le rôle du Christ dans la prière de saint Paul. L’examen réfléchi des épîtres permet de dire que la prière de l’apôtre est la source de sa prodigieuse activité. Elle est aussi le modèle de toute prière chrétienne. Et c’est pourquoi le Père écrit en conclusion : Saint Paul, héros de la prière, en est aussi le maître. Par un geste symbolique, le Christ lui-même nous envoie à cette école : va trouver Paul, car, voici, il prie ! (Act., 9, 11).
En dehors de cette thèse, le Père Eschlimann n’a rien publié, sauf un article sur La rédaction des Épîtres pauliniennes, paru dans la Revue Biblique en 1946. Sans doute lui-même aimait grandement les livres et les revues, il lisait beaucoup, il étudiait sans cesse. Il se faisait aussi un plaisir des loisirs du dimanche soir, où il pourrait lire quelques pages d’un beau livre. Mais la tâche à laquelle il se donna de toutes ses forces ce ne fut pas la publication de livres ou d’articles, ce fut la communication orale. Il préparait soigneusement par écrit ses cours, ses conférences, ses homélies. Mais c’est la parole, qu’il a mise au service de la gloire divine et de la conversion des cœurs, une parole toute pénétrée d’intériorité, d’une conviction personnelle profonde, d’une charité communicative.
Il a tout de même volontiers, par manière de charité fraternelle, pendant plusieurs années, écrit les textes des premières pages de notre revue Ralliement. L’ensemble de ces textes ferait un excellent recueil. Mais ils ne sont plus guère accessibles que dans quelque collection d’archives.
À titre d’exemple, il ne sera pas inutile de donner ici des extraits d’un de ces articles. On prendra celui qu’il présenta pour la fête de la Toussaint 1963 et qu’il intitula Sainteté d’aujourd’hui. (Ralliement, n° 35).
Dans cet article, le Père rappelle d’abord qu’il y a un aspect fondamental commun à toute sainteté authentique : c’est qu’elle est une participation à la charité du Christ... Nous recevons tout de lui. À chaque instant notre vie surnaturelle ou spirituelle et son épanouissement, la charité, sont un don du Christ. Il y a donc une condition primordiale de toute sainteté. Ce sera de demeurer sous la dépendance du Christ dans l’obéissance à son Esprit d’amour. Cette condition est permanente et ne change pas selon les époques.
Pourtant chaque époque a ses caractéristiques et le style de sainteté ne peut manquer d’en être lui aussi marqué. On peut ainsi discerner trois tendances du monde moderne, qui influenceront spécialement le saint moderne : le monde de notre temps se dilate immensément dans toutes les dimensions, il a pris conscience que les problèmes doivent être envisagés à l’échelle de l’univers. Il comprend aussi, de plus en plus, que l’humanité est une et que les hommes doivent s’unir dans une seule communauté humaine. Enfin, troisième caractère, le monde moderne est démocratique. Chacun de ces trois caractères a une influence sur le style de sainteté.
Voici les réflexions du Père sur les correspondances du troisième caractère du monde moderne et de la sainteté de notre temps : la sainteté moderne aura aussi pour caractéristique une certaine démocratisation. Nous ne sommes plus guère sensibles, écrit le Père, aux titres et aux costumes des dignitaires ecclésiastiques, mais à leur bonté. Nous ne sommes plus émerveillés par les performances ascétiques des Pères du désert, mais par la charité de M. Vincent. Le saint moderne aspire à une spiritualité simplifiée, à la portée de tous. Ce n’est pas seulement le costume religieux qu’il veut simplifier, c’est la religion ou la spiritualité même. L’ascèse tend à se confondre avec la pratique fidèle et amoureuse du devoir d’état. La mystique cherche la rencontre avec Dieu, non dans l’extase, mais dans l’obéissance aux indications providentielles du moment présent, spécialement dans l’acte de charité qui s’impose hic et nunc.
En cela le saint moderne tient compte même du matérialisme de ses contemporains. Il sait que la gloire de Dieu, "c’est que les hommes vivent" (Saint Irénée). Il professe un grand respect pour le corps, pour l’hygiène et pour le sport. Il participe volontiers aux campagnes d’aide aux pays sous-développés et de la lutte contre la faim dans le monde ; il concentre l’effort de carême de son entourage sur quelque micro-réalisation pratique. C’est ainsi qu’il veut incarner le message chrétien dans quelque témoignage concret. Il ne veut pas fuir le monde, mais s’y engager, afin de le rendre plus humain. Il y aurait mille applications à faire de cette démocratisation de la sainteté moderne, depuis le plus humble service rendu à la communauté, jusqu’à l’indispensable dialogue avec les supérieurs ou les inférieurs pour moderniser l’obéissance, depuis la suppression des faux ors de nos autels jusqu’à la réalisation d’un vrai signe de croix, qui veut signifier quelque chose. En tout, le saint moderne vise la simplicité et la vérité de l’Évangile.
Ainsi, dans la pensée du Père Eschlimann, la sainteté moderne comporte, en ses caractéristiques, des aspects bien positifs. Cependant, le Père revient encore, en conclusion, et pour y insister, sur sa constatation première. Quel que soit, écrit-il, le caractère démocratique, engagé, œcuménique et optimiste de la sainteté moderne, il faut toujours revenir à ce qui reste primordial pour toute sainteté authentique : la conformité au Christ. Or, en même temps que l’amour le plus pratique à l’égard du prochain, le Christ n’a cessé de prêcher aussi la nécessité d’un certain renoncement au monde et à soi-même, la nécessité d’une fuite du monde et d’une mort à soi.
C’est que d’une part, le salut définitif de l’homme et sa sainteté sont d’ordre surnaturel, éternel, et que, d’autre part, ce monde que nous voudrions pouvoir aimer sans arrière-pensée, est profondément déséquilibré par le péché et influencé par les esprits du mal. Et ce que nous disons du monde est d’abord vrai de chacun de nous.
C’est pourquoi les hommes d’aujourd’hui comme ceux d’hier et de demain ne peuvent parvenir à la sainteté et au salut qu’en passant par le chemin à sens unique que le Christ nous a tracé : le chemin de la croix. Si tant de nos contemporains ont fait des rêves de sainteté moderne, pour aboutir à un échec aussi rapide que lamentable, c’est qu’ils ont méconnu ces conditions élémentaires de toute sainteté : le renoncement et le dépassement, l’humble recours à la prière et aux sacrements. Faisons confiance à l’Esprit sanctificateur que le Christ nous donne pour nous rendre capables de "juger le monde". Il nous apprendra à aimer et à faire aboutir les aspirations profondes de notre temps, mais aussi à rejeter ce qu’il y a de mauvais et de démoniaque dans l’esprit du monde. Cela n’ira pas sans dépassement et un crucifiement continuel de nos propres désirs. C’est par la croix qu’il faut sauver le monde et se sanctifier soi-même, aujourd’hui comme hier. C’est la sainteté de toujours. Armons-nous de courage, le courage de l’amour et le courage des saints. Quod isti et istae, cur non ego ?
Ces quelques extraits sont loin de refléter toute la richesse et la variété de ces textes. Il les faudrait citer tous. Lisons du moins encore, pour terminer, un court passage de l’article sur la parabole du Semeur (Ralliement n° 29, février 1963).
La première qualité que Dieu désire trouver en nous, c’est une certaine disposition d’accueil, l’éveil à sa venue et l’attention à sa présence, un cœur ouvert et spontanément accueillant pour tous ses désirs de père et d’ami, une attitude habituelle d’oblation de nous-mêmes qui nous porte au-devant du Semeur divin. Mais lorsque le Seigneur a fécondé notre esprit par la semence de sa grâce, il faut - à l’exemple de sa bienheureuse Mère - retenir et savourer en notre cœur "omnia verba haec", à l’exclusion de beaucoup d’autres. Saint Jean de la Croix nous parle d’une indispensable purification de la mémoire. Nous avons tort de retenir et de ruminer en notre esprit mille pensées ou souvenirs inutiles, mille préoccupations nuisibles, égoïstes et mondaines, qui étouffent la pensée de Dieu, le souvenir de sa présence. Le moyen par excellence pour progresser dans la vie spirituelle, n’est-ce pas le souvenir habituel de la présence divine et l’attention affectueuse à ses désirs ? Pour y réussir, il suffit d’un peu d’amour, car l’homme pense spontanément à ce qu’il aime...
Telles sont quelques-unes de pensées que le Père Eschlimann proposait à notre méditation. Peut-être, s’agissant ici d’une simple esquisse biographique, quelqu’un trouvera-t-il un peu longues les citations de textes déjà anciens ? Du moins ont-elles l’avantage de nous faire mieux connaître notre confrère et de nous montrer quelque chose de la qualité de son âme : ce qu’il disait pour le bien des autres, il était très attentif à le faire passer dans sa vie. Ces textes sont encore à notre mémoire le rappel agréable d’une voix amie et fraternelle, une voix qui nous invitait, avec saint Paul, à rechercher les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu, à penser aux choses d’en haut, non à celles qui sont sur la terre. Ainsi, au demeurant, notre bienveillant lecteur n’aura pas perdu son temps à la lecture de ces textes et je pense que, de surcroît, il y aura pris plaisir.
Recherchez .../ Search...