Société des Missions Africaines – Province de Strasbourg
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né le 5 août 1907 à Théding dans le diocèse de Metz, France membre de la SMA le 28 juillet 1929 prêtre le 6 janvier 1934 décédé le 5 août 1972 |
1934-1935 propagandiste en Moselle décédé à Forbach, France, le 5 août 1972, |
Le père Jean DAUPHIN (1907 - 1972) (voir aussi le témoignage de Mgr Joseph Strebler)
Jean Dauphin est né le 5 août 1907 à Théding, village des environs de Forbach, au diocèse de Metz. Il était l’aîné d’une famille de cinq enfants. Ses parents étaient agriculteurs. Élève au Collège épiscopal et séminaire diocésain de Bitche, de 1920 à 1926, il termina ses études secondaires à l’école apostolique des Missions Africaines à Bischwiller en 1926-1927, fit ses études de philosophie et son temps de noviciat à Chanly en 1927-1929, et ses études théologiques au séminaire s.m.a. de Lyon, en 1930-1934. Il fut ordonné prêtre le 6 janvier 1934, à Lyon. Il était entré dans la s.m.a. par le serment le 28 juillet 1929. Il avait fait une année de service militaire à Strasbourg, en 1929-1930.
À sa sortie du séminaire, il fut d’abord nommé recruteur et propagandiste en Moselle, et c’est en exerçant ces fonctions d’animation missionnaire qu’il passa l’année scolaire 1934-1935, la maison de Vigneulles étant son point d’attache. Il obtint ensuite d’être envoyé en missions. Il faisait partie d’un groupe de dix-huit confrères qui s’embarquèrent à Marseille à l’automne 1935. Faisant escale à Freetown, ils allèrent se recueillir sur les tombes de nos premiers missionnaires. Puis à Port-Bouet, le 5 novembre, dix confrères débarquèrent pour gagner les missions de la Côte d’Ivoire. Les huit autres, parmi lesquels le Père Dauphin, continuant leur route, arrivèrent le 7 novembre 1935 à Lomé, terme de leur voyage.
Le Père Dauphin a noté avec émotion le chaleureux accueil qui fut réservé aux nouveaux arrivants. Plusieurs Pères vinrent les saluer à bord du navire. Puis, à terre, le Père Riebstein les attendait avec les 1 500 écoliers de la mission et une foule de gens qui manifestaient leur joie. Aux accents des instruments de musique et au son du tambour, on se dirigea vers la résidence des missionnaires. Là, Mgr Steinmetz, qui était alors à Lomé, accueillit les jeunes missionnaires en leur souhaitant la bienvenue. La bienvenue dans notre chère Afrique, écrit le Père Dauphin qui, selon ce qu’il ajoute, espérait bien maintenant se rendre digne de la faveur qui lui avait été faite d’avoir été envoyé en Afrique.
Les nouveaux missionnaires reçurent leurs affectations et gagnèrent leurs missions respectives. Le Père Dauphin, destiné à Bassari, dut rester quelques semaines à Lomé, attendant le supérieur de la mission, le Père Kennis, qui devait l’emmener avec lui au Nord Togo, dans le courant du mois de décembre.
Bassari (qui s’appellerait ultérieurement Bassar), était le centre d’un district missionnaire d’environ 6 000 km2. Le Père Kennis était venu s’y établir un peu plus de deux ans auparavant, le 31 mars 1933. Lorsque le Père Dauphin lui fut adjoint comme auxiliaire, c’était donc une mission commençante. Il y avait à peine une trentaine de chrétiens et une centaine de catéchumènes. Le travail n’allait pas manquer pour annoncer l’Évangile.
Le jeune vicaire se montra, dès le début, tel qu’il serait tout au long de sa carrière missionnaire, très dévoué au service des âmes, plein de zèle, d’une grande piété, travaillant inlassablement et se dépensant chaque jour avec une remarquable patience. Sous la direction du Père Kennis, il s’initie à la pastorale missionnaire. Il étudie la langue du pays, laquelle, avoue-t-il, lui paraît des plus compliquées. Mais il s’y fait peu à peu. Avec toutes gens, il entretient d’excellents rapports ; les chrétiens l’aiment. Il se plaît à merveille, dit-il, à Bassari. On est alors en train de construire une église et cela est un gros souci pour les missionnaires. Mais des centaines de personnes viennent assister à la messe le dimanche : une église est indispensable. Celle de Bassari fut terminée et inaugurée en juillet 1937. Elle mesurait 33 m de long sur 12 m de large. C’était la plus belle et la plus grande de tout le Nord Togo.
Le 18 mai 1937, le nord du Togo fut érigé en Préfecture Apostolique, par division du Vicariat Apostolique du Togo, et il devint la Préfecture Apostolique de Sokodé. La circonscription de Bassari en fit partie, avec, peu de temps après, le Père Dauphin comme supérieur. Le Père Kennis, en effet, au début de juillet, fut élu, par l’assemblée générale de la Société, conseiller du Supérieur Général et, comme tel, fut appelé à résider à Rome, à la maison généralice.
Pendant des années, le Père Dauphin allait être seul dans le grand district de Bassari, aidé cependant par le Préfet Apostolique, Mgr Strebler, qui vint souvent travailler avec son jeune confrère. Celui-ci lui en fut bien reconnaissant et, ainsi encouragé par le Chef de Mission, il avait la joie de voir la mission de Bassari se développer normalement. Lui-même n’épargnait pas sa peine, et très souvent à pied il visita le pays, de Bassari à Guérin-Kouka, de Kabou à Bangili. Longtemps plus tard, nous dit Mgr Strebler, les gens parlaient encore des randonnées pédestres que le Père Dauphin faisait, en prenant son temps, afin de pouvoir rencontrer ses ouailles et leur parler à l’aise.
Dans cet immense district, la station principale étant mise en bonne voie, il s’agit ensuite de s’occuper de la création et de l’équipement des stations secondaires. Au mois de février 1938, le Père commence à construire une chapelle à Kabou. Il y passe beaucoup de temps pour y diriger les travaux, surveiller les ouvriers manœuvres, circuler dans la brousse à la recherche de bois pour la charpente. Au mois d’août, la chapelle est couverte et crépie à l’extérieur. Elle mesure 22 m de long sur 8 m de large et 3 m de haut. Il y a à Kabou près de 100 catéchumènes. Plus loin, la région de Guérin-Kouka donne aussi des espoirs.
Mais, entre-temps, une dure épreuve est venue frapper le missionnaire. L’église de Bassari fut détruite par une effroyable tornade qui souleva la toiture, renversa les piliers et endommagea fortement les murs. C’était le 11 avril 1938, la veille du Jeudi-Saint. Le Père, qui se réjouissait à la pensée d’y célébrer pour la première fois les belles cérémonies pascales, faillit tomber malade à la suite de la catastrophe. Cependant il se ressaisit, avec courage et volonté et, au prix de bien des tracas, il s’occupa de relever les ruines de l’église de Bassari. Les journées entières sur le chantier, les grandes fatigues, lui valent de fréquents et violents accès de fièvres paludéennes. Le moral reste bon et la confiance en Dieu totale. La nouvelle église de Bassari fut terminée au mois de décembre 1939. Elle était grande et solide, une des plus belles de tout le Togo. C’est là que, à Noël 1939, le Préfet Apostolique, pour une inauguration solennelle, chanta la première messe pontificale qu’il célébrait dans la Préfecture de Sokodé.
Il s’en était fallu de peu que le Père Dauphin n’ait pu être présent à cette fête. Au mois de septembre précédent, il avait dû quitter Bassari : mobilisé dès le début de la guerre, il était à Gao, sur le Niger, dès le 13 septembre, affecté comme infirmier dans une unité d’aviation. Il pensait se faire nommer aumônier militaire, mais bientôt, grâce au décret Mandel, il fut autorisé à quitter l’armée et il était de retour le 16 novembre dans sa mission, la mission, dit-il, que j’aime plus que jamais.
La mission de Bassari semblait donc maintenant bien établie et deux stations secondaires, Kabou et Guérin-Kouka, laissaient espérer pour l’avenir. En 1942, le Père, qui était au Togo depuis 1935, sentit qu’il devait interrompre son travail. Il était fatigué et avait beaucoup de paludisme. Aussi se décida-t-il à rentrer en France pour se reposer, faire une cure à Vichy, avant de revenir. Le Père Christ, en attendant, le remplaçait à Bassari.
Le Père Dauphin débarqua à Marseille le 15 mai 1942, après un voyage calme et paisible, de presque six semaines en mer. Il se rendit chez ses parents qui, réfugiés en 1939 à Nonaville en Charente, étaient restés dans ce village après l’armistice, ne voulant pas retourner alors dans leur pays lorrain annexé par les Allemands. Restant en France le temps de refaire sa santé, il pensait repartir pour le Togo vers le mois de janvier 1943.
Mais les événements contrarièrent ses intentions. Du 8 au 11 novembre 1942, les Alliés débarquèrent au Maroc et en Algérie, les Allemands à Tunis. Le 11 novembre, les Allemands envahirent la zone française non occupée. Ne pouvant rejoindre l’Afrique, le Père, après son séjour en famille, passa quelque temps à la Croix-Valmer et à Lyon. Au mois d’avril 1943, il devint aumônier au camp de détenus de Noé en Haute-Garonne, sous la direction de l’Abbé Lagarde, aumônier général des camps. Inquiété par la Gestapo, en été 1944, il finit par gagner le maquis, toujours comme aumônier et, après la libération par les F.F.I., le 19 août 1944, il suivit à l’armée ses amis de lutte clandestine et servit comme aumônier militaire dans une formation de troupes coloniales pendant plusieurs mois. Finalement, quittant l’armée, il s’embarqua le 14 mai 1945 à Marseille. Quelques jours plus tard, il pouvait écrire : enfin je suis sur le chemin du retour pour ma chère mission, après trois ans d’une vie pénible en France. Il arriva à Lomé le 29 juin 1945.
Il retrouve Bassari. Bien du progrès a été réalisé depuis sa première arrivée, dix ans auparavant. Il y a maintenant quelques centaines de catholiques et catéchumènes. Mais l’œuvre à accomplir reste immense, surtout si l’on songe que la population totale du district dépasse les 50 000 habitants. Et puis, la mission a été fermée pendant de longs mois durant la guerre, le Père Christ ayant été mobilisé en 1943. La ferveur des chrétiens a un peu baissé, il s’agit de raviver la vie chrétienne. Pour continuer l’annonce du salut, pour ranimer la ferveur religieuse des chrétiens, le Père Dauphin se remet avec énergie au travail.
Désormais, heureusement, il ne fut plus seul, en général. Des confrères vinrent l’aider. Le Père Bannwarth, le Père Widlœcher et d’autres encore œuvrèrent à Bassari. Lui-même fut appelé occasionnellement à travailler ailleurs. Ainsi, en 1948-1949, il ne réside plus guère à Bassari, mais à Sokodé, à Lama-Kara, à Niamtougou. Dans cette dernière localité, il est appelé pour construire une nouvelle école et en même temps assurer un peu de ministère dans la mission. Le Père Bannwarth est supérieur de Bassari. En 1951, après un retour de congé, alors que le Père Bannwarth est à son tour en congé, le Père Dauphin revient à Bassari, il commence la construction du clocher de l’église.
En octobre 1953, il est encore fait appel à son aide pour des travaux de construction, à Siou, chez le Père Angst. Et, achevé son travail à Siou, il reçoit une nouvelle responsabilité : fonder Guérin-Kouka comme station principale. Le Père Widlœcher est alors supérieur de Bassari.
En novembre 1953, le Père Dauphin est donc à Guérin-Kouka pour la fondation de la mission. Guérin-Kouka est situé à 60 km au nord de Bassari. C’est le centre d’un groupe ethnique de plus de 20 000 habitants, groupe bien particularisé, les Konkombas, restés jusqu’alors presque complètement en dehors de toute influence européenne, et réfractaires à l’influence tant de l’Islam que du Christianisme. Le Père Dauphin les connaît depuis des années, et il les aime. Eux-mêmes le reçoivent avec bienveillance. Il a construit chez eux une chapelle, qu’il a dédiée à Notre-Dame de Lourdes pour les placer sous la protection de la Vierge Marie. Mais autrement, tout est à faire et à créer dans ce pays et les débuts sont bien durs. Il y a peu de chrétiens encore. Le Père loge dans une dépendance du dispensaire officiel ; il commence la construction d’une petite résidence. Le 25 décembre 1953, pour la première fois, il célèbre la fête de Noël chez ses chers Konkombas.
Mais il n’eut pas le temps de développer l’œuvre qu’il venait de fonder. Au mois de novembre 1954, il fut rappelé à Sokodé pour être chargé des constructions dans la Préfecture. Guérin-Kouka n’eut plus alors de prêtre à demeure. La mission, confiée de nouveau au Père de Bassari, ne fut rouverte que plus tard.
Ce départ, un an seulement après la fondation, ne fut pas sans affliger péniblement le Père Dauphin. Mais, en homme obéissant qu’il était, il accepta la décision du Préfet Apostolique. L’œuvre missionnaire assurément est une œuvre avant tout spirituelle et surnaturelle. Le Père Dauphin y pensait beaucoup. Mais il comprend aussi que cette œuvre ne peut s’exercer sans un ensemble d’installations matérielles : il faut des églises, des résidences pour les missionnaires, des écoles, des dispensaires. Les missionnaires en ces années-là ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour cela, et ce fut bien souvent l’une de leurs grandes croix. Le Père Dauphin se donna donc généreusement à ce genre spécial d’activité missionnaire, non pas exclusivement cependant, car autant qu’il le pouvait, il restait adonné au ministère des âmes.
À Sokodé, il eut plusieurs chantiers à diriger, en particulier des écoles et, avant tout, la cathédrale de Sokodé. La Préfecture Apostolique était devenue Évêché le 14 septembre 1955, et le premier évêque, Mgr Lingenheim, fut sacré à Strasbourg le 28 octobre 1956. Le Père Dauphin, qui était en congé à cette dernière date, eut la joie d’assister à la cérémonie du sacre. Pour l’intronisation de Mgr Lingenheim dans le nouveau diocèse, en mai 1957, les travaux étaient terminés à la cathédrale de Sokodé. C’était un édifice important, long de 55 m sur 16 de large.
Le Père Dauphin construisit ensuite le Centre social de Sokodé. Jusqu’en 1961, il continua ses travaux de constructeur, travaux qui lui faisaient beaucoup de soucis et occupaient bien son temps. Mais un jour il eut un accident qui entraîna une fracture du fémur. Des soins spéciaux furent nécessaires. Il fut obligé de quitter le Togo et de rentrer en France, le 3 avril 1961.
Il revint en Lorraine où, dès sa guérison, il reprit un service comme aumônier à Forbach, à l’Hospice Bauer d’abord, puis, en 1962, à l’Hôpital Sainte-Barbe des Houillères du Bassin de Lorraine. Il s’y dévoua de grand cœur auprès des malades, et il était heureux de pouvoir encore travailler au bien des âmes. Mais le 4 août 1972, il fut victime d’un accident de voiture à Forbach, non loin de l’Hôpital. Atteint de plusieurs blessures graves, il mourut le lendemain.
L’enterrement eut lieu au pays natal, à Théding, le 7 août, en présence d’une très grande assistance. Mgr Lingenheim présidait la messe concélébrée. Mgr Strebler prononça l’homélie. Citant le psaume 89, il montra que la vie du Père Dauphin, trop brève, était semblable à la fleur des champs qui fleurit le matin et qui le soir est coupée et se fane, cette vie malgré cela avait été très fructueuse.
Reprenant quelque temps plus tard pour Ralliement ses souvenirs africains, depuis les lointaines premières années de Bassari, Mgr Strebler écrivait : le Père Dauphin a toujours été un confrère charmant, aimé de tous ceux qui ont travaillé avec lui. C’était une âme ardente et dévouée, d’une simplicité avenante et il était profondément attaché à son travaiL.
TÉMOIGNAGE DE LA VIE DU PÈRE DAUPHIN par Mgr Joseph Strebler, sma
Le Père Dauphin 1907 -1972
Vendredi 4 Août 1972, vers 17 heures, le Père DAUPHIN était victime d'un grave accident de route, en pleine ville de Forbach, à quelques pas de l’hôpital Sainte-Barbe dont il était l’aumônier depuis près de dix ans. Il a dû perdre connaissance au volant. Le choc entraina une fracture du crâne et d’autres fractures. On le porta immédiatement à l’hôpital où il reçut les soins urgents que réclamait son état. L'abbé KIEFFER aumônier de l'hôpital Ste Marie Madeleine lui administra le sacrement des malades, tandis que les Pères DASTILLUNG e et DERR restaient à ses côtés pour prier jusque tard dans la nuit.
Le Père rendit son âme à Dieu samedi matin vers 5 heures, sans avoir repris connaissance. Il avait 65 ans ce jour-là, il était dans la trente-huitième année de son sacerdoce.
LE TEMPS DE L'ÉDUCATION
Le Père DAUPHIN est né à Théding en Moselle, le 5 Août 1907, l’ainé d’une famille de cinq enfants. Ses parents cultivaient la terre et faisaient de l 'élevage. Ils étaient profondément chrétiens et vivaient leur foi avec leurs enfants. Une sœur du Père DAUPHIN devint religieuse dans la Congrégation de Ste. Clotilde à Paris.
Après le primaire à l’école du village, Jean-Adolphe commença ses études secondaires au petit séminaire de Bitche, et à partir de la troisième, il continua à l'Ecole Apostolique de Haguenau. Ce fut alors le noviciat à Chanly et Le grand séminaire à Lyon. Il fut ordonné prêtre le 6 Janvier 1934 avec dix autres confrères… Ses supérieurs le retinrent une année comme "recruteur" dans le diocèse de Metz, mais il voulait partir pour l'Afrique et ne cessait de solliciter cette faveur.
PREMIÈRES ANNÉES D’AFRIQUE, SASSARI .
Il reçut sa nomination pour le Togo à la fin de l'année scolaire I935. Le 22 Octobre il débarqua à Lomé. Mgr. CESSOU l’envoya à Sassari. La mission en était à ses débuts, elle avait été fondée par le père KENNIS en Mars 1933. D'Avril 1935 à Juillet 1936, le lieutenant MASSU (le futur général d'Alger) veillait à la sécurité de la région pour empêcher des vendettas trop meurtrières. Entre la mission et le soldat régnait une amitié sincère qui ne s’est jamais démentie. Bien souvent les missionnaires et le lieutenant faisaient ensemble leur tournée.
À l’école du Père KENNIS, le Père DAUPHIN apprit la langue Sassari et s 'initia à la méthode d’évangélisation. Il apprit aussi à manier les outils car l’église (33 mètres sur 12) et la résidence de la mission étaient en construction. Le Père KENNIS avait déjà terminé la traduction du grand catéchisme de Cambrais en langue du pays, ainsi que les Evangiles et les Épîtres du dimanche : le Père DAUPHIN avait donc ces instruments précieux pour le guider dans son apostolat. Ces livres n’ont jamais été imprimés).
À l’Assemblée Générale de Juillet 1937, au moment où le Nord Togo fut érigé en préfecture Apostolique, le Père KENNIS fut rappelé à Rome comme conseiller du Supérieur Général. Le Père DAUPHIN resta seul à Sassari pour évangéliser cet immense district. Il aimait sa mission et très souvent, à pied, il visitait ses stations secondaires de Bassari à Guérin-Kouka, de Kabou à Bangéli et au pays Konkornba. Aujourd’hui encore les gens parlent de ses randonnées pédestres qu’il faisait, en prenant son temps, afin de pouvoir rencontrer ses ouailles et leur parler à l’aise.
Le 13 Avril 1938, un cyclone endommageait gravement l'église de Bassari qui avait été livrée au culte moins d'une année auparavant. C'était la veille du Jeudi Saint vers 17 heures. Le Père venait de préparer le reposoir pour le lendemain, tout à coup une terrible tornade éclata, la toiture de l’église fut soulevée en l’air et transportée dans les champs voisins, les piliers hauts de 8 mètres s'écrasèrent et furent réduits en miettes, des blocs de 300 kilos furent projetés par-dessus les murs pour retomber à six mètres de là. Le lendemain le Père m'envoya le télégramme suivant : "Eglise en ruine, toiture emportée, piliers écrasés, murs endommagés, moi-même malade. DAUPHIN".
Je me rendis aussitôt sur place et trouvai le Père désolé. Il avait ·'pleuré toute la nuit et avait une double conjonctivite. Il fallait l'éloigner immédiatement du lieu du sinistre pour lui remonter le moral et guérir son mal . Grâce aux soins du Dr. BIDOT de Pagouda, notre cher Père se remit vite de sa secousse. Ensemble, on lança un S.O.S. à la presse d’Alsace et de Metz ; sans tarder, nos amis répondirent généreusement à notre appel, et les travaux de reconstruction purent reprendre rapidement.
LA GUERRE
En septembre 1939, la guerre éclata dès le premier jour le Père DAUPHIN fut mobilisé à Niamey (Niger). Il dut quitter sa mission sans avoir complètement terminé son église. Mais grâce au Décret Mandel il revint au début de Novembre, à la grande joie des fidèles. Il se remit au, travail et à Noël, tout était prêt pour la dédicace du nouveau sanctuaire.
La veille de Noël, il y eut d'abord la bénédiction de deux grandes cloches offertes par la Lorraine. À Noël même, j’ai béni l'église et chanté ma première messe pontificale dans la Préfecture de Sokodé, et le 30 décembre, le Père DAUPHIN baptisait les trois premiers adultes de son district...
En 1942 après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le Père fut de nouveau rappelé sous les drapeaux mais fort heureusement, le P. KENNIS put alors revenir pour reprendre en main la direction de sa mission.
En février 1944 le P. DAUPHIN signalait sa présence au Camp à Noé, en Haute Garonne ,où il s’occupait surtout des réfugiés. Un message laconique est arrivé à Sokode le 18 /4/1944 : “Santé bonne malgré cafard.” À Noé, il était aumônier bénévole et s’occupait surtout de ces pauvres gens qui poursuivis par la Gestapo. Après la guerre, Il fut heureux de revenir à son poste. Désormais, il eut toujours avec lui un confrère plus jeune : le P. Joseph FISCHER, le P. CHRIST, le futur Mgr. BAKPESSI, mais surtout le P. BANNWARTH, qui devint son successeur en 1949, quand il fut lui-même envoyé à Niamtougou, pour un intérim.
GUERIN-KOUKA ET SOKODE
En 1953, il fut chargé d’ouvrir un poste principal à Guérin-Kouka, il bâtit une église définitive et un modeste presbytère. Bassari comptait alors 548 baptisés et 350 catéchumènes. En 1954, Mgr. Lingenheim lui confia la délicate mission de bâtir la cathédrale de Sokodé : un bâtiment important de 55 mètres sur 16. Les travaux étaient terminés pour l'intronisation de Mgr. Lingenheim, au mois de mai 1957. Le Père construisit alors le Centre Social de Sokodé et plusieurs écoles en dur, financées par le F.A.C. ou la France d’Outre-Mer
RETOUR EN FRANCE
À la suite d’un accident, qui entraîna une fracture du fémur et qui nécessitait des soins spéciaux, il fut obligé de quitter le Togo définitivement le 3 avril 1961 : avant son rapatriement en France, il écrivit à son successeur “qu'il offrait sa vie pour le pays bassari-konkomba, qu'il voulait aimer jusqu'à la fin”. Dès sa guérison le Père s'est remis au ministère, d’abord à l’Hospice Bauer et un an plus tard à l’hôpital Ste Barbe à Forbach où durant dix ans il s’est donné tout entier à ses chers malades et c’est là qu’il est mort.
L'enterrement eut lieu à Théding le 7 août, en présence d'une très grande assistance : plus de cinquante prêtres assistaient à l ' office et suivaient le cercueil.
Mgr. Lingenheim présidait la messe de Requiem, concélébrée par quinze prêtres, dont le R.P. Provincial et plusieurs de nos confrères. Je fis moi-même l’homélie, retraçant la brièveté de sa vie si féconde, semblable à la fleur des champs “qui fleurit le matin et qui le soir, est coupée et se fane..” Ps.89. 6. L’Afrique était représentée par une sœur togolaise N.D.A. Sr. Marie-Magdala et une forte délégation de Sœurs de Peltre du Togo-Nord. Notre cher défunt repose dans la tombe de ses parents.
Mgr. Bakpessi disait dans sa lettre de condoléances :
“Le Père DAUPHIN était missionnaire jusque dans l’âme et bien que retiré en France, il se disait missionnaire chez les Konkombas . Notre-diocèse perd en lui un de ses plus vaillants missionnaires. Nous garderons sa mémoire en vénération.”
Un service funèbre a été célébré par les prêtres du diocèse de Sokodé à Guérin-Kouka, fin septembre.
Le Père DAUPHIN a toujours été un confrère charmant, aimé de tous ceux qui ont travaillé avec lui. C’était une âme ardente et dévouée, d'une simplicité avenante, profondément attaché à son travail.
Saint Pierre le 12/9/1972
Mgr Joseph STREBLER, sma
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