Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 24 août 1919 dans le diocèse de Laval (France) membre de la SMA le 6 août 1936 engagement permanent le 4 mai 1947 décédé le 24 octobre 2008 |
1938-1945 Ave et Auffe (Belgique, services dans la maison décédé à Montferrier-sur-Lez, le 24 octobre 2008, |
Le frère Bernard LAURENT(1919 - 2008)
Originaire de la Mayenne, Bernard Laurent naît en 1919 dans une famille profondément chrétienne. Il aura un frère prêtre et une sœur religieuse. Après d'assez bonnes études primaires, il commence sa formation missionnaire à Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine) en 1934, puis à Offémont (1935), dans l'Oise, et au Rozay, dans la banlieue de Lyon. C'est là qu'il fait son premier serment d'appartenance à la SMA le 6 août 1938. Il a alors 19 ans. Déjà à cette époque, on note qu'il a une santé médiocre. On souligne qu'il "a été atteint à plusieurs reprises de rhumatismes articulaires aigus, avec localisation sur l'endocarde"; on signale également une insuffisance mitrale et un foie à surveiller. Tout effort violent lui est interdit; le docteur précise qu'il lui faut un travail sédentaire ou un travail au grand air. A la fin de l'année 1938, il est nommé à Ave, où il est employé aux même travaux de la ferme qu'au Rozay, le père supérieur, le père Raingeard, étant chargé de veiller spécialement sur sa santé.
En 1940, il est mobilisé et affecté à Loches, dans l'Indre-et-Loire. Dans une lettre écrite six mois après son incorporation, il dit que son état de pauvreté ne lui permet pas de payer le voyage pour aller à Lyon en permission, mais dans la même lettre, parlant de l'allocation attribuée aux frères pendant leur service militaire, il écrit : "Comme je sais que les prisonniers ont besoin de secours, je vous prie de disposer de la moitié de cette somme pour leur venir en aide" (6/11/1940). On connaît les vers du poète :
"Quand un pauvre a pitié d'un plus pauvre, mon Père
veille sur sa demeure et veut qu'elle prospère."
En 1941, il fait un stage d'agent de transmission et, après sa démobilisation en 1943, il retourne à Ave où, désormais, il y a un gérant salarié, et c'est sous son autorité qu'il doit travailler. Cela ne va pas sans poser quelques problèmes, car même si ce fermier "est un homme parfait en son métier et d'une honnêteté sans remarque", il regrette d'être "dégagé de toute responsabilité". Il demande alors à apprendre un métier. Cela est nécessaire pour partir en mission, écrit-il, "et mon devoir est de me mettre à même de réaliser le but que je me suis proposé en faisant mon serment : aller en Afrique". En 1946-1947, il passe alors une année complète à l'abbaye de Clervaux qui, à cette époque, la guerre vient de se terminer, est en pleine reconstruction. Le père Boucheix, provincial pourra écrire en mars 1947 : "J'ai recueilli les meilleurs renseignements de la part du R.P. Prieur et des Frères convers chargés des différents services où travaille le frère." […] Il a eu "l'occasion unique de faire un apprentissage vraiment pratique dans tous les domaines qui l'intéressent, spécialement la menuiserie, la charpente, le ciment armé et la soudure autogène." Il fait son serment permanent avant de partir en Afrique.
Il va passer au total 15 ans en Afrique, de 1947 à 1962, d'abord 5 ans à Ouidah, au Dahomey, dans le vicariat de Mgr Parisot, puis 10 ans à Béoumi, dans la préfecture puis le diocèse de Bouaké, chez Mgr Duirat. Le père Domas, qui a bien connu le frère, résume ici son travail en Afrique: "En 1947, le frère Laurent arrive à Ouidah, au séminaire Saint-Gall. Il est responsable de la menuiserie ; il a 4 ouvriers et 6 apprentis. Il s'agit surtout de faire des meubles pour le séminaire : tables, bureaux, bancs. Mais il n'y a pas de bois. Les madriers d'irokos viennent du centre et du nord. Il n'y a pas non plus de machines. Pendant un temps, le frère Laurent va assurer l'économat après le décès du frère Jacques Irigoin d'une bilieuse découverte trop tard. Il ne va pas dans les villages et ne fait pas de catéchèse. Le soir, il réunit ouvriers et apprentis pour leur parler de l'évangile. Au début, ils venaient à la messe chaque matin, mais on lui fait remarquer que ce ne sont pas des séminaristes.
En 1952, après son congé, le frère Laurent part en Côte d'Ivoire. Il est nommé à Béoumi pour prendre la responsabilité de la menuiserie qui est équipée de machines : scie circulaire, toupie, Il aura un accident et perdra la moitié des doigts d'une main. A Béoumi, il travaille surtout pour l'église en construction : autel et bancs. Et le bois ne manque pas ! Il a retrouvé à Bouaké l'un de ses anciens apprentis de Ouidah, devenu chef menuisier. En 1962, il est obligé de rentrer définitivement pour raison de santé. Il garde un souvenir inoubliable de son séjour en Afrique et ne tarit pas d'éloges sur la disponibilité et l'habileté de ceux qu'il a formés. C'est sa fierté."
C'est pour une raison de santé, une dépression nerveuse, que le frère doit être rapatrié définitivement en janvier 1962. Il ne s'en remettra jamais complètement. Il sera même obligé de faire deux séjours de traitement à l'hôpital psychiatrique des Frères de Saint-Jean de Dieu. En 1963, à l'occasion des 25 ans de son premier serment, le provincial, le père Bruyas, dira dans son homélie au cours de la messe : "Le troisième fruit que vous avez récolté dans le déroulement de votre vie, c'est un sourire perpétuel : un tel état d'âme suppose une rare maîtrise de soi et un grand esprit surnaturel." (17/10/63) En 1964, il est nommé à l'imprimerie au 150, à Lyon, et n'y restera que deux années à la suite desquelles il est affecté à la Croix-Valmer. Diminué un peu mentalement, il rendra cependant de multiples services dans la maison pendant 13 ans. Tout naturellement, à la fermeture de cette maison, il ira à Montferrier dans la nouvelle de retraite, où, au moins au début, il continuera à rendre les mêmes services dans la maison ou à la cuisine.
Il deviendra peu à peu dépendant, dans la mesure où il ne pouvait plus marcher et se trouvait dans un fauteuil roulant depuis presque 10 ans. Il aimait parler, même si, depuis plusieurs années, on avait des difficultés à le comprendre. Il aimait rappeler ses souvenirs de Ouidah et de Béoumi, il aimait parler des Africains : "Parmi eux, il y avait de bons et habiles travailleurs. Un jour, j'en ai présenté deux à un concours professionnel, et il sont été reçus les deux premiers; j'étais très fier," rappelait-il en 2003. Malgré ses handicaps, il a toujours garder sa bonne humeur, ne se plaignait pas de sa situation et il se laissait docilement faire par le personnel. Avec son départ, c'est le dernier survivant des anciens de la Croix-Valmer qui nous quitte. C'est comme une page qui se termine. L'essentiel, c'est qu'on l'ait bien écrite."
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