Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 17 octobre 1896 à Gelfingen dans le diocèse de Bâle, Suisse membre de la SMA le 24 mai 1919 prêtre le 11 juillet 1920 décédé le 12 février 1987 |
1920-1950 missionnaire au Ghana décédé à Lucerne, Suisse, le 12 février 1987, |
Le père Jacques FISCHER (1896 - 1987)
Jacques Fischer est né le 17 octobre 1896 à Gelfingen, petit village du Seetal en Suisse, en bordure du Baldeggersee. Ses parents exploitaient une ferme. Son père exerçait en outre les fonctions de Gemeindeamman et de Gemeinddepräsident. La maison paternelle était située au pied de la colline où s’élève le célèbre château Heidegg, bien connu des touristes. L’antique Burg médiéval domine le village et le lac, et la vallée lumineuse et claire, parsemée de vertes forêts et de fraîches prairies. Au loin, vers le sud, en direction de Lucerne, étincellent le Pilatus et le Rigi et, plus loin encore, les hautes cimes aux neiges éternelles de l’Oberland Bernois.
À l’âge de 13 ans, le jeune Jacques Fischer quitta la douce vallée de son enfance pour le Collège des Bénédictins d’Engelberg, où il fit quatre années d’études secondaires qu’il termina pendant deux ans au Collège des Pères Augustins de Saint-Maurice. Et puis, il se sentit appelé à être missionnaire. Il entra, en 1916, au Séminaire des Missions Africaines à Lyon pour y faire ses études théologiques, fut admis dans la Société par le Serment le 24 mai 1919, fut ordonné prêtre à Lyon le 11 juillet 1920 par Mgr Moury, Vicaire Apostolique de la Côte d’Ivoire, et reçut son affectation pour les missions d’Afrique.
Le 1er août 1920, il célébra une première messe solennelle dans son pays natal, non pas à Gelfingen, mais à Hitzkirch, une localité voisine : la commune de Hitzkirch, avec six autres communes environnantes dont Gelfingen, forme une seule paroisse dont l’église paroissiale est sur son territoire. Peu de temps après les fêtes de prémices, il alla rejoindre son champ d’apostolat. C’était le Vicariat Apostolique de la Côte d’Or, qui s’étendait à cette époque sur une grande partie du Ghana actuel. Mgr Hummel en était le Vicaire Apostolique depuis 1906.
Affecté à la région Ewé du Vicariat, le Père Fischer y travailla pendant six ans, d’abord comme vicaire à Keta, puis, de 1923 à 1926, comme supérieur de la mission de Denu. Dès les premières années, il fit preuve d’un grand esprit d’initiative et cette caractéristique allait marquer toute son activité missionnaire ; elle se montra en bien des domaines, mais en particulier dans la création et l’entretien des écoles. Il est remarquable aussi que, en un temps où les communications étaient lentes et les courriers plus rares, le Père restait en relation suivie avec ses supérieurs de Lyon. C’est ainsi que, un jour, il fit parvenir à Lyon, pour le Musée des Missions Africaines, un métier à tisser, tout monté et prêt à être employé, et, accompagnant son envoi de quelques explications, il ajoutait : C’est un modèle de ceux dont se servent nos élèves. Le tissage et la fabrication des briques pour notre future église occupent nos 500 élèves en dehors des heures de classes. Ils ont déjà moulé 75 000 briques.
En annonçant ainsi la préparation de quelques milliers de briques pour une nouvelle église, le Père Fischer ne pensait pas que l’église de Keta serait bientôt la principale église d’un nouveau Vicariat Apostolique. C’est ce qui arriva peu de temps après. Un Vicariat fut créé en mars 1923, formé de la partie du territoire du Togo placé sous mandat britannique et des régions de Keta et de Denu, qui furent séparées du Vicariat Apostolique de la Côte d’Or. On donna au nouveau Vicariat le nom de Vicariat Apostolique de la Basse-Volta. Mgr Hermann, précédemment missionnaire en Nigeria, fut le premier Vicaire Apostolique. Sacré à Strasbourg le 13 juillet 1923, il arriva, au mois d’octobre suivant, à Keta, qui devait être sa résidence. On lui fit une réception grandiose. Mais l’église n’était pas encore construite. La construction semblait s’imposer d’urgence.
Le Vicariat ne possédait pas encore d’édifice servant exclusivement aux cérémonies religieuses. Partout les églises répondaient à deux exigences : les offices du culte et l’école. Et même à Keta, le Vicaire Apostolique dut remettre la construction à plus tard. Nous courons au plus pressé, écrit-il, et nous employons les briques à construire des écoles partout dans notre Vicariat. Il y avait alors des milliers d’écoliers. Ce n’est qu’au mois de janvier 1929 que Mgr Hermann annonça qu’il avait béni solennellement la première pierre de la cathédrale de Keta. À Denu, il y avait déjà une belle école en 1925, mais pas encore d’église ; seule une case-chapelle, bâtie en 1913, en tenait lieu.
Il faut dire que le pays était très pauvre. Les missionnaires avaient peu de ressources. Nous voyons le Père Fischer, dans une lettre au Père Chabert, Supérieur Général, faire appel à la générosité des bienfaiteurs. Aidez-moi ! s’écrie-t-il, devant la menace de devoir fermer des écoles par suite de dépenses nécessaires qui dépassaient ses moyens financiers.
C’était pourtant un excellent pays que ces territoires du nouveau Vicariat. Lorsque que Mgr Hermann y arriva, il fut agréablement impressionné. Partout de l’eau en abondance, écrit-il, des cascades, des villages nombreux. Il vante les populations, si bonnes et si bien disposées, d’esprit très ouvert, de caractère franc. Mais il note en même temps que la Basse-Volta est bien la partie la moins développée et la moins fortunée de la Côte d’Or. Point de chemin de fer, presque pas de routes. La rareté des routes, la défectuosité de celles qui existent, rendent les déplacements difficiles. La bicyclette est le moyen de locomotion, mais on sait ce qu’il en coûte de pédaler sur les pistes à travers les forêts denses. Pas de voiture encore à la disposition des missionnaires. En 1926 seulement, une bonne nouvelle : le don généreux d’un ami hollandais va permettre l’achat d’une voiture pour le service du Vicariat. Et l’évêque ne sait comment remercier ses bienfaiteurs de Hollande pour le service signalé qu’ils rendent à la mission en facilitant quelque peu les voyages.
Au Père Fischer, les longues courses à bicyclette étaient interdites, à cause d’un genou souvent ankylosé par la synovite, infirmité qui le gênera toute sa vie. Pour visiter les stations secondaires et les villages disséminés dans la brousse, il montait un petit cheval arabe, très doux et bien en forme. Malheureusement cet excellent compagnon de route ne vécut pas longtemps. Finalement le Père put acquérir une petite moto dont il loue les bienfaits. Elle me facilite beaucoup les déplacements, écrit-il, et m’épargne bien des fatigues. Et il y a l’avantage de la rapidité. C’est précieux : dans nos jeunes chrétientés, il faut être partout à la fois. C’est que le travail apostolique devient de plus en plus absorbant. Il faut créer des écoles, instruire et former les catéchumènes, il y a de nombreux baptêmes. De tous côtés, écrit encore le Père, les villages nous appellent, désirant posséder des catéchistes et avoir des écoles. L’école est de plus en plus demandée et suivie. Et il dit aussi : à la vérité, ces bons enfants me donnent pleine satisfaction. Et puis, il admire son confrère, le Père Van Roy, qui est en route du matin au soir, pénètre dans tous les villages, y apportant la Bonne Nouvelle.
En 1926, le Père Fischer vint se reposer un peu en Europe et il put revoir son beau pays d’Helvétie. Il se rembarqua le 8 août 1927. Revenu en Côte d’Or, il se mit à la disposition de Mgr Hauger, qui avait pris la direction de la Mission après le décès de Mgr Hummel en 1924. Mgr Hauger envoya le Père à Dunkwa, en qualité de supérieur de cette mission.
Dunkwa, chef-lieu administratif, situé à mi-chemin entre Sekondi et Kumasi, était sans prêtres depuis novembre 1926. La mission accueillit avec joie les nouveaux missionnaires, les Pères Fischer et Tillie, qui arrivèrent le 16 décembre 1927. La communauté chrétienne retrouvait sa vie normale, les stations secondaires étaient à nouveau régulièrement visitées, l’école se repeuplait. Mais bientôt une pénible épreuve vint attrister le pays. Le 16 mars 1928, une tornade éclata soudainement avec une terrible violence. La ville eut grandement à souffrir de cet ouragan. On eut à déplorer un grand nombre de morts et de blessés. Beaucoup de maisons furent abattues. L’église, récemment construite, fut renversée et entièrement détruite. En face de ces désastres, nos missionnaires ne perdirent pas courage ; ils continuèrent avec ardeur leurs œuvres d’apostolat, et cela alla si bien que, quelques années plus tard, la station de Dunkwa pouvait passer pour une station modèle.
Le Père Fischer y resta jusqu’en 1938. À cette date, il fut appelé à la résidence épiscopale de Cape-Coast, pour y prendre les fonctions de Pro-Vicaire et de Procureur du Vicariat. Il eut bien à faire dans cette charge de Procureur, surtout dans les années difficiles de la guerre. Il se montra alors un administrateur habile des biens temporels.
En 1947, notre Vice-Provincial, Mgr Durrheimer, ayant été Préfet Apostolique de Korhogo, on choisit pour le remplacer d’abord comme conseiller, le Père Fischer Jacques. Celui-ci serait chargé en même temps de représenter en Suisse les intérêts de la Société et spécialement de notre Province. La Suisse, depuis longtemps, fournissait d’excellents missionnaires, Prêtres et Frères, aux Missions Africaines. Dans les années d’après-guerre, le Père Imholz nous faisait sympathiquement connaître dans le pays. Notre résidence du Schlössi à Ebikon nous rendait de grands services. Mais le Père Imholz, à plus de 70 ans, commençait à sentir le poids le l’âge et ne pouvait plus suffire à la tâche. Il fallait de nouvelles forces pour continuer à faire connaître les missions, pour trouver de nouvelles vocations et assurer à nos œuvres le concours des catholiques suisses.
Le Père Fischer, qui était maintenant comme conseiller provincial au service de notre Province, voulut bien accepter ce travail. Mais il fallait le remplacer à Cape-Coast et il n’était pas facile de remplacer un homme qui, pendant des années, avait eu en charge les affaires financières du Vicariat. Mgr Porter, Vicaire Apostolique, accepta généreusement le sacrifice qui lui était demandé, mais il fut particulièrement heureux que le Père Fischer, présentement en congé en Europe, puisse retourner quelque temps en mission, afin d’initier un jeune confrère à l’administration financière du Vicariat. C’est pourquoi le Père était de retour à Cape-Coast en février 1949. Il prépara son successeur aux responsabilités d’Économe et de Procureur. Une année après, Mgr Porter put nommer officiellement un nouveau Procureur et le Père Fischer revint en Europe au mois de juin 1950.
Plusieurs tentatives avaient cependant été faites à Cape Coast pour que le Père soit retenu plus longtemps encore au service de la mission. Il n’est pas étonnant qu’il ait été bien regretté dans un pays où il avait vécu pendant presque 30 ans et qui était devenu sa seconde patrie. Ses qualités de savoir-faire, de dévouement et, pour mieux dire, sa charité tout évangélique, lui avaient mérité l’estime et la considération de tous ceux qui le connaissaient. C’était un trait de sa personnalité : il attirait la sympathie par sa bienveillance et, ainsi que put le dire le Père Provincial dans son homélie, lors des obsèques : Dès la première rencontre avec le Père Fischer, on était profondément impressionné : bonté et douceur rayonnaient en sa personne.
En Côte d’Or on se souvenait aussi de son efficacité dans le domaine scolaire. Sa dernière réalisation avait été la construction et l’organisation d’une importante High School à Cape Coast. Le Gouverneur anglais à Accra, apprenant son prochain départ, lui écrivit combien il regrettait que le travail du Père au service de l’éducation allait prendre fin et il lui exprimait son admiration pour son dévouement et ses réalisations. Vous étiez convaincu, ajoutait-il, que l’un des principaux moyens de favoriser le bien d’un pays était d’y introduire un système d’éducation entièrement adapté aux besoins des populations. Vos réalisations en ce sens à Keta, Denu, Dunkwa et Cape Coast, ont été pour cela d’une extrême importance et le resteront longtemps encore. Telle était l’estime du Gouvernement colonial anglais pour l’œuvre des missionnaires.
De retour en Europe en 1950, le Père Fischer prit donc en main l’œuvre qui lui était confiée. Notre Province avait acquis entre temps une nouvelle résidence, située à Fribourg et qui était bien adaptée à notre but. Le Père y fut supérieur jusqu’en 1952. Puis, il reprit le chemin de l’Afrique, pour le Togo cette fois, où il fut pendant cinq ans Directeur de l’École Professionnelle, une œuvre importante du Vicariat Apostolique de Lomé.
Il rentra en Suisse en 1957 et, après quelque temps de vacances au pays natal et un pèlerinage à Lourdes comme aumônier des Lucernois, il devint, en novembre 1957, aumônier à Lucerne d’un établissement pour personnes âgées et malades, l’Elisabethenheim, que dirigeaient des Religieuses de l’Hôpital Cantonal de Lucerne.
Le Père pensait retourner à Lomé aux environs de Pâques 1958. Mais il était souffrant, il fut quelque temps hospitalisé et finalement, fut obligé de dire que l’état actuel de sa santé ne lui permettait plus de se rendre en mission. Il continua le service de l’aumônerie à Elisabethenheim, toujours avec un grand dévouement, estimé et aimé des pensionnaires. Il allait également se rendre utile à la paroisse Sainte-Marie de Lucerne où, pendant plusieurs années, il fut très apprécié dans le ministère de confesseur à l’église des Franciscains. Il vécut près de 30 ans à Lucerne, mais toujours devant endurer divers maux, qu’il appelait les misères de la vieillesse.
Cependant, à plus de 90 ans, les misères de la vieillesse augmentant, il eut particulièrement à souffrir de la maladie durant les derniers temps de son voyage ici-bas. Il marchait péniblement, ses yeux ne voyaient presque plus, il dut être hospitalisé et subir diverses interventions. Il supporta patiemment ses souffrances, avec un grand courage et sans se plaindre. Il suivait le chemin de la croix, avec Jésus, son Maître, qu’il avait servi, durant une longue vie, dans la personne des petits, des pauvres, des souffrants. Le 12 février 1987, aux premières heures du soir, il s’endormit dans le Seigneur.
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