Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 24 janvier 1879 à Strasbourg dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 2 octobre 1900 prêtre le 7 juillet 1901 préfet apostolique le 21 juin 1921 décédé le 15 septembre 1963 |
1900-1907 Richelieu puis Keer, professeur décédé à Haguenau, France, le 15 septembre 1963, |
Monseigneur Joseph DISS (1878 - 1963)
Joseph Diss est né à Strasbourg, le 24 janvier 1878. Son père était originaire de Willgottheim et sa mère de Morschwiller. Ils étaient venus s’établir à Strasbourg, sur le territoire de la paroisse Saint-Louis. Après l’école primaire, le jeune Joseph Diss décida de se préparer à devenir missionnaire et, en 1891, il suivit le Père Schimpf aux Pays-Bas pour y commencer ses études secondaires.
Le Père Schimpf, d’Altenstadt, avait été missionnaire à l’île Maurice. Entré aux Missions Africaines, il était professeur aux Pays-Bas où la Société venait d’établir une école apostolique. Cette école était une extension de celle de Richelieu à Chamalières. Le Père Desribes l’avait ouverte, au mois de mai 1891, d’abord provisoirement au petit château d’Oost, près de la frontière belge, du côté de Liège, puis définitivement dans une maison qu’il avait fait construire sur la colline de Keer-les-Maastricht et qui fut inaugurée en 1893. La nouvelle fondation était destinée à recevoir des élèves des Pays-Bas, mais aussi les enfants originaires d’Alsace-Lorraine, alors séparées de la France.
Il s’agissait, en effet, pour les apostoliques, d’entrer dans un programme d’études exclusivement français, tel qu’il était suivi à Richelieu, et l’on comprend que les débuts demandaient certaines adaptations pour des enfants entièrement ignorants de la langue française. Ils faisaient les premières classes aux Pays-Bas, puis allaient continuer leurs études à Richelieu. C’est ainsi que le jeune Diss fut d’abord élève à Oost et Keer en 1891-1895, puis à Richelieu en 1895-1897. Il entra ensuite au grand séminaire à Lyon, fut admis au serment le 2 octobre 1900 et fut ordonné prêtre le 7 juillet 1901. Il célébra sa première messe solennelle à Strasbourg le 14 juillet 1901.
Il ne fut pas envoyé d’abord en Afrique, mais retenu en Europe comme professeur, à l’école de Richelieu de 1901 à 1904. Au mois de mai 1904, Richelieu fut fermé en conséquence de la politique anticléricale du gouvernement français. Toutes les classes furent transférées à Keer, où le Père Diss continua d’être professeur de 1904 à 1907. La vie de Richelieu se continuait sans changement à Keer : même règlement, même programme des études, même supérieur le Père Desribes. Les professeurs y confectionnaient une petite revue au titre solennel de La Pensée Contemporaine et qui devait proposer à ses lecteurs, dit le premier numéro du 15 octobre 1904, des articles spéciaux consacrés au mouvement de la pensée humaine dans l’ordre religieux, philosophique, littéraire, artistique, scientifique, politique et social.
Le Père Diss, qui fut professeur de langues et de musique, y collaborait, se proposant en particulier d’entretenir ses aimables lecteurs de l’Histoire dans ses grandes lignes : sa nécessité, ses avantages, sa beauté, la divine Providence manifestée par le va-et-vient des contingences humaines. Il quitta Keer en 1907 et, de 1907 à 1909, il fut professeur à Chanly et à Andlau. La maison de Chanly était une école apostolique, mais elle ferma en 1907 : cette année-là, les apostoliques de Chanly rejoignirent la maison de Keer et furent remplacés par les novices de Lyon. En 1909, le Père Diss fut envoyé à l’île de Samos et chargé de l’école de la mission catholique. Enfin il revint en France en 1911 et, pendant l’année scolaire 1911-1912, il fut professeur au grand séminaire à Lyon.
En 1912, il put partir pour la Côte d’Ivoire. Il devait être missionnaire dans ce pays de 1912 à 1939 et de 1946 à 1955. Il y fut Préfet Apostolique pendant 17 ans, de 1921 à 1938.
À son arrivée en 1912, il fut nommé pour la mission de Bingerville, où il resta jusqu’à la guerre. Mobilisé le 2 août 1914, car il avait opté pour la nationalité française, il fit d’abord un stage d’infirmier de six mois à Dakar, puis renvoyé à Abidjan au 5e B.T.S., Bataillon de Tirailleurs Sénégalais, il tint les fonctions de vaguemestre et de sergent fourrier. Mis en sursis d’appel à la fin de 1917, il resta à Abidjan, où il était seul missionnaire. Vers la fin de 1919, il rentra en Alsace pour un congé. De retour en Côte d’Ivoire l’année suivante, il fut nommé vicaire à Memni, chez le Père Méraud. Quelque temps plus tard, il fut, selon son expression, transplanté de la grande forêt dans la grande savane. En effet, le 25 juin 1921, une décision romaine le nommait Préfet Apostolique de Korhogo.
De quoi s’agissait-il ? La Côte d’Ivoire, constituée en colonie française en 1893, les Pères des Missions Africaines y étaient arrivés en 1895. C’était une Préfecture Apostolique. En 1911, le Sud devint Vicariat Apostolique, tandis que le Nord fut la Préfecture Apostolique de Korhogo. Le premier Préfet Apostolique de Korhogo fut le Père Kernivinen, qui démissionna en 1918. Le Père Bedel le remplaça en qualité de Pro-Préfet de 1918 à 1920. Le territoire de la Préfecture s’étendait sur plus de 100 000 km2 et comprenait tout le nord de la Côte d’Ivoire à partir de 8° de latitude nord environ.
Lorsque le Père Diss y arriva comme Préfet Apostolique, il y avait deux missions, Katiola et Korhogo, avec quelques dizaines de chrétiens et quatre missionnaires : les Pères Vion et Van Leeuwen à Korhogo et les Pères Porte et Tranchant à Katiola. La mission de Katiola était constituée par quatre cases rondes, situées en pleine solitude, au haut d’une colline ; il y avait une église assez grande : 25 m de long sur 7 de large. À Korhogo, la mission et son humble chapelle étaient également isolées, au milieu d’un bois et loin de toute circulation.
Mgr Diss passa à Katiola au mois de novembre 1921. Il redescendit à Memni, qu’il quitta définitivement le 8 janvier 1922. Il resta deux mois à Katiola et se rendit ensuite à Korhogo.
À Korhogo, l’emplacement de la mission était décidément trop défectueux et ne favorisait pas l’action des missionnaires. Monseigneur autorise à entreprendre de nouvelles constructions. On envisage donc de se transporter au centre du village, d’y construire une maison d’habitation avec ses dépendances, une école et une église. Les travaux commencent dès 1922. Mais l’on se demande si les ressources permettront d’arriver au bout des travaux. C’est que la Préfecture de Mgr Diss souffre d’une grande pénurie de moyens matériels. Cependant, le 25 décembre 1923, la mission de Korhogo put fêter Noël dans sa nouvelle église. Mais elle n’était pas très richement meublée et, l’année suivante encore, le Père Knops, constatant que l’église de Korhogo si pauvre commençait à se parer, se dit : elle passe de la misère à la pauvreté.
Malgré l’extrême pauvreté, malgré le manque aussi de missionnaires, toujours trop peu nombreux, malgré les obstacles sérieux venant de la situation religieuse et sociale des populations, l’évangélisation fait des progrès dans la Préfecture. En 1923, Monseigneur ouvre une nouvelle mission à 35 km de Korhogo, à Sinématiali. Il y établit son palais épiscopal, une chaumière très basse, composée de trois chambres. Il résidera à Sinématiali jusqu’en avril 1934. Plus à l’est il commence également la mission de Ferkéssédougou. Le Père Bonhomme, en 1924, est chargé de la fondation définitive de cette mission, avec le Frère Pierre Brétéché.
Le travail des missionnaires commençait donc à donner des fruits. Partout, écrit Monseigneur, on demande la présence des Pères ; de partout il arrive des députations nous suppliant de nous établir dans les villages ; partout on veut des écoles. Et il pouvait ajouter, au mois de janvier 1924 : Dieu bénit nos efforts. Vraiment la Préfecture prend tournure. Dieu en soit loué et remercié.
Pour mieux étudier le pays, prendre des renseignements sur les religions, le degré de pénétration déjà réalisé par l’Islam, Monseigneur entreprit un long voyage dans l’Ouest de la Préfecture, en compagnie du Père Vion. C’était le début de 1924. Les 1 168 km de cette tournée devaient être parcourus à pied et à bicyclette. Car les moyens de transport étaient fort réduits en ce temps-là. La bicyclette même était une manière de luxe. Nous voyons un vieux missionnaire, le Père Bonhomme, 72 ans, à Ferkéssédougou, en 1925, se réjouissant d’une bonne nouvelle, l’envoi d’une bicyclette : combien il remercie le généreux donateur qui lui a procuré ce rapide moyen de transport.
Les souvenirs de Monseigneur sur le voyage de 1924 ont été reproduits dans le Messager des Missions Africaines en 1948-1949. Les deux Pères commencèrent leur tournée d’étude et d’inspection le 28 février ; ils passèrent à Boundiali, Kouto, Odienné, Touba, Séguéla, Bouaké et arrivèrent à Katiola, où prenait fin leur exploration. Au retour, Monseigneur note que, en général, l’Islam est déjà bien répandu dans la région. Mais il reste beaucoup à faire dans les villages où domine encore l’animisme. Et il est temps, grand temps de s’y mettre. On essaiera contre et malgré tout, écrit-il. Dieu n’abandonnera pas les missionnaires qui comptent sur sa providence, qui se fient à elle et qui, avec bonne volonté et sans craindre ni déboires ni sacrifices, veulent faire l’œuvre du Christ Rédempteur. Oui, malgré tout, nous irons de l’avant : Dieu le veut !
Le premier pas dans ce sens fut la fondation de Kouto. Dans son voyage, Monseigneur avait remarqué ce village étendu mollement sur le flanc de la colline qu’il venait de grimper. Grand et beau village, écrit-il, et la première idée qui jaillit dans ma tête en descendant vers le cours d’eau, est celle-ci : comme une mission serait bien placée sur ce coteau. Il y a ici plus de vie, plus de mouvement que dans les autres villages. Nombre de femmes s’en viennent puiser de l’eau. Je n’avais pas, comme Notre Seigneur à la Samaritaine au puits de Jacob, l’intention de demander à boire, mais je me disais : si seulement tout ce monde, poussé par la soif de la vérité, venait un jour à la mission, auprès des missionnaires, puiser de l’eau qui rejaillit à la vie éternelle. La mission fut fondée le 12 janvier 1927 par le Père Vion. Elle se développa. Le 9 juin 1936, le Préfet Apostolique put y bénir solennellement une vaste et belle église, construite par le Père Vion et par le Père Vonwyl.
Ainsi était donnée au Préfet Apostolique et à ses missionnaires, la joie de voir se répandre la foi chrétienne. Monseigneur pensa aussi à se faire aider dans cette œuvre par des Religieuses, en particulier pour le soin des malades. Ce furent les Sœurs missionnaires du Sacré-Cœur de Menton ; les premières arrivèrent en 1927 à Sinématiali, un deuxième groupe suivit en mars 1929 à Katiola.
Il y eut aussi, bien sûr, de grandes épreuves, sans compter les privations de chaque jour. Ce fut surtout la mort des missionnaires, qui succombaient, parfois jeunes, à la tâche. Ce furent aussi des dommages matériels. Ainsi, en 1926, au début de janvier, l’église, l’école, les dépendances de la mission de Katiola furent complètement détruites par un incendie. En 1927, un incendie, causé par un feu de brousse, détruisit la mission de Ferkéssédougou. Le Père Bonhomme assistait à la ruine de son œuvre. En moins de deux heures, écrit-il, la moitié du village était réduite en cendres. Notre chapelle-école, notre magasin à provisions, les cases servant de logement à nos enfants, toutes les dépendances de la mission, ont été la proie des flammes.
Malgré les épreuves et les obstacles, partout et avec succès on poursuivait le travail missionnaire. En est un beau témoignage la double fête que l’on put célébrer à Katiola un dimanche de Quasimodo en 1933 : le 25e anniversaire de la fondation de la mission et l’inauguration d’une belle et grande église, 60 m de long sur 18 m 40 de large, murs construits entièrement en pierres, les piliers en béton, une œuvre réalisée grâce à l’énergie et au dévouement de l’excellent Frère Théodose Kalbermatten.
Mgr Diss, qui peinait alors à Kouto comme un simple missionnaire, descendit pour présider les fêtes et inaugurer l’église, une église pour laquelle, écrit le Père Etrillard, il avait si souvent tendu la main à ses généreux bienfaiteurs de France et dont il avait lui-même dressé les plans. On vit aussi à ces fêtes Mgr Moury, Vicaire Apostolique de la Côte d’Ivoire : il avait été, avec le Père Porte, le fondateur de la mission de Katiola en 1908 ; ces deux Pères, comme l’écrit encore le Père Étrillard plantèrent la croix de Katiola et tout en construisant de très modestes cases recouvertes d’herbes sèches, ils commencèrent à jeter la bonne semence. Et la bonne semence avait fructifié : en cette année 1933, la mission de Katiola comptait plus de 3 000chrétiens baptisés.
En 1934, Mgr Diss s’installa définitivement à Katiola, la mission la plus belle assurément de la Préfecture, la plus florissante. Il y ouvrit, en septembre 1936, un petit séminaire, qui fut confié aux Pères Jules Meyer et Pfister.
D’autres stations furent ouvertes dans le sud de la Préfecture. Déjà en 1924, une mission avait été commencée à Tafiré. Mais elle avait dû être abandonnée, elle fut ouverte de nouveau en 1936. En 1936 également, il fut décidé la création d’un poste principal à Boniérédougou ; la mission de Katiola y avait ouvert une école en 1934 ; en 1937 le Père Mockers fut nommé pour Boniérédougou et il devint ainsi le premier apôtre du peuple djimini. Enfin en 1937, la mission de Niakaramandougou, à 70 km au nord de Katiola, fut ouverte par le Père Nicolas Weber et le Père Albert Rœsch.
Mais une grande portion de la Préfecture, tout l’est, était restée longtemps sans missionnaires. En 1924, Mgr Diss écrivait au Père Chabert, supérieur général, qu’il avait l’intention de faire une tournée du côté de Bondoukou, mais que, les circonstances ne l’ayant pas permis, ce n’était que partie remise. C’est seulement au mois de mars 1934 qu’il put faire un voyage dans ce pays, en compagnie du Père Brédiger, provincial de Strasbourg, et du Père Étrillard. Ils trouvèrent des chrétiens à Bondoukou. Monseigneur retourna dans l’est vers la fin de l’année et à Noël il célébra la messe de minuit à Bondoukou. Une mission serait établie dans cette région. Le choix de la station principale fut fixé sur Tanda qui, au mois de janvier 1935, reçut son premier missionnaire, le Père Jean Jacoby, suivi au mois de mars par le Père Georges Fix, supérieur de la station.
Parvenu à l’âge de 60 ans, Mgr Diss jugea qu’il fallait laisser à un plus jeune la responsabilité et l’autorité dans la Préfecture Apostolique. Il présenta sa démission le 13 juin 1938. Elle fut acceptée le 1er octobre, mais il devait continuer à administrer la Préfecture jusqu’à la nomination de son successeur. Celui-ci fut nommé le 7 janvier 1939 ; c’était le Père Edmond Wolff, qui était alors visiteur et supérieur de la mission de Ferkéssédougou.
Mgr Diss quitta la Côte d’Ivoire le 25 mai 1939. Il arriva à Marseille le 5 juin. Du mois de septembre 1939 au 1er août 1940, il séjourna à Vigneulles. Puis, en 1940-1941, à cause des circonstances nouvelles issues de l’annexion allemande, il resta dans sa famille à Strasbourg. Il fut, en novembre-décembre 1941, aumônier chez les Sœurs de Ribeauvillé à Soultzbach. En 1942-1943, il fut vicaire, puis administrateur de la paroisse de Dieuze, qui était alors Duss, Westmark. Enfin, du 4 septembre 1943 au mois de janvier 1946, il fut administrateur de la paroisse de Hattstatt, dans le Haut-Rhin. Ainsi s’étaient passées les années de guerre.
Mgr Diss décide alors de retourner en Afrique. Le 28 mai 1946, âgé de 68 ans, il s’embarque pour la Côte d’Ivoire. Il est missionnaire à Niakaramandougou, à Boniérédougou et, en 1948-1951, à Tanda. Il fête à Tanda, en 1951, ses noces d’or sacerdotales, qu’il vient également célébrer en Alsace durant un congé au cours de l’été. De retour en Côte d’Ivoire, il se trouve à Boniérédougou à Noël 1951 : Notre mission est le pauvre entre les pauvres de la Préfecture, écrit-il. Il reste à Boniérédougou jusqu’en 1955. Il s’embarque à Abidjan le 30 juillet 1955 pour rentrer définitivement en Alsace.
Apôtre généreux, Mgr Diss avait porté jusque-là le poids du jour et de la chaleur. Joies et peines avaient été son lot. Il les avait acceptées les unes et les autres selon les exigences de sa vocation missionnaire. Le moment était venu maintenant de cesser les grandes activités. Il passa les premières années de cette retraite au Zinswald, qui était alors notre maison d’accueil pour les confrères âgés et malades. Le Père Schahl s’y trouvait déjà et l’on vit souvent les deux vénérables vétérans se confier leurs idées, leurs souvenirs et leurs espérances tandis qu’ils se promenaient ensemble sur la petite route sinueuse qui relie au monde le Château du Zinswald. En 1959, la maison de Zinswald étant devenue école apostolique, Mgr Diss se retira dans notre maison de Haguenau. Il mourut à la Clinique Saint-François de Haguenau le 15 septembre 1963.
Mgr Diss était Chevalier de l’Étoile Noire du Bénin, Officier de la Légion d’Honneur, Chanoine d’Honneur de la Cathédrale de Strasbourg.
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