Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 20 novembre 1925 à Saint-Omer dans le diocèse d'Arras membre de la SMA le 27 octobre 1947 prêtre le 12 février 1951 décédé le 20 août 2009 |
1951-1959 Ouidah, professeur décédé à Morlaix (France), le 20 août 2009 |
Le père Paul-Henry DUPUIS (1925 - 2009)
Paul-Henry est né le 20 novembre 1925 à Saint-Omer, dans le pays des Ch'tis : il aimait se caractériser ainsi. Son papa était propriétaire d'une scierie "la Boisellerie de l'Artois" qu'il revendra plus tard pour s'associer à une scierie d'Arras. Sa maman avait sept sœurs dont trois étaient religieuses dominicaines. On imagine bien que le petit Paul fut élevé selon les meilleurs principes religieux. Second garçon de la famille, son frère aîné sera prêtre diocésain, il sera suivi par deux sœurs.
Tout naturellement, ses parents le mettent, dès l'âge de cinq ans, au collège Saint-Bertin, à Saint-Omer. Il était prévu qu'il y fasse toute sa scolarité, mais les événements de 1940 vont en décider autrement. L'offensive de l'armée allemande, en mai 1940, et le bombardement de Saint-Omer contraignent la famille Dupuis à fuir leur ville et à venir se réfugier chez des cousins à Nantes. Ainsi, à la rentrée scolaire de 1940, il se retrouve en classe de seconde au collège Saint-Stanislas de Nantes. Il était bon élève, surtout en français et en histoire ; malheureusement pour lui, il échoue au bac en juin 1942. C'est à cette époque que la famille se retrouve à Arras et Paul rentre au collège Saint-Joseph d'Arras pour y redoubler la classe de première. Il a alors 17 ans.
Deux semaines après la rentrée, en octobre 1942, il tombe malade : adénite tuberculeuse. Le docteur de famille l'envoie en cure à Roscoff, au nord du Finistère, en zone interdite : il se retrouve dans une clinique tenue par les Sœurs dominicaines où il va rester jusqu'au mois de janvier 1945. Il n'est plus question d'études secondaires. Il se remet à étudier le piano, il se lance dans le théâtre, il s'initie à la peinture grâce à son camarade de chambre. De plus, avec le caractère qui est le sien, dans ce milieu un peu fermé d'une clinique de convalescence, les relations sont faciles. L'une des infirmières de la maison commence à prendre de la place dans sa vie. Mais, comme il l'écrit lui-même "les choses de Dieu me tourmentaient." Lorsqu'il quitte Roscoff en janvier 1945, il ne sait pas où est sa vocation. Il est pourtant arrivé à l'âge où il faut choisir son avenir. Avec son intuition féminine, la jeune infirmière lui avait laissé entendre que Dieu le voulait pour lui. Sur l'insistance de sa maman, il se rend à Paris pour faire une retraite de discernement. Et c'est en novembre 1945, à la suite d'une lecture, qu'il comprend que Dieu l'appelle. "Ma décision fut instantanée : je serai missionnaire", écrit-il dans son journal. Il demande aussitôt son entrée aux Missions Africaines, écrivant : "Je vois plus que jamais que les aspirations de mon enfance d'être un jour missionnaire répondaient parfaitement à la volonté de Dieu. […] Si j'aspire à la vie missionnaire, c'est que je vois dans l'amour des âmes un épanouissement plus équilibré de mon amour de Dieu." (09/11/45) Sa demande tardive fait qu'il ne rentre au noviciat, à Chanly, que le 15 décembre 1945.
A la fin de son noviciat, il est noté ainsi : "Se dévoue facilement au travail manuel, travail intellectuel un peu en amateur ; aidé et dirigé, il peut donner davantage." Il fait les quatre années de théologie de 1947 à 1951. Ses supérieurs le connaissent assez bien quand ils écrivent : "Paul est toujours un peu idéaliste." (1949) "Facile à l'enthousiasme, souvent distrait, heureux caractère." (1950) "A des dons pour l'art oratoire et en général pour la littérature ; ce n'est pas un mystique, mais il semble sincèrement pieux." (1951) Ordonné prêtre en février 1951, il est mis à la disposition de Mgr Parisot, vicaire apostolique de Ouidah, au Dahomey. Il va désormais travailler pendant 51 ans dans ce pays qui deviendra le Bénin en 1975.
Il commence par passer 8 ans à Ouidah professeur au petit séminaire. Dans ce genre d'activité, les années se suivent et se ressemblent. Il enseigne l'anglais dans les basses classes (6ème et 5ème ) et le français et la littérature en classe de seconde. Il essaie aussi d'initier ses élèves au théâtre, mais, dès qu'il en a l'occasion, il s'échappe en brousse. C'est là qu'il peut donner libre cours à son désir de servir les pauvres ; c'est là qu'il découvre l'Afrique profonde, son mode de vie, ses problèmes, sa religion traditionnelle et son inaltérable joie de vivre. C'est à cette époque que, réfléchissant à ce qui fait la richesse de sa vie, il écrit : "La sainteté, ma première erreur est d'en faire mon affaire plutôt que celle de Dieu. Il faut simplement se laisser prendre par Dieu. Or, j'ai ma petite conception de la sainteté, ma perfection à moi, que je façonne à partir de moi, selon moi et pour moi… et que je veux réaliser par moi-même… C'est toute mon erreur ! Presque toujours, nous n'accomplissons la volonté de Dieu que dans la mesure où elle correspond à la nôtre. Telle résolution, telle vertu me plaît, j'y travaille. Tel effort me sourit, je l'entreprends volontiers… Je ne devrais avoir qu'une seule résolution : obéir à la volonté de Dieu, à sa parole ; la sainteté est là et nulle part ailleurs. Le jour où je serai humble au point d'ignorer mes vertus, c'est-à-dire de ne pas en faire "ma" perfection, alors Dieu commencera à être vivant en moi. Pour le moment, je reste ce que je suis, avec mes reculs, mes accommodements, mes conditions. Comme Dieu est bon de s'en contenter quand même !" (août 1955)
Mars 1958, joyeuse surprise, il est nommé curé doyen de Dassa-Zoumé. Il avait pris goût à former des futurs prêtres, il est vraiment heureux de se retrouver sur le terrain. C'est dans cette paroisse qu'ont lieu les cérémonies du centenaire de l'arrivée des premiers pères au Dahomey, les pères Borghero et Fernandez, cérémonies présidées par le cardinal Tisserand. Dans son discours d'accueil plein de verve et de couleur, Paul-Henry a l'occasion de donner libre cours à ses qualités d'orateur. Il salue ainsi son illustre visiteur : "La coutume veut que l'abondance des bénédictions soit proportionnée à l'importance du visiteur. Cependant, que votre Eminence se rassure ! Je n'abuserai pas de ce droit coutumier… qui devient plutôt un périlleux devoir lorsqu'il faut l'exercer en l'honneur d'un membre de l'Académie française, "la plus pure assemblée littéraire du monde", au dire du cardinal Oreglia, qui fut l'un de vos prédécesseurs comme Doyen au Sacré Collège. Au reste, il s'agit moins de bien dire que de dire du bien, d'appeler le bien sur Votre Eminence, en reconnaissance du bien, des bénédictions dont votre présence nous est en ce jour un si grand gage."
En 1962, il est nommé curé de Kilibo, paroisse toute jeune qui n'a que trois ans, "mission qu'on s'efforce de lancer et qui n'est encore qu'un vaste chantier où tout est à faire dans les âmes, et avec des pierres. […] Rien de neuf, oubliant déjà que le toit de nouvelle mission a été emporté par une tornade le mardi de la Pentecôte ! C'est un coup très dur, une très grosse perte de temps et d'argent, mais je finis par me plaire dans chaumière en banco." (13/06/63) Il raconte avec beaucoup d'humour comment il met à contribution les gens de sa paroisse pour le transport des pierres en vue des constructions à faire : église, résidence, école… "Il est à prévoir que j'aurai à secouer assez souvent leur inertie. Au commencement, tout va bien, ils vont à la carrière avec entrain et en reviennent en chantant, une grosse pierre sur la tête, mais ici […], c'est le royaume de l'inertie, on n'est pas au bout de nos peines, il y aura pour des années de travaux." C'est à cette époque qu'il commence son travail sur Mgr Parisot. Il relit tout l'évangile de saint Luc, car, dit-il, "je crois avoir compris que toute l'âme de Mgr Parisot est dans saint Luc (cf. son blason d'évêque)". Mais le travail avance lentement. "Je soigne mes impatiences en me rappelant ce qui est écrit sur certains dindons taxis : Rien n'est tard si la vie se prolonge." Quand il apprend, en 1970, que son évêque veut le nommer à Savé, il exprime sa satisfaction, car il explique :"Ce qui me console, c'est qu'avec un jeune vicaire dahoméen, qui fut autrefois mon élève, j'aurai moins de fatigues et de tribulations, et partant un peu plus de temps pour achever le travail sur Mgr Parisot." (30/07/70)
En décembre 1972, il sollicite une pause en France pour terminer son travail sur Mgr Parisot, mais son évêque est "réticent à toute prolongation de séjour en France et surtout pas d'accord pour une absence prolongée." C'est alors que le Conseil provincial lui demande de renflouer "l'Echo des Missions Africaines" et de faire équipe avec "Peuples du Monde". En réponse, il écrit : "Je ne saurais plus me réadapter à la vie en Europe. L'atmosphère des congés m'a toujours été pénible ; je me sens complètement déphasé." Quelques années plus tard, dans le même ordre d'idées, il écrira : Dans nos publications sma, "il faudrait quelques grains d'humour, un peu de sel, un peu de piment. On n'est pas fâché du boulot qu'on fait, mais on narre tout sur le ton le plus grave. On a l'impression que la route de la mission, c'est la traversée du désert, monotone, aride, pas souriante, pas joyeuse du tout. Exactement ce que dit le Droit Canon au sujet de la tenue ecclésiastique : nihil nisi grave, moderatum et religione plenum." En octobre 1973, dans l'intention de mettre un terme à son travail sur Mgr Parisot, il s'installe à Saint-Briac "pour six mois au maximum, mais j'espère bien avoir fini et décroché avant." Il trouve même une religieuse carmélite pour être sa dactylo. Quand il rentre au Bénin six mois plus tard, le Conseil provincial lui fait savoir qu'il n'est pas d'accord pour que cette publication ait lieu dans sa forme actuelle beaucoup trop volumineuse, mais avance l'idée d'une plaquette strictement historique, avec un chapitre sur la spiritualité de Mgr Parisot.
Il ne reste que quatre années à Savé. En 1974, il est nommé curé de Bohicon, à la paroisse Saint-Charles Lwanga. En plus du travail pastoral inhérent à une paroisse et de tout le côté matériel dans l'emploi du temps d'un responsable de mission, il consacre beaucoup de son temps et de son énergie à la rédaction finale de la biographie de Mgr Parisot. Il faudra tout son acharnement et toute sa ténacité pour que cette biographie voie enfin le jour en 1985, mais seulement sous la forme d'une plaquette d'une centaine de pages ; elle paraît à l'occasion du 25ème anniversaire la mort de Mgr Parisot. En décembre de la même année, pour ce travail, il reçoit le prix Emmanuel André You décerné par l'Académie des Sciences d'Outre-mer (lettre signée par Monsieur Cornevin). L'année suivante, pour la réception officielle de ce prix, devant tous les membres de cette Académie, il fait un discours "à la Dupuis" où il dit notamment : ""Je ne puis passer sous silence un homme de cœur, le père Jacques Clarisse qui passa plus de vingt cinq années à développer une œuvre dont le père Louis Parisot avait jeté les bases il y a cinquante ans, la léproserie des Saints-Anges de Ouidah, au Bénin. Je cite d'autant plus volontiers le père Clarisse que votre académie lui rendait un juste hommage en lui attribuant en 1971 le même prix Emmanuel You, prix de vertu cette fois, ce qui est plus honorable encore ! Et votre prix littéraire d'aujourd'hui aura les mêmes retombées économiques que le prix de vertu d'hier, puisque mon intention est de remettre le montant de ce prix à la léproserie de Ouidah." (20/06/86)
En 1985, au moment de la parution de cette plaquette, il est depuis deux ans curé de Za-Kponta. L'année précédente, il avait écrit au Conseil provincial : "Mon projet est de stopper en 1990 (65 ans) mes activités apostoliques à Za-Kponta et de consacrer alors, en un lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix, à la rédaction de l'histoire du Dahomey, les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint. (Bossuet) Pour le reste, Dieu fera." (31/12/84) Mais, tant qu'il est sur place, il demeure très actif. Dans sa dernière circulaire qu'il envoie, dit-il, ad titulum curiositatis au Conseil provincial, il raconte comment il s'est fait piéger par ses paroissiens. Dans les villages qui s'ouvraient à l'évangile et qui voulaient un lieu de rassemblement pour le culte, et aussi pour les réunions de catéchèse, il avait dit que, si les murs étaient montés, il se chargerait de fournir les tôles ondulées pour la couverture. C'est ainsi qu'avant de partir en congé en mai 1989 il avait pu couvrir 5 chapelles. Mais voilà qu'à son retour de France, dans 6 nouveaux villages de la paroisse, il trouve les murs prêts à recevoir une toiture… "Il faut d'autant plus encourager ces villages où les baptisés se comptent sur les doigts d'une main, et où les catéchumènes et les sympathisants sont très nombreux, car beaucoup d'activités de développement (alphabétisation, promotion féminine, apprentissage…) se déroulent à la mission catholique. […] Piégé, mais confiant, puisqu'un tel piège nous laisse entrevoir tant de progrès possibles pour l'année qui s'ouvre." (20/12/89)
Comme il l'avait dit, il se retire en 1990 à Akadjamé, sur la paroisse de Tori-Bossito. Il y a acheté une petite concession où se trouvait une maison qu'il a aménagée pour réaliser son souhait : en effet, maintenant son esprit est entièrement tourné vers la parution d'une histoire religieuse de son pays d'adoption. Il commence alors un travail de fourmi pour chercher, recueillir, amonceler toutes les informations qui lui seront nécessaires pour la rédaction de cet ouvrage. Il visite des archives, recueille les témoignage, interroge les témoins. La maison régionale lui achète une machine de traitement de texte, ce qui facilite de beaucoup son travail. Mgr de Souza, l'archevêque de Cotonou accepte d'écrire la préface du premier tome, "Le temps des semeurs", qui est prêt en 1996. Il écrit : "Aussi, sommes-nous reconnaissants au père Paul Dupuis, sma, de nous offrir la possibilité de remonter à la source de ceux et celles qui nous ont précédés, pionniers de l'Eglise du Bénin. Son livre nous permet de puiser dans leur souvenir la sagesse, l'esprit de sacrifice, l'endurance, la persévérance dans l'effort, le dévouement sans borne, le courage intrépide qui ont fait d'eux, et peuvent faire de nous, l'humble chemin que Dieu, hier et aujourd'hui, choisit d'emprunter pour rejoindre l'homme." Finalement ce livre paraîtra à Pâques 1998. Il lui faudra attendre 2004 pour que le second tome, "L'aube nouvelle", sorte des presses. Mgr Agboka le préface en ces termes : "Cher père Dupuis, merci pour ce grand cadeau dédié surtout à l'épiscopat et au clergé africains, en retraçant ainsi la vie, l'apostolat et les souffrances des missionnaires, nos Pères dans la foi, ceux-là qui nous ont engendrés, moulés pour la continuation de la cause de l'évangile."
Au moment de la parution de ce second tome, il avait déjà quitté définitivement l'Afrique. En effet, en 2002, il s'était retiré chez sa sœur à Mesnil-le-Roi, dans la banlieue parisienne. Là, il occupe la plus grande partie de son temps à l'écriture et à la peinture : il peint des paysages, la mer, des bateaux, mais aussi des sujets religieux ou africains, et il commence à écrire sa propre biographie. Il aime laisser courir sa plume allègrement sur le papier et il peut donner libre cours à sa verve épistolaire. A propos de ses projets d'écriture, il dit : "J'aimerais les réaliser avant que ma mémoire, copieusement et pittoresquement garnie, ne s'éteigne." En 2004, il accepte également de se lancer dans l'écriture de la biographie du fondateur des Sœurs Salésiennes de Marie Immaculée qui ont deux missions au Bénin, l'abbé Henri Chaumont. Oublie-t-il qu'il a bientôt 80 ans et plus de 50 années d'Afrique derrière lui ? Ce projet n'aura pas de suite.
Après le décès de sa sœur, en mars 2006, il s'établit définitivement en Bretagne, chez des amis chez qui il avait déjà fait de longs séjours. Des problèmes d'arthrose l'amènent peu à peu à réduire ses activités. Il fait même plusieurs séjours à l'hôpital de Morlaix pour des ennuis intestinaux. Très fatigué après une intervention chirurgicale, il meurt d'une hémorragie interne le 20 août. Il est enterré à Saint-Pol de Léon.
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