Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 11 mars 1928 à St Philbert de Grand Lieu dans le diocèse de Nantes membre de la SMA le 27 octobre 1947 prêtre le 11 février 1952 décédé le 8 novembre 2010 |
1952-1955 Pont-Rousseau, professeur décédé à Montferrier sur Lez, le 8 novembre 2010, |
Le père Joseph HÉRY (1928 - 2010)
Joseph Héry est né le 11 mars 1928 à Saint-Philbert de Grand Lieu, dans le diocèse de Nantes. La famille est modeste : le papa et la maman travaillent la terre pour élever leurs cinq enfants, trois garçons et deux filles. Joseph se fait remarquer par une intelligence plutôt au-dessus de la moyenne. Il saute sans doute une classe pendant ses études primaires, ce qui fait que, lorsqu'il rentre à Pont-Rousseau en classe de 6e, en 1938, il est le plus jeune élève du petit séminaire. Cela lui vaudra, lui le bébé de la maison, d'avoir le droit le manger la bouillie le jour de la fête des Saints Innocents, le 28 décembre 1938. Il obtient normalement la première partie du baccalauréat, fait son noviciat de 1945 à 1947 et n'a pas encore 20 ans lorsqu'il fait son premier serment d'appartenance à la Société. Après une année de service militaire dans la région de Dinant, puis au camp militaire d'Aucaleuc, où il est particulièrement apprécié, et quatre ans de théologie au séminaire du 150, il est ordonné prêtre le 11 février 1952, par le cardinal Gerlier. Ils sont 12 nouveaux prêtres ce jour-là, comme les apôtres !
Il ne part pas en Afrique de suite après son ordination : il est nommé professeur à Pont-Rousseau où il sera titulaire de la classe de 5e. Plusieurs de ses anciens élèves de l'époque évoquent encore aujourd'hui son souvenir : excellent professeur, toujours souriant, calme et préparant fort bien tous ses cours. Lorsqu'il avait terminé ce qu'il avait préparé de présenter pour une classe, il prenait alors un livre de lecture distrayante : deux de ses anciens élèves racontent que c'est ainsi qu'ils ont connu pour la première fois le Petit Chose, le roman autobiographique d'Alphonse Daudet. Au bout de trois ans, en 1955, il reçoit une nomination pour l'Egypte. Il commence par enseigner au collège de Tanta pendant deux ans, avant d'être curé à Chibin, paroisse de rite copte. Mais il ne trouve pas son plein épanouissement dans cette paroisse et, peut-être aussi, regrette-t-il ses années de professorat. Alors il demande son changement et obtient d'être envoyé en Côte d'Ivoire et de nouveau dans l'enseignement. Nous sommes en 1963. Il ne quittera le pays qu'en 2006 après 43 années passées dans l'enseignement secondaire, un record, sans doute !
Il est d'abord envoyé au petit séminaire de Bouaké, au centre du pays : cette maison ne couvrait que le premier cycle des études secondaires. Il y enseigne l'histoire et la géographie dans plusieurs classes et le français en 3e. Discret, effacé, comme il le sera toujours, casanier même, mais toujours présent et disponible pour les élèves qui avaient besoin de raconter leurs misères ou leurs difficultés, beaucoup l'avaient choisi comme directeur spirituel : il savait écouter et prenait son temps. On le voyait aussi de temps en temps effectuer quelques travaux dans le jardin du séminaire : ce qu'il faisait, il le faisait bien. En 1970, c'est la fermeture du petit séminaire de Bouaké qui devient alors le séminaire second cycle B, pour préparer les jeunes à l'entrée au grand séminaire, sans la perspective d'un diplôme final officiel, mais avec une culture élargie, alliant l'apprentissage de la catéchèse à l'étude de la comptabilité ou de la mécanique. Joseph Héry est alors envoyé au petit séminaire de Gagnoa. Il n'en sortira que pour prendre sa retraite en 2006.
Professeur titulaire de la classe de 4e, - mais durant 36 ans, il n'est certainement pas toujours resté dans la même classe - il conserve à Gagnoa les qualités qui ont fait de lui un bon professeur à Bouaké. Toujours souriant, accueillant, bienveillant, il a su, malgré les années, rester proche des élèves qui n'hésitaient pas à aller frapper à sa porte. Tous les après-midi, il était présent à l'infirmerie pour s'occuper de tous les bobos qui pouvaient arriver dans un groupe d'une centaine de jeunes garçons. Il avait même à cœur de s'entourer dans cette tâche de quelques élèves qu'il formait pour soigner et qu'il encadrait pour organiser l'infirmerie. Toujours revêtu de sa soutane beige, on le voyait le plus souvent avec, au bord des lèvres, un mégot de cigarette qu'il avait roulée lui-même avec du bon gris qu'il avait fait venir exprès de France. Il savait à merveille réparer les chaussures : c'était le cordonnier du séminaire. Certains de ceux qui l'ont connu affirment même qu'il passait de longues heures dans sa chambre à tricoter pour les élèves. Pour les épreuves officielles du baccalauréat, on avait recours à ses services pour la correction des épreuves de grec.
Un confrère qui l'a bien connu à Gagnoa témoigne ainsi : "Joseph était un homme calme, […] qui passait facilement inaperçu. Pour entendre sa voix, il fallait lui poser des questions et attendre patiemment qu'il choisisse les paroles pour répondre. C'était l'homme casanier qui avait toujours quelque chose à faire. On arrivait difficilement à l'entraîner dans quelque sortie dans les missions avoisinantes, et s'il acceptait de taper une belote le dimanche, il pouvait fort bien passer la soirée presque en silence, en se limitant aux "annonces" du jeu et à un sourire à peine ébauché si le jeu lui était favorable. On voyait qu'il aimait l'enseignement (matières littéraires, histoire et géographie) qui lui était rendu plus facile et même agréable par sa longue expérience. […] Un homme facile à vivre, non insensible, mais qui maîtrisait parfaitement ses émotions et que l'on sentait proche et amical en toute occasion.
"La grande pièce où il logeait au premier étage du séminaire - coupée en deux par un rideau qui séparait le bureau de la chambre - valait la visite. Un thermomètre suspendu à la porte ; un petit tableau accroché au mur reproduisant une image et un texte en copte rappelait son séjour égyptien ; une chaise et un prie-dieu où il recevait pour le sacrement de réconciliation les séminaristes qu'il accompagnait vers le sacerdoce, et aussi les confrères qui, de passage à Gagnoa, étaient contents de bénéficier de sa disponibilité permanente et de sa discrétion ; sa table de travail avec des livres et des piles de cahiers à corriger ; et puis tout un ensemble de choses qui donnait à la pièce plus l'allure d'un atelier ou d'une salle de soins que d'un bureau d'enseignant. […] Il a vécu de longues années, pas toujours faciles et avec de profonds changements, avec le clergé ivoirien diocésain, et il a ainsi contribué à la formation de plusieurs dizaines de prêtres de Gagnoa et d'ailleurs. Il a été le dernier membre de la Société au service du diocèse de Gagnoa."
De sérieuses alertes de santé en 2005 lui font, pour la première fois, parler d'un retour possible en France. Il rentre dans des conditions difficiles et se remet peu à peu à Montferrier. L'année suivante, il obtient l'autorisation d'aller reprendre contact avec Gagnoa, mais il voudrait prolonger son séjour et le Conseil provincial doit user de toute son autorité pour le faire revenir. Il rejoint alors Montferrier définitivement et, pendant 4 ans, il va mener une vie de retraité calme et paisible. Il passait de longues heures dans sa chambre, mais il aimait bien aussi aller se promener dans la nature, non loin de la maison. Il s'était même aménagé un petit coin à lui, avec des vieux pneus et des pierres, où il aimait bien se retirer tout seul. Très tôt levé, il avait choisi pourtant chaque jour de participer à la messe de 10 h ; et il y arrivait le premier, le chapelet à la main. Le matin, avant de descendre pour le petit déjeuner, il se mettait à son bureau et priait son bréviaire. Le 8 novembre, ne le voyant pas au réfectoire, l'un des membres du personnel monte dans sa chambre pour aller aux nouvelles. Il était là, assis devant sa table, devant son bréviaire ouvert, déjà mort. Discrètement il a vécu, discrètement il est parti…
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