Société des Missions Africaines – Province de Lyon
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né le 20 mai 1922 à Wavre (Belgique) dans le diocèse de Malines-Bruxelles membre de la SMA le 20 juillet 1943 prêtre le 7 avril 1947 décédé le 20 janvier 2010 |
1947-1950 Ave et Auffe, responsable des vocations décédé à l'hôpital de Bruyères (Liège), le 20 janvier 2010, |
Le père Georges LEJEUNE (1922 - 2010)
Georges Lejeune naît le 20 mai 1922 à Wavre, en Belgique, dans le diocèse de Malines Bruxelles, le même jour que son frère Willy; deux filles sont déjà nées dans le foyer. Trois autres garçons et trois autres filles viendront compléter cette belle famille où les valeurs humaines et les vertus chrétiennes font partie du quotidien de la vie. Il écrira d'ailleurs le jour de son jubilé d'or: "Les merveilles du Seigneur furent tellement nombreuses! Il faudrait commencer par nos parents qui, par l'exemple de leur vie, nous ont tellement armés contre tant de défis de toute nature. (Ce mot armé n'est pas trop, lorsqu'on sait que papa était militaire!)" (05/03/1997) Il était dans l'armée belge d'occupation en Allemagne, ce qui explique que Georges commence ses études primaires en Allemagne; il les continuera à Malmédy puis à Verviers, deux villes situées à l'est de Liège, avant de rejoindre Ave, dans les Ardennes belges, en 1935, "Ave et Auffe, où nous avons rencontrés nos premiers missionnaires qui, tous, ont laissé dans cette maison et, bien sûr, dans nos cœurs, une image de courage, de renoncement, mais aussi de bonhomie, de sérénité et de paisible autorité." (05/03/1997) Il ne rentre pas seul au petit séminaire: son frère jumeau Willy l'accompagne ainsi qu'un autre de ses frères, Jean né en Allemagne en 1923. Pendant huit années, les trois frères vont se préparer au sacerdoce sur les mêmes bancs. Après Ave, on les retrouve à Chanly où ils prononcent leur premier serment à la fin de leur noviciat en 1943, puis à Lyon pour les quatre ans de théologie.
La famille Lejeune est maintenant installée à Visé, commune située au nord de Liège. C'est là que les trois frères sont ordonnés prêtres le même jour, en la collégiale Saint-Martin, par Monseigneur Kerkhofs, l'évêque de Liège. 7 avril 1947: Quelle fête dans cette paroisse! Quelle joie dans cette famille! Quel grand jour aussi pour la SMA! Une telle solennité ne doit pas se rencontrer souvent: trois frères, dont deux jumeaux, reçoivent le sacerdoce le même jour; ils appartiennent tous les trois à la même Société missionnaire et sont prêts pour porter l'évangile en Afrique. Si l'on ajoute que l'une de leurs sœurs, Marie Madeleine, deviendra carmélite et rejoindra, pour une temps, un couvent au Zaïre, on imagine aisément les qualités familiales, religieuses et missionnaires que les parents ont su inculquer à leurs enfants.
Sa première nomination le laisse en Belgique. Il est nommé recruteur à Ave où il va rester trois ans. En janvier 1950, il est nommé au Dahomey, à la préfecture de Parakou, chez Monseigneur Faroud. Mais, un mois plus tard, il reçoit la nomination suivante: "Les circonstances actuelles le permettant, le Conseil provincial veut bien prendre en considération le vif désir manifesté par votre famille de vous voir aller en Côte d'Ivoire. Vous êtes affecté dorénavant au vicariat apostolique de Sassandra, chez Mgr Kirmann." (21/02/1950) Désir manifesté par sa famille? C'est vrai qu'à cette date ses deux frères sont déjà en Afrique, en Côte d'Ivoire, Jean à Katiola et Willy à Béoumi: alors pourquoi pas Georges? Son évêque l'envoie à Grand Lahou. Il gardera toujours de sa première mission en Afrique un souvenir ému, et, quand il repart en 1956 après un congé nécessaire pour refaire sa santé, il écrit avec beaucoup de déférence au provincial à qui il ne peut rendre visite: "L'essentiel, c'est que vous soyez assuré du meilleur esprit qui m'anime et que vous sachiez combien je désire vous rester dévoué et fidèlement soumis." Puis il ajoute: "Je pars avec enthousiasme. Je reverrai Lahou avec joie. Mon frère Jean me suivra dans un mois." (08/10/1956)
Après Grand Lahou, le voilà en 1960 à Soubré: "Avec le père Babinet et le frère Pierre Bruyas qui vient d'arriver pour la construction de notre église, nous formons une excellente équipe. […] Soubré semble démarrer un peu. La tâche est belle et enthousiasmante. Beaucoup de travail, trop pour deux pères." (16/04/1963) Malheureusement, quelques mois plus tard, le frère tombe d'un échafaudage et meurt sous ses yeux.
Pendant son congé, en 1966, il doit faire un sérieux déparasitage, après quoi il se dit en forme pour repartir, "sauf une petite pierre qui reste aux reins. Elle est arrivée presque à la sortie. Tout laisse à penser qu'elle sortira bien un jour, quitte à faire une petite crise encore." (21/09/1966) Il revient encore à Grand Lahou quelques mois pour y faire un remplacement, avant d'être nommé à Attiécoubé. C'est là qu'il apprend, en mars 1969, que ses confrères l'ont choisi pour être vice régional. Il va donc seconder le père Boiron, régional, tout en restant les deux premières années sur sa paroisse. Il ne rejoindra Dabou, de façon définitive qu'en 1972, et deux ans plus tard, c'est lui qui devient régional. Le provincial lui écrit : "Nous soulignons à cette occasion la confiance que te témoignent tes confrères et l'estime que te porte l'épiscopat de Côte d'Ivoire, en particulier Monseigneur Yago, et nous t'en félicitons." (15/01/1974) Sa charge le met davantage au service des confrères de Côte d'Ivoire pour tous les problèmes qu'ils peuvent rencontrer, et pour faire le lien entre l'épiscopat du pays et les autorités de la Province.
Quand il quitte sa charge de régional, pour laisser le champ libre à son successeur, il demande à aller dans le nord du pays qui dépend du régional de Strasbourg. Il est envoyé à Boundiali, dans le diocèse de Korhogo. Le Conseil provincial lui écrit "Il s'agit d'officialiser par cette lettre ta nomination au service du diocèse de Korhogo. Nous te disons en même temps combien nous apprécions ta disponibilité pour 'partir' à nouveau, vrai missionnaire, vers une région lointaine à bien des égards, mais si ouverte à l'évangile." (21/07/78) Lui-même écrira quelques mois plus tard: "Les deux ou trois premiers jours, je me suis senti tout 'drôle', un peu bizarre, tant ça me semblait étrange de me retrouver subitement tout seul, presque sans ami immédiat. Puis les gens sont venus, je suis allée les voir et les amitiés n'ont pas vraiment tardé à se manifester. Il y avait aussi tout l'aménagement à faire. J'essaie de me perfectionner en dioula ; mon magnétophone en est rempli, mais pas encore ma tête. […] Mgr Nobou m'a remis un chèque de 100.000 francs. Il m'a aussi remis un ancien congélateur, mais… car il y a un petit mais… il ne refroidit pas." (05/10/78). Le mois suivant il écrira qu'il l'a réparé, mais "reste à trouver maintenant quelque chose pour y mettre."
Voici une lettre qui résume toute son action à Boundiali : "Pour moi, je continue dans la joie cette enthousiasmante vie missionnaire. Il me semble que les cœurs s'ouvrent et que déjà se dessinent une espérance au cœur de ceux pour qui je suis venu à Boundiali. Ma souffrance, c'est de ne pouvoir faire plus. Seul ce n'est pas facile, et mes petits moyens ne soulagent guère que quelques pauvres. Mais au moins, ils me savent si proches d'eux. Que de fois, à travers le peu que je pouvais leur donner, il m'a semblé qu'ils se sentaient si heureux d'être reconnus, revalorisés par l'attention que je leur portais. Aimer quelqu'un pour ce qu'il est, c'est le vouloir pleinement lui-même. Et, en étant eux-mêmes, ces braves gens ont tant à nous apprendre." (15/12/79)
Quand on lui propose le père Bernard Guichard comme compagnon, il répond : "Je serai très heureux d'être avec lui. Il peut venir à Boundiali en toute paix et joie. Je ferai tout pour qu'il puisse s'épanouir dans l'option qu'il a faite et j'aurais sûrement à bénéficier énormément de sa présence." (04/08/80) "Avec Bernard Guichard, nous faisons excellente équipe. Il est très proche des gens, des petits surtout, et s'en va souvent cultiver avec eux, ce qui n'a pas toujours le don de plaire à Mgr. […] Evidemment cela ne correspond pas nécessairement avec une certaine image du prêtre 'bien rangé'." (26/04/82)
Oh, bien sûr, des difficultés et des jours sombres, il en a rencontrés, comme ce malheureux en mobylette qui vient buter contre sa voiture et qui meurt sur le coup, (il doit dormir une nuit au commissariat pour être protégé), ou ce jeune garçon qui faisait partie d'un groupe qu'il avait accompagné au bord de la rivière et qui se noie presque sous ses yeux. Il écrit alors: "Le Seigneur marque de sa présence le chemin que nous essayons de tracer pour son royaume." (28/05/84)
Après 10 ans de présence, il est nommé à Sirasso où il trouvera deux sœurs italiennes qui s'occupent du dispensaire de la localité, une sœur française et "trois catéchistes avec lesquels on peut travailler". (19/11/84) "J'ai pu mettre sur pied quelques projets : création d'un moulin à farine de maïs et d'un autre à décortiquer le riz, construction de deux petites église à Dagbo et Sakpémé, création de deux groupes de culture attelée avec chacun cinq paires de bœufs ; les sœurs ont pu créer un centre de formation pour les jeunes mamans." (17/05/87) Comme il y a des bœufs qui crèvent dans les villages, il cherche à former un petit vétérinaire. Il crée également à Sirasso un centre d'alphabétisation.
Il envoie maintenant des circulaires, car, dit-il, il est pris par le temps pour répondre à chacun. Les dates varient : mai 89, juillet 90, avril 91. Toutes témoignent de son ardeur au travail, du développement de la mission, des problèmes qu'il rencontre, de sa santé qui a souvent de petits accrocs. Dans plusieurs lettres, il parle de ses problèmes de dos. "C'est tôt le matin que je pars dans les villages afin de rencontrer tout le monde dans une petite fraîcheur avant qu'ils ne partent au travail. Le balafon résonne, on se rassemble pour une petite catéchèse, toute faite d'exemples concrets, d'interrogations, de mises en éveil… car nos braves gens ne sont pas de grands intellectuels et tout se vit à essayer de rencontrer le Christ et d'en vivre. Puis viennent les problèmes du villages, […] quantité de petites choses qui demandent écoute et patience. Il est souvent midi lorsque je reprends la route qui m'a amené au village." (29/04/91)
"Je crois que tout s'est joué le jour où j'ai mieux pris conscience de la nécessité d'adjoindre le souci du développement à la préoccupation de l'Evangile. Et nos braves gens ont alors compris que l'Evangile, c'était aussi le bonheur humain qu'il visait et que l'Eglise n'avait pas qu'une parole à donner, mais aussi un bien-être à procurer." (04/05/92) C'est pourquoi il est de plus en plus investi dans la culture attelée. En 1993, le Conseil provincial lui propose d'être responsable de Chaponost pour 1993. Il donne toutes les raisons pour expliquer qu'il n'est pas l'homme de la situation.
En 1994, il rentre malade, affaibli, doit subir une opération du cœur, double pontage ; il a besoin d'un bon repos en famille. Le Conseil lui propose d'aller seconder le père Bellut à Baillarguet, mais il a des contrôles réguliers et hésite à accepter. Il subit une nouvelle opération en novembre 1994 et devient auxiliaire de son frère Willy à la paroisse de Terwagne. "Nous vivons tous les deux au rythme de toutes les nouvelles qui nous viennent du Congo et de Côte d'Ivoire. Et cela maintient notre sens missionnaire. Comme preuve, je pourrais dire, par exemple, que cette semaine, nous avons reçu 13 lettres d'Afrique." (28/04/99)
La santé de son frère Willy se dégrade peu à peu. Il meurt le 8 octobre 2003 à Terwagne. Après ce décès, il reste à Terwagne pour desservir la paroisse. Il envoie régulièrement des nouvelles. Autrefois, il le faisait par écrit, maintenant, il le fait par mail : il s'est mis à l'ordinateur avec ses neveux. Il aimait communiquer et il aimait quand on l'appelait sur Skype. Ses noces d'or, il les avait célébrées à Ave, ses noces de diamant, il les a célébrées à Terwagne. Pour ses 60 ans de sacerdoce, il demande à la Province de lui offrir un appareil photo numérique, dont il entend payer une partie. Cette fête a lieu le 18 février 2007, le jour où la SMA célèbre en Belgique le 150e anniversaire de la Société. Le 15 septembre 2008, il quitte Terwagne pour une maison de repos, à Méhagne.
Les derniers jours de sa vie, il les passera à l'hôpital des Bruyères, à Liège. C'est là qu'il décède le 20 janvier 2010. Il avait 87 ans. Pierre Nicolas, l'un de ses nombreux neveux, écrit: "Le père Georges Lejeune, de la Société des Missions Africaines est décédé dans la sérénité de la foi cet après-midi, après un court séjour à l'hôpital, à l'âge de 87 ans. J'ai eu personnellement la grande chance, hier soir, de dire un dernier chapelet avec lui, et de recevoir sa bénédiction." (20/01/2010) La messe d'enterrement a eu lieu à Visé, non pas dans la collégiale de son ordination actuellement en réfection, mais dans une autre église de la commune. Une famille venue en grand nombre, une assistance très nombreuse et très priante, une cérémonie préparée dans le moindre détail, des témoignages émouvants, six confrères sma dont deux venus de Hollande, autant d'éléments qui permettent de réaliser la place que tenait le père Georges dans le cœur et la vie de chacun et de mesurer le vide que laisse son départ.
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Quelques lignes à méditer
"Pour moi, je continue dans la joie cette enthousiasmante vie missionnaire. Il me semble que les cœurs s'ouvrent et que déjà se dessine une espérance au cœur de ceux pour qui je suis venu à Boundiali. Ma souffrance, c'est de ne pouvoir faire plus. Seul, ce n'est pas facile, et mes petits moyens ne soulagent guère que quelques pauvres. Mais au moins, ils me savent si proches d'eux. Que de fois, à travers le peu que je pouvais leur donner, il m'a semblé qu'ils se sentaient si heureux d'être 'reconnus', revalorisés par l'attention que je leur portais. Aimer quelqu'un pour ce qu'il est, c'est le vouloir pleinement lui-même. Et, en étant eux-mêmes, ces braves gens ont tant à nous apprendre. Quand je les vois penchés sur leurs terres, pliés sur le sol ou debout sous un soleil de plomb, et ce, en dépit d'une récolte si peu prometteuse ou d'une faim toujours menaçante, je ne peux résister à l'angoisse de tout faire pour les aider, les sortir de l'impasse, leur donner la joie… ou tout au moins l'amour qu'a déposé en chacun de nous l'Esprit du Christ… ce grand révolutionnaire de l'Amour."
Georges Lejeune (Boundiali, 15/12/1979)
"Une longue vie commençait: vie avec les pauvres et une culture qui, au départ, nous était tellement étrangère, mais qui s'est révélée si riche de tout ce qu'elle nous a communiqué. Qui n'a pas été façonné par cette manière d'être africaine, toute parsemée de convivialité, de joie, de calme et d'un sens extraordinaire de la vie? […] L'Afrique, c'est la vie! cette vie au ras du sol, où le sourire traverse les plus grands dénuements et où le Seigneur trouve un terrain tellement mieux en accord avec les Béatitudes qui chantent l'espérance. Je suis la voie, la vérité, la vie."
Georges Lejeune (Terwagne, 05/03/1997)
"Dans une situation de prêtre pensionné, le charisme missionnaire est toujours aussi présent, mais ne peut guère s'exercer de façon quelque peu apparente. C'est une question de dynamisme intérieur qui ne rayonne qu'à travers une forme de conviction intime qui s'exprime par une certaine façon de parler, et un certain rayonnement fait de joie, de dynamisme et de sérénité, qui prend sa source dans une assurance en Celui qui a été notre force au cours de toutes nos années de vie missionnaire en Afrique.
"Ne pouvant plus retourner en Afrique, j'ai maintenu un gros courrier avec un bon nombre de correspondants (plus d'une centaine) de façon régulière. Seuls, les douloureux événements de Côte d'Ivoire sont venus interrompre tous ces liens scripturaires. […] L'ordinateur…, voilà un précieux instrument pour ceux de la diaspora qui ont là un moyen merveilleux de rester un peu en contact avec tous ceux qu'il n'ont plus la foie de voir et de rejoindre autrement."
Georges Lejeune, Terwagne, mars 2007
"Nous avions conscience d'être avec un homme vrai, attentif, bienveillant, se dispensant de juger. A son contact, on se sentait grandi par un regard qui voit en avant, par une parole qui remet debout, par un geste qui dit le tout d'un amour sincère, dépourvu d'arrière-pensée, toujours prompt à célébrer l'autre dans la joie de la reconnaissance d'une diversité. Sa longue carrière africaine, à laquelle pourtant son tempérament ne l'avait pas préparé, lui a permis de révéler un homme d'une étoffe exceptionnelle, qui produisait une lumière continue, bienfaisante. Qui n'a pas bénéficié de son rayonnement? […] Nous qui avons des yeux pour voir, reconnaissons qu'il nous a montré que l'incarnation du Seigneur se fait au quotidien par le truchement de nos pauvres enveloppes charnelles, illuminées par l'Esprit."
Un de ses neveux
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