Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 1er octobre 1928 à Lyon dans le diocèse de Lyon (France) membre de la SMA le 24 juillet 1948 prêtre le 11 février 1953 décédé le 19 novembre 2013 |
1953-1958 Pont-Rousseau, professeur de 4ème décédé à Montferrier-sur-Lez, le 19 novembre, |
Le père NICOLAS PAUL MARIE NOËL MOUTERDE
1928 - 2013
Pur lyonnais d'origine, Nicolas Mouterde voit le jour le 1er octobre 1928 entre Rhône et Saône, dans l'appartement de sa grand-mère maternelle ; il n'était pas attendu pour ce jour-là, sa maman étant en visite chez sa mère. Ses parents habitaient sur la colline, dans l'ouest lyonnais, chez la grand-mère paternelle, une propriété de près de deux hectares avec de nombreux arbres fruitiers ; c'était presque encore la campagne à cette époque. Son papa était employé aux syndicats agricoles du Sud-Est. Ils étaient cinq enfants dans la famille. C'est sa grand-mère, personne très instruite, qui lui apprit à lire alors qu'il n'avait que cinq ans ; aussi, il s'ennuya fort au cours de sa première année à l'école primaire de sa paroisse quand le maître apprenait à lire aux enfants. C'est le vieux curé de la paroisse, le père Augustin Saron, qui le prépare à la première communion. Nicolas écrit : "Je me souviens très bien du jour où il a dit : Je suis vieux ; quel est celui d'entre vous qui va me remplacer ? En moi-même je me suis dit : Pourquoi pas moi."
En 1937, - il a 9 ans - il entre en 7e au collège Notre-Dame des Minimes, collège tenu par les prêtres du diocèse. Il y fait toute sa scolarité. Quand il évoque cette période de sa vie, il a encore en mémoire la photo de ses anciens professeurs qu'il décrit avec humour : il écrit par exemple : "Le professeur de 7e, le père François Charpe, était gros, rouge de figure, parlant fort et maniant le martinet de temps en temps. Il faisait peur ; il était surnommé 'l'éléphant rouge'. Mais c'était un fort brave homme." Il raconte que, déjà à cette époque, il aimait bien lire : "Quand j'étais libre, j'allais souvent dans la salle de travail de ma grand-mère pour lire. C'est ainsi que je fis connaissance avec l'Almanach Noir des Missions Africaines que ma grand-mère achetait tous les ans. J'ai commencé à aimer l'Afrique." En 1945, il échoue à la première partie du baccalauréat ; c'est alors qu'il se présente aux Missions Africaines, à Lyon, où il est reçu par le père Paul Perrin, conseiller provincial. Et, en septembre, à la rentrée scolaire, il entre à Pont-Rousseau, en classe de philo. "Durant la seule année de philosophie passée dans notre maison a toujours été bon exemple, timide parce que modeste, Vocation solide." (le supérieur de Pont-Rousseau, 01/07/46)
Avant d'aller plus avant dans cette biographie, il ne faut pas passer sous silence deux éléments importants de la vie de Nicolas durant sa scolarité à Lyon : la guerre et la colonie de Coisia. Même s'il était trop jeune pour y participer, il a connu de près cette guerre de 39-45, les bombardements, les alertes, les restrictions, l'occupation. Il écrit : "Les premières années, j'ai connu les alertes aériennes, les tirs de la DCA, j'ai souvent entendu les éclats des obus qui retombaient sur le sol. […] Beaucoup de produits étaient rationnés. Je me retrouvais souvent le ventre vide et les repas au collège n'étaient pas très nourrissants. […] Pendant l'occupation allemande, nous avons connu la faim et les bombardements. Le plus important de la région lyonnaise fut celui du 26 mai 1944 fait par les forteresses volantes américaines, vers 11 h. Je m'attendais à mourir. J'ai eu très peur. Les quartiers de Perrache et de Vaise avaient été les plus touchés à cause des gares. J'ai beaucoup travaillé à sortir des meubles des maisons sinistrées. […] Des balles m'ont sifflé aux oreilles, dont deux fois par ma faute."
Coisia, c'est un petit village du Jura où venaient, en colonie de vacances, des jeunes pieds noirs de Tunisie. Pendant la guerre, ils ne pouvaient pas venir et le père Pey à l'origine de cette colonie, un membre du Prado d'origine lyonnaise, les a remplacés par des petits Lyonnais : Nicolas s'est beaucoup investi dans cette colonie : il y a commencé comme petit colon en 1942 et y sera fidèle comme moniteur jusqu'à son départ en Afrique en 1958, sauf pendant son temps de noviciat et de service militaire. Plusieurs confrères de la Société, séminaristes à l'époque, ont encadré cette colonie sur son initiative. En 1951, il père Pey enverra le certificat suivant : "Relations avec les enfants fermes et parfois un peu 'militaires', mais inspirées par le bien de l'enfant ; […]méditation chaque matin 30 minutes avant le lever des colons." (10/09/51)
En 1946, il part à Chanly pour le noviciat. "J'ai bien apprécié ce temps de noviciat : le règlement, l'instruction, les promenades à pied dans les Ardennes, mon travail d'apiculteur malgré de très nombreuses piqures d'abeilles." Deux ans plus tard, après seulement quelques semaines à Lyon au 150, il part au service militaire. Après ses classes à Auxerre, il est envoyé à Strasbourg pour se préparer à une école d'officiers, mais, "étant nul en mathématiques, je n'ai pas été admis." Il finira sergent et sera libéré au moment où son bataillon est envoyé à Paris "à cause de la grève des boueux".
Le 24 juin 1953, il reçoit sa première nomination signée du père Bruyas : "Le Conseil provincial vous a nommé comme professeur à Pont-Rousseau, en remplacement du RP Montagut qui a la chance de prendre le chemin de l’Afrique. Ce sera un jour votre tour aussi." Apprenant par le père Kerlévéo qu'il allait être chargé de la classe de quatrième et non de la sixième comme on le lui avait laissé entendre, il écrit au Provincial : "Je crois que je puis arriver à faire un professeur de sixième, mais non de quatrième. Je vous le dis franchement." (11/07/53) Il est aussi moniteur de préparation militaire pour des élèves qui avaient besoin d'un sursis. Enfin, en août 1958, alors qu'il est en colonie à Coisia, il apprend qu'il est nommé à la préfecture apostolique de Parakou, chez Monseigneur Chopard. Il embarque au mois d'octobre sur le Jean Mermoz en compagnie du père André Guillard.
Au total, il va passer 42 ans de sa vie au nord Bénin, toujours en pays de première évangélisation. Il commence par Tanguiéta où il est envoyé pour apprendre la langue, mais les circonstances vont faire qu'il va y rester 12 ans. Il a comme curé le père Jean-Baptiste Duffès qu'il doit remplacer au bout de deux ans. Tanguiéta signifie "la montagne coupée", le village est au pied de la montagne de l'Atakora et est en pays Tankamba, mot qui veut dire "les hommes de la montagne", mais il y a de nombreux étrangers. Sans négliger le moins du monde le côté spirituel de sa mission, Nicolas sera toute sa vie très sensible aux conditions matérielles très difficiles de la population. Dans ses lettres, il parle toujours des conditions climatiques, de la famine, des maladies, des personnes qu'il conduit à l'hôpital, etc.
Dans sa circulaire de fin d'année 1970, au moment où il va quitter Tanguiéta, il est tout heureux d'écrire : "Le 29 juin, inauguration spectaculaire de l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu par le Président de la République, entouré de nombreux ministres. […] La joie de la population était grande de penser qu'on pourrait, enfin, se faire soigner convenablement. […] Ce qui a malheureusement le plus marqué Tanguiéta, cette année, c'est la famine, conséquence d'une mauvaise répartition des pluies ; les gens ont beaucoup souffert, certains en sont morts. […] Si la pluie a manqué en juin, et fait défaut encore actuellement, il n'en a pas été de même le 17 septembre. Ce jour là, je montais sur Tora conduire une jeune femme récemment opérée. Vers 16 heures, la pluie venait de commencer. Quelques instants après, c'était un vrai déluge qui m'obligeait à m'arrêter à plusieurs reprises avant que je me décide à faire demi-tour. Dans les gorges, deux kilomètres avant Tanguiéta, la route était coupée. Un torrent furieux m'obligeait à attendre une heure, avant d'abandonner ma voiture et de rentrer à pied. Ce soir-là, les dégâts n'étaient pas encore catastrophiques, mais la pluie devait durer toute la nuit, violente par moments. Au matin, il n'y avait plus de route en dessus et en dessous de ma voiture, sur 5 kilomètres? Je n'ai récupéré la voiture que 15 jours plus tard." (20/11/70)
Lorsqu'il écrit cette circulaire, il est déjà à Kérou : "Cette lettre vous apportera une nouvelle qui vous surprendra peut-être. J'ai quitté Tanguiéta. J'avoue que cela n'a pas été sans peine. […] Bien que mon ancienne et ma nouvelle paroisse se touchent, j'ai dû faire 625 kilomètres pour m'y rendre tellement les routes sont mauvaises. Je peux vous dire que j'ai trouvé une maison à peu près vide. Mon prédécesseur fondant une nouvelle mission dans les environs ne m'a laissé que le strict minimum." Il doit aussi apprendre une nouvelle langue, le bariba. "Ajoutez à cela que j'ai une école de 90 élèves au centre et un internat de 30 garçons, quatre sœurs du Sacré-Cœur de Menton qui tiennent un dispensaire, une maternité et font le catéchisme. En brousse, 7 catéchistes et des chapelles à construire. Mgr voudrait que j'en fasse une par an. Vous avez ainsi un aperçu de ma nouvelle situation." (21/12/70) Il ajoutera quelques semaines plus tard : "Je me fais tout doucement à la mission de Kérou. Quel changement par rapport à Tanguiéta ! Pas de montagnes, un horizon limité à quelques mètres par des tecks, une route épouvantable et, qui plus est, peu de monde avec qui causer. […] J'espère que je ferai à peu près convenablement les deux ou trois ans que Monseigneur Redois m'a demandé et qu'ensuite je retrouverai le pays yoabou." L'année suivante, il se sent moins seul : "Pour la première fois depuis que je suis dans le pays, j'attends mon congé avec impatience. Le père Guillou est arrivé hier à Kouandé. Je suis content de le voir de retour dans le secteur. Kérou Brignamaro n'étant qu'à 11 kms de distance, on peut s'épauler dans les difficultés." (13/12/71)
Le Conseil provincial commence à lui parler d'une nomination possible en France (pour des raisons de santé et des raisons pastorales). Le 14 mai 1972, il écrit : "Je ne me sens pas capable de travailler en France qui est pour moi un autre monde. La proposition du père Falcon m'a paru encore plus impossible que tout. Chacun a son charisme. J'avoue que je suis doué pour peu de choses et il est certain qu'il y a des choses qui me font peur, surtout en France."
En juin 1972, il est nommé à la procure de Chaponost, mais en fait il doit s'occuper des foires. Le 6 juin 1973 il écrit : "Cela ne convient pas à mon état de goutteux. […] Je constate qu'il est plus facile de suivre mon régime dans l'Atakora et demande à y retourner." Il réitère la même demande en août de la même année. Le provincial écrit en haut de la lettre de Nicolas : "qu'il patiente et nous laisse le temps de réfléchir et de lui trouver un successeur." Au début de 1974, Nicolas suit le stage de l'Arbresle. Finalement, en mars 1974, le Conseil lui apprend qu'il le remet à la disposition de Mgr Redois, mais croit bon de préciser dans la nomination : "Depuis ton départ de la région de Tanguiéta, la pastorale dans le diocèse de Natitingou a évolué dans un souci d'une plus grande adaptation aux besoins du peuple de l'Atakora, devenant aussi plus exigeant pour les prêtres et les religieuses qui sont au service de ce peuple. Il te faudra sans doute, dès ton arrivée, être attentif à cette évolution."
Il reste deux ans à Matéri, avec Michel Auffray tout en créant la mission de Gouandé. Mais la route entre Matéri et Gouandé est très mauvaise et la voiture est souvent en panne. Sa circulaire de Noël 1977 raconte son voyage de retour de congé à travers le Sahara avec 3 confrères : une vraie expédition où il ne compte pas le nombre de fois où il s'est ensablé : "entreprise un peu hasardeuse où les avantages l'ont emporté en définitive sur les inconvénients : l'économie du transport de la voiture étant fort substantielle." En 1980, il refait le voyage retour de congé par le désert. "Dans trois ans, il n'y aura plus de désert si tout va bien."
Dans ses nouvelles, il est très souvent question de pannes de voiture, la sienne ou celles des autres. Du 15 décembre 1881 : "On parle du goudronnage de la route Parakou Porga. Les travaux préliminaires sont commencés et on verra peut-être les engins au travail en 1983. J'espère donc rouler sur le goudron entre Tanguiéta et Natitingou avant d'aller à Baillarguet, le plus tard possible. Hier à Natitingou, j'ai vu les voitures de Ramin et de Mabon au garage. Jean Charles serait rentré dans une vache ; ses freins auraient failli. Le bon Ange a cassé son moteur." (15/12/81) "Maintenant, la route est pratiquement terminée et cela me met à 20 minutes de Matéri et moins d'une heure de Tanguiéta. C'est jouissif de pouvoir rouler en quatrième après n'avoir connu que la première et la seconde durant des années, mais j'ai déjà percuté deux chiens au grand dommage de ma charrette, les chiens en ont crevé." (13/12/82)
En 1984, la mission n'a pas encore 10 ans et il peut écrire : "La paroisse de Gouandé a maintenant des catéchistes dans 19 villages ; bientôt, on devrait dépasser la vingtaine, car nous aurons quatre catéchistes à envoyer au Centre Saint-Paul à Natitingou en janvier et les permanents comme les bénévoles font du bon travail. La mission de Gouandé ne date que de 1975, et je n'y réside que depuis 1977. Il y a 25 ans, quand j'ai passé par là pour la première fois, il n'y avait pas un chrétien berba. En 1977, en dehors de ceux qui étaient baptisés inscrits sur les registres de Matéri et pour la plupart dispersés à travers le Bénin, il n'y avait que 150 baptisés ou catéchisés. Maintenant, ils atteignent le millier pour une population de 15 à 20 mille habitants. Les chapelles que j'ai pu construire dans les villages sont souvent trop petites et il en faudrait une dizaine d'autres. L'église de Gouandé est remplie tous les dimanches et je pense entreprendre une construction plus grande en espérant que la Providence nous viendra en aide. Les Berba ramassent des pierres et ramasseront du sable, mais les quêtes et le denier du culte n'arrivent pas à 700 francs français par an, surtout en ces années ou les récoltes sont mauvaises." Avec un peu d'humour, le jour de Noël 1985, il écrit : "Les Apôtres avaient bien de la chance d'avoir des diacres pour s'occuper des questions matérielles."
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1988, il connaît la plus grosse tornade de sa vie avec des dégâts énormes à la mission : 39 millimètres en 20 minutes ! de très gros dégâts aussi dans le village. "Si le moral n'est pas atteint, je le dois à l'amitié fraternelle des deux Michel, à leur aide et à la sympathie manifestée par les Berba." (Michel Auffray et Michel L'Hostis). Il écrit avec fierté en février 1989 : "La parole de Dieu est annoncée timidement dans trois nouveaux villages de la paroisse par quelques jeunes non encore baptisés. Gouandé a maintenant 27 villages avec des catéchisés. Pendant mon absence (il va partir pour une année de recyclage), tout reposera sur les catéchistes. Les deux Michel de Matéri ont déjà 46 villages. Pendant la période des congés, il ne restera que Michel Auffray et André Guillard pour quatre paroisses. J'y étais seul il y a trente ans, mais il n'y avait que peu de chrétiens. Maintenant, les nombreuses petites chapelles que nous avons construites sont presque toutes plus que pleines."
En 1989-1990, il fait une petite coupure avec Gouandé. Au cours de son année de recyclage à Lyon, il passe beaucoup de temps auprès de sa maman fatiguée et âgée. Dans une lettre écrite à la main, ce qui est relativement rare pour Nicolas qui d'ordinaire écrit avec une vieille machine à écrire (qui daterait, dit-on, de son ordination !), on lit : ""Comme tu peux le constater, j'écris à la main, ce qui ne m'arrivait pas souvent. […] J'ai appris que j'avais la crampe des écrivains. Je la traite donc depuis quelques jours et j'ai l'impression que les résultats seraient meilleurs si les conditions climatiques l'étaient." (04/12/89)
Avant de rejoindre Gouandé où il va encore passer 11 ans, il reste deux ans à Djougou avec Yves Bergeron comme curé. A Gouandé, au début, il n'a pas de vicaire, mais : "Si je peux vous écrire aujourd'hui, c'est grâce à la présence de ma nièce Marie Mouterde qui me remplace pour toutes les sorties qui ne sont pas de caractère pastoral, notamment les évacuations de malades sur l'hôpital de Tanguiéta." (09/01/95) Il avait écrit un jour au Conseil que, durant sa vie au Bénin, il avait fait plus d'un millier d'évacuations de malades sur les hôpitaux. On peut être étonné de ce chiffre qui semble exagéré ; mais faisons le compte : 42 ans au Bénin, cela fait 504 mois auxquels il faut enlever cependant les mois de congés. Au total, on arrive à deux évacuations par mois, ce qui est certainement inférieur à la réalité.
Pris dans ses lettres de cette période : "J'ai parcouru bien des kilomètres pendant ce congé et admiré les beaux paysages de France si variés : Massif Central, Pyrénées, Alpes, Jura et j'apprécie la fraîcheur de ces jours, quelques gelées matinales. C'est revigorant." (02/10/95)
De Gouandé, le 9 janvier 1966 : "Hier, nous avions réunion de secteur à Dassari. Nous avons surtout parlé des sessions de catéchistes, mais il a aussi été question d'une fille de 15 ans réfugiée chez les Sœurs. Sa maman ayant été soignée par un guérisseur, cet homme a réclamé la fille comme honoraire. Je connaissais les mariages forcés avec ou sans échange, mais je ne connaissais pas cette formule." (Gouandé 09/01/96)
"Il faudrait des prêtres et je me réjouis de l'ordination du 28 décembre qui fera deux prêtres de plus, en attendant les trois ordinations de 1997, dont celle de mon paroissien, Mathurin Ouambo." (Gouandé 30/12/96)
"Marie transforme l'église de Gouandé qui pourra recevoir 600 personnes assises." (23/09/97)
Après le décès de Michel Auffray) "C'est une grande perte apparemment pour le pays berba, mais le Seigneur, en qui il vit, continue son œuvre. Michel me manque ; nous avons travaillé ensemble pendant plus de trente ans. Il a été pris, j'ai été laissé. […] Dans quelques jours, ce sera l'ordination de Mathurin Ouambo." (26/12/97)
En 1999, il rentre en congé plus tôt que prévu, car il éprouve une grosse fatigue, mais les examens médicaux ne signalent rien de grave. "Mon frère aîné et ma belle-sœur m'attendaient (à l'aéroport) pour m'emmener chez eux à Eyzin-Pinet où j'ai passé mes trois premières journées à dormir." Il retourne fatigué au Bénin : "Me voici tout seul sma en pays berba. J'ai la chance d'avoir l'abbé Mathurin, à Matéri, comme vicaire. Il est de Gouandé et nous nous rencontrons assez souvent. Je l'appréciais dans sa jeunesse, je l'apprécie comme confrère. Il est simple, travailleur, et il a du bon sens. Pour circuler dans ses nombreux villages, il n'a qu'un VTT qui lui a été donné par des amis du diocèse d'Aix en Provence. La vieille voiture de Michel Auffray ne circule plus." (10/12/99)
"La semaine dernière, […] je tenais mal sur mes jambes. En lyonnais, on dirait que je brandigollais sur mes fumerons. Je reprends du poil de la bête." (26/11/00)
"Depuis que le père Mathurin Ouambo est à la paroisse de Gouandé, je ne sors presque plus. Cela fait plus d'un mois que je n'ai pas porté mes roues à Natitingou. Quelquefois, je vais à Tanguiéta pour conduire des malades. Evidemment, je vais dans les villages de la paroisse où Mathurin m'envoie. Il y va plus souvent que moi." (20/12/00)
Le 19 janvier 2001, Nicolas présente à son évêque sa démission du poste de curé de Gouandé. Il parle de ses problèmes physiques, puis il ajoute : "Personnellement, je pense que je peux faire du catéchisme et assurer des messes dans les villages. Pour le reste, je ne vaux plus rien." Son évêque lui répond le 12 mars : "Le conseil presbytéral a procédé à une analyse minutieuse, pondérée et profonde de votre lettre du 19 janvier 2001, dans laquelle vous nous proposiez votre démission de curé de la paroisse de Gouandé, à cause de vos nombreux handicaps. Vu que vous ne demandez pas en même temps votre transfert de ladite paroisse, vu l'influence de tout curé fondateur dans sa paroisse et compte tenu de la vôtre qui dure depuis plus de 25 ans au même poste, vu le respect, l'affection et la vénération inconditionnelle que nos populations portent spontanément aux "vieux" et aux Blancs, le conseil presbytéral vous prie instamment de surseoir à votre démission pour votre bien, celui de la paroisse et la plus grande gloire de Dieu. Car nommer un autre curé, vous étant présent, ne nous a paru ni sage ni pertinent.
"Nous vous encourageons de grand cœur à garder fidèlement le titre de curé, même si vous devez déléguer de plus en plus. La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ ne vous fera pas défaut. Souvenez-vous de cette parole de l'apôtre Saint Paul : "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort." La graine semée à Gouandé, et qui a bien germé, continuera de grandir. Faisons confiance à l'Esprit-Saint. "Sûr que vous comprendrez et accepterez cette décision de bon cœur, je vous prie de croire, Révérend Père, à mes sentiments d'affection et de satisfaction pour votre engagement missionnaire.
Signé Mgr Pascal N'Koué, évêque de Natitingou."
En 2001, il est en congé en France. On lui dit qu'il serait plus sage qu'il reste en France. Il repart cependant. Sa dernière lettre du 19 décembre 2001, de Gouandé, parle encore de la famine qui guette, des problèmes de voitures avec de nombreuses réparations, de l'arrivée des sectes sur sa paroisse, de la diminution des fidèles à l'église le dimanche, de la nécessité de former mieux les catéchistes, autant de signes qui montrent qu'il est toujours profondément missionnaire dans l'âme. Il rentre définitivement en mai 2003 et, après quelque temps en famille, il rejoint la maison de Montferrier. Malgré des problèmes de santé au cœur et aux jambes, il fait son trou dans la maison où il retrouve des anciens avec qui il a travaillé au nord Bénin, André Guillard, Ange Mabon, Jean-Charles Ramin : ensemble, ils n'en finissent pas de se raconter le passé.
Déjà en 2008, il a besoin d'un déambulateur pour se déplacer : il s'essouffle vite. Quand on le visite, il a besoin de s'arrêter parfois pour reprendre son souffle. Plus tard, il aura souvent recours à l'oxygène. Malgré tout, il n'a jamais quitté Gouandé ; il suit toujours de près tout ce qui s'y passe et continue d'aider matériellement de nombreuses familles. Il reste également très proche de sa famille, et sa sœur Bernadette le tient régulièrement informé de tout ce qui se passe chez ses frères et ses nombreux neveux et nièces. Au cours de cette année 2013, il a fait plusieurs séjours à l'hôpital et plusieurs fois on a cru qu'il allait nous quitter. Il est toujours resté très calme et très serein. Quand on lui demandait s'il ne s'ennuyait pas dans son lit à ne rien pouvoir faire, il répondait tranquillement : Non, je dis mon chapelet pour tous ceux que j'ai connus. Le jour de son décès, il a assisté à la messe la matin avec ses confrères ; il a même plaisanté avec un confrère qui est venu dans sa chambre lui rendre visite. A midi, une infirmière l'a fait un peu mangé ; elle a quitté sa chambre une minute et, à son retour, Nicolas nous avait quittés.
Sa sœur Bernadette, deux de ses frères, René et Nicolas, ainsi que des neveux et nièces sont venus à Montferrier pour les funérailles, ainsi que le père Mouterde, un cousin, archidiacre au diocèse de Lyon qui a fait l'absoute à la fin de la messe. Nicolas a rejoint tous les confrères qui l'ont précédé dans le petit cimetière à l'entrée de la propriété. Il laisse l'image d'un missionnaire très proche des gens, passionné pour l'Afrique et les Africains, à l'écoute des plus pauvres, défenseur des petits et surtout animé par la foi sans faille reçue dans sa famille dès son plus jeune âge.
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