Société des Missions Africaines – Province de Strasbourg
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Le Père Édouard VONWYL né le 9 mars 1906 à Dietwil dans le diocèse de Bâle, Suisse membre de la SMA le 26 octobre 1929 prêtre le 3 juillet 1932 décédé le 29 décembre 1999 |
1932-1939 mission de Kouto et Sinématiali, Côte-d'Ivoire décédé à Saint-Pierre, France, le 29 décembre 1999, |
Le père Edouard VONWYL (1906 - 1999)
Messe des funérailles le 30 décembre 1999
Le Père Edouard VONWYL nous a quittés en pleine période de Noël, au soir de la fête de la Sainte Famille. Pour cette liturgie nous avons repris deux lectures du temps de Noël : la première lecture du 27 décembre, fête de saint Jean l’Apôtre et l’évangile de la fête de la Sainte Famille.
Cet évangile met en scène deux personnages très anciens qui pourraient bien décrire l’image ultime de qu’était pour nous le Père VONWYL. La prophétesse Anne, qui avait atteint l’âge de quatre vingt quatre ans, ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Tel était le Père Vonwyl, passant les dernières années de sa vie dans la fidélité et la prière. Il y a trois ou quatre ans lors d’une célébration ici à St Pierre, le Père Vonwyl, souffrant, n’était pas descendu au repas. Je suis allé le saluer avant de partir. Il m’attendait, et m’a demandé de le bénir. Sa foi et sa simplicité m’ont alors très impressionné… heureusement que c’est Dieu qui bénit. Depuis ce jour lorsque j’allais le voir nous avions un moment de prière qui se terminait par la bénédiction du Seigneur.
Quant à Syméon, il était probablement si vieux que Saint Luc ne mentionne pas son âge. Cependant je me demande s’il avait atteint l’âge du Père Vonwyl, 93 ans. Je me demande aussi s’il avait servi dans le temple aussi longtemps que le Père Vonwyl avait servi la Société des Missions Africaines. Le jour où il est décédé, ce dimanche 26, il y avait exactement 70 ans et deux mois qu’il avait été admis dans la SMA par le premier serment. Tel le vieillard Syméon, le Père Vonwyl «était un homme juste et religieux qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était en lui ». Comme St Jean il a passé ses nombreuses années à contempler la vie qui s’est manifestée en Jésus-Christ, il a passé toute sa vie à annoncer ce qu’il avait découvert et entendu, ce qu’il avait touché en Afrique et en Suisse, du Verbe, la Parole de vie… Le salut, communiqué en Jésus Christ, il l’a annoncé « aux nations païennes… ».
Edouard Vonwyl a fait ses études secondaires au Kollegium « Maria Hilf », à Schwyz, à une quarantaine de km de son village. C’était un collège tenu par les capucins. Au moment où le jeune Edouard s’apprêtait à entrer aux Missions Africaines, le préfet du collège donne sa recommandation sur le candidat Sma, recommandation qui aurait pu le définir pour toute sa vie :
« Au nom du Monsieur le Recteur de notre collège je constate :
1/ Que la conduite de Monsieur Edouard Vonwyl a toujours été exemplaire,
2/ Que ses principes religieux sont solides, car depuis bien des années il va presque tous les jours à la table sainte,
3/ Qu’il est en classe plutôt faible que fort au moins pour certaines branches mais il sera capable pour l’étude de la théologie ainsi que plus tard pour le ministère,
4/ Qu’il a bon caractère, qu’il est soumis, modeste, charitable ; aussi est-il aimé de ses camarades. La santé est assez bonne ; il a fait toutes les promenades sans exception, et n’a jamais été malade… Notre année scolaire finira le 14 Juillet. Dès lors il serait à votre disposition ». C’était le 28 février 1928.
Edouard Vonwyl s’embarque le 27 septembre 1932 pour ce qu’on appelait autrefois la Haute Côte d’Ivoire. Il y restera 33 ans, seulement en deux postes, Kouto et Ferkéssédougou. Lorsqu’il arrive à Kouto, à 180 km au nord est de Korhogo, la mission n’existait que depuis cinq ans. Comme le Père Vion, le fondateur était en congé, c’est Mgr Diss lui-même qui l’accompagne et reste avec lui pendant quelques mois. Ainsi le Père Vonwyl entre dans la lignée des grands pionniers du nord, les Pères Vion, Bonhomme, Wolff, Diss, Wach et autres… Avec eux c’est en effet une page passionnante et émouvante de l’histoire missionnaire du nord de la Côte d’Ivoire qui s’inscrit. Dotés d’une foi plus forte que la foi à transporter les montagnes, celle qui les poussaient à courir les villages à pied, ou à vélo, à construire églises, chapelles et écoles. Ne craignant ni la fatigue, ni la maladie, leurs méthodes montrent qu’ils étaient des visionnaires : engagement de catéchistes aux frais de la mission, écoles, recherche de vocations, appel aux religieuses, artisanat et ateliers locaux, multiplication des stations secondaires, ouverture de dispensaires… Dès le début fut fondé ce que le père Vion appelle « un village de liberté », lieu où se fixent les chrétiens qui souhaitent vivre près de l’église pour se mettre à l’abri des coutumes païennes et profiter des retombées de la mission… Kouto fut tout de suite doté de cinq stations secondaires sur une distance de 75 kms. L’école dont la construction commença en 1927 put être ouverte à l’arrivée du Père Vonwyl, en novembre 1932 avec 85 élèves. « La plupart de ces enfants, écrivait plus tard Mgr Diss, viennent des villages éloignés du centre, de 12 à 40 à kms. Entre deux maux qui se présentaient, il a fallu choisir le moindre : garder ces enfants et les nourrir à nos frais, ou les renvoyer… ». Le père Vonwyl comme beaucoup de ses confrères apprend à construire… En 1936, l’église de Kouto, dédiée à Saint Michel, est bénie… rivalisant de longueur avec celle de Katiola, un peu plus humble sur le plan largeur, l’église de Katiola, inaugurée le 23 avril 1933, avait 60 m de long et 18 m 30 de large, c’était la plus vaste de toute la Côte d’Ivoire.
En 1939 le personnel est dispersé par la guerre. A son grand regret le Père Vonwyl est transféré pour quelques mois à Sinématiali et finalement à Ferkessédougou. Le 31 décembre 1939 (il y a 60 ans) il écrit « l’année 1939 nous a donné beaucoup de surprises à moi aussi. Il y a un an nous avons fêté la grande fête de Noël à Kouto, Mgr Diss, le Père Quickert et moi. Aujourd’hui tous les trois sommes loin de Kouto. Je regrette beaucoup Kouto et je prie Dieu tous les jours pour retourner de nouveau un jour dans la chère mission de Kouto. Malgré toutes les difficultés on s’attache à sa première station ». Il est nommé comme il le dit lui-même « pro-pro visiteur », « c’est vraiment un peu beaucoup pour un simple vicaire de la brousse ». Il sera confirmé comme véritable visiteur en 1942. Il prend cependant sa charge avec foi et s’inquiète de l’état de la mission dans cette grande préfecture de Korhogo, qui aujourd’hui est divisé en quatre diocèses. Il n’y a plus qu’un confrère par station. Dès la guerre terminée il insiste pour avoir du renfort : « Si nous voulons tenir le coup et ne pas fermer de stations », écrit-il au Provincial le 30 mai 1945, le Père Kern, « il nous faudrait au moins cinq confrères. Vous comprenez qu’il est pénible pour un confrère resté seul pendant des années dans une station de brousse qui a fait tant de sacrifices pour que la station ne soit pas fermée et qui voit maintenant à la fin de la guerre que tous ses sacrifices et ses privations ont été vaines. Laissez une station fermée pendant 6 mois ou un an. Il sera plus difficile de recommencer le travail dans cette station que d’en fonder une nouvelle. Je vous prie de nous envoyer du renfort. Je vous prie au nom de tous ces confrères qui ont peiné pendant la durée de la guerre, je vous prie au nom de ces chrétiens et catéchumènes qui sont en danger, envoyez nous du renfort. La préfecture de Korhogo était par le passé si souvent oubliée quand il fallait des confrères que j’ose espérer être exaucé cette fois-ci… Comme vous le savez, je suis depuis 5 ans et demi à Ferkessé. J’ai quitté avec beaucoup de regret Kouto et j’espère toujours y retourner de nouveau. On ma confié l’héritage de Monseigneur Wolff. Je ne me sentais pas et je ne me sens pas encore aujourd’hui à la hauteur pour diriger cette station qui promet de devenir une des plus belles stations de la Préfecture. Je dois dire que Mgr Wolff nous a béni du haut du ciel. J’ai fait mon possible pour conserver l’œuvre de Mgr Wolff… Veuillez confier la charge de visiteur à un autre confrère ».
La charge de visiteur, il va la garder jusqu’en Septembre 1948. La charge de Ferké, il la gardera jusqu’en 1963. Non seulement il continuera mais amplifiera l’œuvre de Mgr. Wolff. Et beaucoup de confrères, dont les noms sont attachés à l’évangélisation de la Haute Côte d’Ivoire, viendront s’initier à l’apostolat à Ferké. Certains deviendront les compagnons du Père Vonwyl pendant de nombreuses années. Les méthodes utilisées naguère à Kouto sont reprises à Ferké : constitution du village de liberté, insistance sur les catéchistes, les écoles, les stations secondaires. L’artisanat est développé afin de donner au nord la chance de garder ses fils et de maintenir dans la région les jeunes gens scolarisés, ce qui aiderait au fondement des familles chrétiennes. Plus tard viendra s’ajouter le soutien financier des œuvres chrétiennes et de la mission. Le père Vonwyl se fait de nouveau bâtisseur. L’église aux dimensions ambitieuses (50 m sur 16) avait été commencée en 1932. Chaque année on ne réalise que la part des travaux qui correspond à l’argent en caisse. Mgr Durrheimer, émerveillé par l’ardeur des travailleurs écrit en février 1948 : « La première fois que je me suis rendu en visite à Ferkessédougou, et que j’ai vu le chantier grouillant d’ouvriers, je me suis cru transporté à l’époque héroïque et pleine de foi du Moyen Age où tout un peuple aidait, avec amour et enthousiasme, à la construction de gigantesques cathédrales… ». Cette église n’a pas bien sûr le titre de cathédrale, mais elle en a la prestance… Finalement le 8 décembre 1954 a lieu la bénédiction de l’église ; la cérémonie, à laquelle participent trois ordinaires diocésains et Mgr Diss est grandiose. Mais le travail n’est pas terminé et Mgr Durrheimer d’ajouter encore la la création d’un cours normal à Ferké, qui deviendra ensuite le collège tenu par les Pères de Bétharram : « Pour économiser les fonds disponibles, ce sont les pères qui dirigent les travaux, conduits activement par les Pères Vonwyl et Paulus », lit-on dans une circulaire de Mgr Durrheimer.
Après tant d’activités à Ferké, le Père Vonwyl aura la joie de retrouver sa chère mission de Kouto en 1963. Mais il n’y restera que trois ans, la maladie l’obligeant à rentrer en Europe en mai 1965… Heureux au milieu des siens il continuera à servir comme vicaire pendant 23 ans dans son village natal de Dietwil. Il aimait y accueillir ses confrères, et sa maison était devenue terre d’accueil pour les vicaires généraux SMA qui revenaient de Rome vers leur province. Quelques mois après le décès de sa sœur Louise qu’il aimait beaucoup et avec laquelle il vivait, il est venu à Saint Pierre. Sans trop le forcer, ses amis de Dietwil ont réussi à le laisser rapatrier ses restes. Son inhumation à Dietwil, d’abord prévue pour mardi 4 janvier, a été repoussée au samedi 8 janvier afin de permettre à davantage de personnes de se rassembler pour l’action de grâce finale.
Au delà de toutes ses activités, de sa fidélité presque scrupuleuse à la prière et de son zèle apostolique, le Père Vonwyl semblait habité par une recherche continuelle de quelque chose de plus profond, par un désir continuel de partir ailleurs, de rencontrer l’inconnu, l’absolu. Lorsqu’il faisait ses études secondaires, il avait été conquis par la mission à la suite d’une exposition missionnaire. Le recteur du collège lui avait proposé d’entrer chez les capucins, dont il avait rencontré plusieurs venant d’Afrique. Suite à une lettre du Père Fust, il a rejoint les missions africaines qu’il ne connaissait pas du tout… Chargé de Ferké, visiteur SMA pour la préfecture du nord de Côte d’Ivoire, il était hanté par le désir de retrouver Kouto… Ici à Saint Pierre il disait souvent qu’il faisait du surplus, ayant depuis longtemps dépassé le laps de temps que lui avait donné son médecin lorsqu’il est rentré d’Afrique. Chaque fois qu’un confrère plus jeune que lui s’en allait pour son dernier voyage, il trouvait que c’était injuste, car c’était lui qui aurait dû partir… En apprenant la maladie du père Werlé qui devait le conduire à la mort il écrivait en décembre 1986 : « C’était un coup très dur pour moi d’apprendre que le Père Werlé est gravement malade. Dois-je accompagner tous les confrères de mon cours au dernier repos ! »
Finalement le Père Vonwyl, notre doyen, s’est endormi en paix, sans probablement savoir que la tempête du siècle venait de souffler sur la France. Décédé à la fin du 20° siècle, il sera inhumé dans sa terre natale, à l’aube du troisième millénaire.
Funérailles et enterrement à Dietwil (Suisse), Samedi 8 Janvier 2000
Ce sont des funérailles dignes et émouvantes que le curé, la parenté, et les gens de Dietwil ont organisé pour le Père Vonwyl, laissant percer tout l’attachement et la vénération qu’ils lui portaient. La grande et belle église baroque était remplie. La cérémonie, totalement en allemand, a duré presque 2 h 30. Le curé, le Père Konrad Brühwiler, membre de l’Institut missionnaire suisse des Pères de Béthléem, savait ce qu’était avoir vécu en Afrique puisqu’il a passé plus de 20 ans au Zimbabwé. Au moment du don de la paix, il a rappelé la coutume ramenée d’Afrique, que, lors des condoléances, on se tient la main pendant quelques instants en silence. En plus des six confrères des missions africaines qui avaient fait le déplacement, une douzaine de prêtres étaient présents, dont plusieurs originaires de Dietwill. Roger MORITZ, présidant l’Eucharistie, a donné une première homélie, c’est lui qui avait déjà partagé la parole lors du jubilé d’or de notre confrère en 1982. Deux prêtres originaires de Dietwil, les Pères Josef Stübi et Lorenz Gadient, ont pris le relais, voulant surtout mentionner le ministère du Père Vonwyl à Dietwill. Le Père Stübi cependant a fait largement référence à un journal de mission que le Père Vonwyl avait tenu à ses débuts à Kouto et Ferké. Finalement une petite nièce a donné son témoignage au nom de sa famille, laissant dans sa dernière phrase éclater toute son émotion et sa peine de savoir le grand oncle parti.
Lorsque le corps a été transporté sur la place attenante à l’église, c’est la fanfare du village qu’il l’a accueilli. Le cercueil a été ensuite amené sur le lieu de la sépulture, sous le porche de l’église, à côté des anciens curés. Le dernier chant, exécuté sans complexe et avec beaucoup de solennité, de nuances et de ferveur, fut celui du Salve Regina de Michael Haydn. L’accueil des parents et amis s’est ensuite concrétisé par une collation copieuse dans la grande salle communale.
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