Société des Missions Africaines - Province de Lyon
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né le 27 mars 1924 à Orgnac dans le diocèse de Viviers membre de la SMA le 2 décembre 1944 prêtre le 17 février 1948 décédé le 2 septembre 1912 |
1948-1953 Pont-Rousseau, professeur
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Le père Jean-Baptiste DUFFÈS(1924 - 2012 )
Il est né à Orgnac, petite commune, tout au sud de l'Ardèche en 1923, dans une famille nombreuse : ils sont 9 enfants, 5 garçons et 4 filles. Ses grands-parents et ses parents connaissaient les Missions Africaines depuis 1921, date à laquelle ils avaient accueilli pour la première fois le père Bonhomme, premier membre de la Société à avoir mis les pieds en Côte d'Ivoire. Le père avait une sœur institutrice à Orgnac, et il venait la visiter à chacun de ses congés. A cette occasion, tout le village venait écouter ses nombreux et passionnants récits le soir, à la veillée. Lorsqu'il a 9 ans, à l'école primaire, c'est le père Pichon, missionnaire au Dahomey, qui vient, avec sa lanterne magique, montrer des vues du pays. Il est le premier à lever le doigt quand le père demande qui voudrait le suivre plus tard. C'est ainsi qu'en 1934 il se retrouve en classe de 6e à Chamalières. Sa maman ne craint pas de demander au supérieur d'être "très sévère pour un étourdi, mais qui ne garde pas rancune après les remontrances." (1934) Il raconte lui-même un souvenir qui remonte à cette époque : "Chargé de lire la prière, le soir, à la chapelle, je bafouillais, avec ma tendance à avaler les mots et à bégayer. Je fus pris à partie dès la sortie : Dis-moi correctement 'Son Sacré-Cœur'. Contracté, je butais davantage qu'à la chapelle, et la dizaine de claques reçues à chaque reprise du mot m'ont provoqué un blocage psychologique qui me faisait appréhender la prière après le salut du Saint-Sacrement. Il me fallut attendre, une fois professeur à Nantes, la rencontre d'un vieux frère éducateur de sourds-muets pour m'apprendre à respirer normalement, ce qui facilita drôlement une prononciation tranquille et distincte."
Pour le second cycle, il va à Pont-Rousseau et obtient le baccalauréat de philo en 1942. Il est bien noté : ""aptitudes pour le travail intellectuel, bégaiement, caractère sérieux, énergique, loyal, dévoué." (09/07/41) Il fait ensuite le noviciat en partie au Rozay, à côté de Lyon, et en partie à Martigné-Ferchaud, à côté de Rennes. Appartenant à la classe 44 qui n'a pas été appelée sous les drapeaux, il peut, dès son premier serment en 1944 commencer le grand séminaire à Lyon. Avant la rentrée, il fait ce qu'il a appelé plus tard une folie de jeunesse : "J'ai accepté d'accompagner un confrère, ancien prisonnier et réchappé de Dunkerque qui avait fait le vœu d'aller de Paris à Lourdes à pied." (c'était le père Clarisse) Il est ordonné prêtre en février 1948, et sa première nomination l'envoie à Pont-Rousseau comme professeur de 1ère, en remplacement du père Ségurola. Il va y rester 5 ans.
En 1953, il accueille avec joie sa nomination pour Tanguiéta comme vicaire du père Chazal. Mais, arrivé à Cotonou, alors qu'il a déjà son billet de train pour monter dans le nord, il est retenu à Ouidah pour plusieurs mois, l'un des professeurs devant prolonger son repos en France. Il relève le côté positif de ce contretemps en soulignant qu'il a eu le plaisir d'avoir comme élève le futur Mgr de Souza. Quand il arrive à Tanguiéta, la mission étant encore en construction, il loge dans une salle de classe, sans plafond, sous la tôle, avec plus de 40° à l'ombre. Il prend en main les deux écoles, multiplie dans les villages les séances bibliques et passe beaucoup de temps à étudier le berba. Alerte en 1957 : au mois de mai, il est nommé à Pont-Rousseau, au moins pour une année, le temps que certains confrères terminent leur licence. Pour sa plus grande joie, cette nomination est annulée le mois suivant. Durant ce congé de 1957, il quête pour se payer une 2 CV et "durant les temps libres, j'essaie de mettre au propre mes notes sur les langues, mais, en dehors du milieu, il faut du courage pour s'y replonger." (19/07/57)
En 1960, il est nommé vicaire délégué à Parakou et responsable en même temps de l'enseignement sur la préfecture. En 1963, Rome cherche un candidat pour être évêque à Natitingou. Le Conseil provincial présente, comme à chaque fois, une terna, c'est-à-dire trois confrères, selon un ordre de préférence. Jean-Baptiste est le premier (dignissimus) sur la liste envoyée à Rome, en précisant : "Il s'intéresse beaucoup au recrutement du clergé local et fera tout pour la formation des futurs prêtres africains. S'est adonné au ministère direct tout en se consacrant surtout ces dernières années au recrutement et à la formation des maîtres d'écoles. […] A toujours fait preuve d'une doctrine sûre et toujours soumise aux directives données. […] A notre humble avis, c'est certainement le candidat le plus qualifié pour prendre la direction du nouveau diocèse." (05/07/63) Un autre que lui sera choisi, ce qui lui permettra de dire plus tard avec humour : "J'ai failli être évêque, j'ai réussi à l'écrit, mais j'ai échoué à l'oral."
A la création du diocèse de Natitingou, en 1964, il quitte Parakou, "avec promesse d'aller à Parakou quand Mgr van den Bronk aura besoin de mes services," pour suivre Mgr Redois dans son nouveau diocèse. Il doit rentrer, fin 1964, pour raisons de santé et se repose quelques mois en France. Mgr Redois le choisit comme vicaire général de son nouveau diocèse : il va occuper cette charge pendant 11 ans, et les six dernières années, de 1969 à 1975, il sera curé à la cathédrale. "Les débuts à Natitingou, avec Mgr Redois, furent discrets à la mission où nous accueillit le sourire contagieux du père Mathieu. Mgr Redois voulait un évêché plus éloigné de la mission, afin de respecter la liberté de tous les confrères. Après plusieurs projets et dessins, il m'envoie à Kandi faire étudier les plans de l'évêché par un ami, officier du génie. […] Je sillonnais aussi beaucoup les routes de l'Atacora pour aider les maîtres que je prenais en charge, et en longues sessions, durant les vacances, pour les former et préparer les meilleurs au CAM, afin d'améliorer leur salaire. […] Il me faut aussi diriger les constructions, écoles, dispensaires, maison des sœurs". (ses souvenirs)
A cause de ses connaissances en mécanique, Mgr Redois lui demande aussi de monter un garage : il achète du matériel, embauche un jeune mécanicien, construit un garage et une vaste salle de pièces détachées : "Toutes les voitures des pères et des sœurs affluèrent, sans compter celles de l'Administration, quand nous avions le temps. […] Chaque mois, je descendais passer une semaine à Cotonou pour alimenter le stock de pièces détachées et la procure que j'avais montée dans un hangar de l'évêché pour fournir aux pères alimentation, quincaillerie, ciment, fer à béton, tôles, bois de charpente, etc. Parfois, surprise désagréable de rencontrer de nuit, à un des 11 passages à niveau non gardés, un autorail en retard et sans phare, que j'embrassais : avant de l'auto déchiré, mais aucune blessure : Wenglo bo… Mahu lè… s'écrièrent les passagers qui cherchaient les morts. C'était le 15 septembre 1965. Le père qui m'accompagnait (c'était le père Chenevier) était assis à dire son bréviaire à la lueur de la veilleuse, tandis que j'étais allé cherché du secours en pleine nuit." (ses souvenirs)
Il rentre en France en décembre 1974 et fait le stage de l'Arbresle qui débute en janvier 1975. Déjà avant son retour en France, le Conseil lui avait signalé qu'il aurait besoin de lui dans les années qui viennent. "Monseigneur désire que vous retourniez en Afrique pour un temps, et nous n'y voyons aucun inconvénient. Mais, je dois vous avertir dès maintenant que le Conseil provincial pense vous proposer par la suite un poste à votre mesure au service de la Province en Europe. Monseigneur a donné son accord à ce projet." (21/09/74) Quand il repart au Dahomey, il retrouve la mission de Tanguiéta qu'il avait connue à ses débuts et il apprécie les améliorations faites depuis qu'il en est parti. Il sait maintenant qu'il va être nommé à la procure de la rue Crillon à Paris à la rentrée 1977. Mais ce qu'il ignore, c'est que le supérieur de l'époque, le père Cuq, va décéder au mois d'avril, et qu'à son arrivée à la rue Crillon en septembre, en plus du poste de procureur, il sera aussi le nouveau supérieur. Nommé pour trois ans, il n'a qu'une hâte, c'est de retrouver l'Afrique : "Je tiens à vous préciser qu'aucune attache ne me retient à Paris ou en France et qu'une nomination pour l'Afrique en 1980 serait plus que bienvenue." (04/07/79) En réponse, le Conseil lui promet de lui donner la route en 83. De fait, il est reconduit comme supérieur de la rue Crillon le 16 juin 1980 et la nomination ajoute : "Nous espérons bien que l'échéance de ton mandat n'ira pas au-delà de 83." (16/06/80)
Les circonstances vont en décider autrement. Pendant les vacances de l'été 1980, il a un grave accident de voiture en Italie où il se trouve avec des amis. Il s'en tire avec de nombreuses fractures et sa rééducation est longue et difficile : "Le bras revient lentement, mais ne supporte pas longtemps le stylo. De plus en plus j'abandonne une des deux cannes ; évidemment, c'est long, et il faut bien les moments de prières pour retrouver force et courage." (08/01/81). Il a des séquelles (douleurs à la hanche, etc.), mais le docteur lui dit : "il est bien difficile de faire mieux comme réparation." (07/07/81) Alors, au lieu de retourner en Afrique, il est nommé supérieur de la maison de retraite de Montferrier ouverte depuis deux ans. Dans ses lettres, on voit qu'il a pris très à cœur la santé de ses confrères et donne volontiers des nouvelles de chacun. Un autre accident - il tombe dans la cage de l'ascenseur, en 1981, d'une hauteur de 7 mètres - lui occasionne bien des problèmes. Il n'est alors plus question de repartir en Afrique. Il écrit, philosophe : "Inutile de songer à encombrer un confrère en mission. Mais le moral reste au beau fixe. Quand on se plaint de boiter légèrement, en faisant la grimace, à chaque changement de temps, je ne peux que répondre : "Bien content de voir se prolonger le sursis… c'eût pu être pire.' Mais pas question d'aller en Afrique, même si des amis me proposent le voyage. Ce serait le cafard pour des mois au retour." (ses souvenirs)
Il n'est plus supérieur de Montferrier à partir du 1er janvier 84, mais il reste un peu à la maison pour mettre au courant le père Louis-Marie Moreau qui le remplace comme supérieur. Il est ensuite nommé au 150 pour "travailler à classer et entretenir la bibliothèque du 150 en collaboration et sous la responsabilité du père Jean Guitteny, actuellement au grand séminaire de Bangui ; […] assurer la responsabilité de la diapothèque du 150 ; […] être analyseur sma pour le CEDIM (Centre de documentation missionnaire)." (26/12/83) En 1990, sa nomination est reconduite pour une durée de quatre ans. "La bibliothèque comme la diapothèque ne vous laisseront pas au chômage, sans compter les activités déployées en dehors de la maison. Merci pour les services que vous rendez à la maison et à la Province." (14/03/90) Après 7 ans à Lyon, il retrouve Montferrier. "Le Conseil provincial vous nomme, à partir du 1er mai 1991, et pour une période de quatre ans renouvelable, à la maison de Montferrier, pour y tenir le rôle de vice-supérieur, chargé avec le supérieur de l'animation de la communauté. […] Remplacer le supérieur lorsque c'est nécessaire, être à l'écoute des besoins, des confidences ou encore des doléances des confrères, donner une âme à la maison, maintenir un esprit fraternel." (12/03/91) Il est aussi responsable de la bibliothèque. jusqu'en 2000.
Depuis une bonne dizaine d'années, il avait des problèmes d'audition. Cela l'isolait en partie, sauf quand il était seul avec une personne, mais il acceptait cette situation. Alors il se réfugiait dans la conversation avec celui que l'on entend dans le silence : "La foi, disait-il, c’est faire de Jésus un vivant qui demeure en nous. Quand on a compris cela, on prend du temps pour la prière." Lui-même passait une heure le matin à la chapelle et, quelquefois, une heure le soir. "Je prie pour tout ce que je porte en moi et pour mes frères missionnaires et cela me garde du découragement. Je m’émerveille toujours quand je rencontre à la chapelle d’autres confrères." Il aimait bien lire aussi, mais il ne pouvait plus écouter la musique, et cela lui manquait. Quand on allait le voir, il prenait plaisir à évoquer le passé ; de bons souvenirs, il en avait gardés, et il savait les raconter. Quand sa santé a commencé à décliner sérieusement, il est resté très serein face à sa situation. Il avait demandé depuis quelques années qu'on ne lui cache rien de son état de santé pour qu'il puisse bien se préparer à vivre ce grand moment du dernier passage. Mangeant très peu, et avec beaucoup de difficultés, il était devenu l'ombre de lui-même. Il est décédé après quelques jours d'hospitalisation, dans la paix, sereinement, comme il le désirait.
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