Société des Missions Africaines - Province de Lyon
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né le 17 août 1902 à Escoublac dans le diocèse de Nantes, France membre de la SMA le 30 juillet 1922 prêtre le 8 juillet 1928 décédé le 2 mars 1990 |
1928-1928 Saint-Priest (Lyon), professeur 1929-1938 Grand-Popo (Lokossa), Dahomey décédé à Montferrier-sur-Lez, France, le 2 mars 1990 |
Le père Jacques BERTHO (1902 - 1990)
Jacques Bertho est né le 17 août 1902 à Escoublac, en Loire-Atlantique, sur la commune de La Baule . Son père Léon est chantre et sacristain à la paroisse. Au jour des inventaires de l’Eglise, vers 1904, Jacques est là, avec son père, pour sonner l’angélus du matin, quand des militaires se présentent ; il leur dit : Nous ne vous avons pas déclaré la guerre et vous ne nous l’avez pas déclarée. Si vous entrez dans cette église pour l’inspecter, je tire ! Les militaires se retirèrent ; le préfet laissa l’affaire sans suite, et il n’y eut pas d’inventaire.
Tel est le caractère de Léon Bertho, tel sera celui de son fils Jacques. Celui-ci fréquente l’école libre d’Escoublac et, à douze ans, il est admis à son CEP. Il entre alors au petit séminaire à Pontchâteau, puis à celui de la rue Bel-Air, au centre de Nantes. C’est là que se décide sa vocation missionnaire. Il va rencontrer le père Victor Moison et, en 1919, en pleine année scolaire, il entre au petit séminaire des Missions Africaines à Pont-Rousseau. L’année suivante, il suit sa classe de 1ère et obtient sa 1ère partie du bac.
Le 2 octobre 1920, il entre au noviciat à Chanly et y fait sa philosophie. Il prononce son 1er engagement à la SMA, le 30 juillet 1922. C’est alors qu’il fait son service militaire à Paris, en tant que secrétaire, de 1922 à 1924. Il entre ensuite au grand séminaire du "150" à Lyon, où il est ordonné prêtre le 8 juillet 1928.
Au cours de l’année scolaire 1928-1929, le père Bertho est professeur au séminaire de Saint-Priest et passe sa seconde partie du baccalauréat. Mais il n’est pas à son aise dans cette maison, trouvant que la discipline laisse gravement à désirer. Ses supérieurs l’affectent au Dahomey, où il arrive en septembre 1929. Le père Bertho est nommé à Grand-Popo, pour aider la père Barreau. Il fait la classe à l’école de la mission. Chaque soir , avec quelques écoliers, il va au village saluer les vieux et, à leur contact, il apprend la langue mina. De vicaire, il devient bientôt curé de Grand-Popo. A cette époque, il écrit un long article sur les Houédas et réalise un catéchisme en langue gengbé, ainsi qu’un petit missel en langue éwé.
En janvier 1939, le père Bertho est nommé responsable des écoles du Dahomey et procureur du vicariat de Ouidah. Une véritable passion va l’animer, désormais, durant vingt- quatre ans : la passion de la liberté pour les écoles catholiques en Afrique. Très pédagogue, il interdit de frapper les élèves et, devenu inspecteur, il établit, pour les maîtres, l’obligation du cahier de préparation.
Vers ces années-là, le père Bertho avait pour amis un instituteur de l’école laïque, Paul Hazoumé, et un journaliste, Augustin Nikoué. Or, celui-ci avait coupé les palmiers de sa plantation pour les remplacer par des cocotiers. Pour l’avoir fait sans une permission de l’administration, il est jeté en prison et condamné à une forte amende. Cette injustice révolte le père Bertho. Invité à Dakar pour assister à une conférence sur l’enseignement en Afrique, il prend contact, dès son arrivée, avec un haut magistrat à qui il explique le cas d’Augustin. Ce magistrat, fils d’esclave des Antilles, lui promet d’agir. Quelques jours plus tard, Augustin Nikoué sort de prison et son amende est supprimée.
En 1939, au début de la 2ème guerre mondiale, le père Bertho est mobilisé sur place, à Grand-Popo, pour assurer la tranquillité de la région. En janvier 1943, au nom des évêques catholiques, le père Bertho est nommé représentant fédéral des écoles catholiques de l'A.O.F., devant le gouvernement général de Dakar. Il établit sa résidence à Dakar et, en attendant de trouver un logis, il est l’hôte des pères du Saint-Esprit. Quelle grande reconnaissance lui doivent de nombreux vicaires et préfets apostoliques, ainsi que beaucoup de prêtres, de religieux et de religieuses des pays de l’Afrique de l’Ouest ! Qui pourrait l’évoquer ? Il défend sans cesse cette cause, avec un acharnement de chaque instant, allant jusqu’au bout de ses possibilités, en utilisant toutes les ressources du Journal officiel qu’il connaît presque par cœur. Il tient à faire respecter la législation, datée du 26 mars 1922, pour refuser les erreurs et les mensonges de la campagne de presse, déclenchée en A.O.F. par le sectarisme de quelques instituteurs et inspecteurs de l’enseignement public.
Depuis sa venue à Dakar, le père Bertho souhaite que l’union des évêques ne se réalise pas seulement dans le domaine scolaire, mais également dans ceux de l’action catholique, de la presse catholique, et des méthodes d’évangélisation. Il en parle autour de lui. L’idée fait son chemin. En 1945, Rome désigne un visiteur apostolique, le père Prouvost et, en 1948, un délégué apostolique : monseigneur Lefebvre.
En 1946, il y a un intermède dans l’apostolat du père Jacques Bertho. A la mort du père Aupiais, le 14 décembre 1945, les Dahoméens et les Togolais font confiance au père Bertho. Ils lui demandent de se présenter pour être élu à l’Assemblée Constituante à Paris, et il est réélu, pour la 2ème assemblée, qui s’achève le 5 octobre 1946. Le père Bertho avait l’autorisation de monseigneur Parisot et de monseigneur Strebler, mais les confrères, délégués à l’assemblée provinciale, pensent qu’il n’est pas souhaitable, qu’un missionnaire présente sa candidature à des élections politiques. Le Père Bertho avise alors le comité dahoméen qu’il se retire, et il reprend ses fonctions à Dakar, avec le même zèle et le même acharnement que lors de son premier séjour.
En 1951, vers la fin de l’année, le syndicat des professeurs de l’enseignement du second degré fait coller une affiche infamante contre les écoles privées à travers la ville de Dakar. Monseigneur Lefebvre charge le père Bertho de cette affaire. Celui-ci prend des photos, fait faire un constat et intente un procès contre le syndicat devant le tribunal de Dakar. Le père Bertho gagne son procès. Le juge autorise alors la publication du jugement dans les journaux, mais, à la surprise des uns et des autres, le père s’y refuse pour éviter les tensions et calmer les esprits.
En mai 1952, le père Bertho est nommé au Grand Conseil de Dakar. Ayant pris goût aux joutes oratoires, il les poursuit en assurant, une nouvelle fois, un grand service d’Eglise. Il visite les pays de l’A.O.F. pour résoudre les divers problèmes auxquels sont confrontés les écoles catholiques.
En 1956, il revient au Dahomey où monseigneur Louis Parisot lui confie, à nouveau, la direction nationale des écoles du pays, en même temps que la direction diocésaine des écoles de Porto-Novo, tandis que le père René Lemasson s’occupe des écoles du nord, et le père Maurice Grenot, des écoles du diocèse de Cotonou qui comprend, à cette époque, Abomey et Lokossa.
Il est à ce poste depuis six ans, quand survient, à Lomé, le tragique accident du mardi 3 avril 1962, où une voiture de l’administration rentre violemment dans la sienne. Le Père a la cheville cassée, la poitrine défoncée, un choc crânien et une thrombose, d’où une paralysie de tout le côté gauche qui va aller en s’aggravant, malgré tous les soins. Après une hospitalisation de quatre jours à Lomé, il est transporté à Porto-Novo, et rapatrié en France, le 29 avril. Arrivé à Paris, il est hospitalisé à la Salpetrière jusqu’en juillet, puis à Sainte-Foy-les-Lyon pour continuer sa rééducation qui s’avère difficile. Le 18 décembre 1962, il gagne La Croix-Valmer. En octobre 1979, il rejoint, avec tous ses confrères, la maison de retraite de Montferrier, où il poursuit son long chemin de croix, avec un corps qui se recroqueville de plus en plus.
Après une vie de grande activité, commence, pour le père Bertho, une période de 28 ans de paralysie et d’inaction. Mais il fait face à son handicap, avec courage et ténacité : il lit beaucoup et apprend même l’arabe. Passionné par l’action et les discussions, il reste, au cours de sa maladie, un travailleur précis et méthodique, qui observe, cherche et écrit de nombreux articles sur les langues, les coutumes et l'histoire. Tout l'intéresse, ce qui ne surprend pas, car, depuis 1949, il est membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.
Une telle carrière, les hommes l’ont récompensée par de nombreuses décorations :
Officier de l’Etoile Noire du Bénin.
Commandeur de l’Ordre National du Dahomey.
Officier des Palmes Académiques.
Chevalier du Service Social.
Officier de la Légion d’Honneur.
Hochets de vanité, peuvent dire certains. Dans le cas présent, ils sont signes de l’excellent travail du père Bertho, travail accompli au nom des Missions Africaines, et dont l’honneur rejaillit sur la société missionnaire à laquelle il appartient.
Prêtre et missionnaire, le père Bertho va supporter son épreuve avec héroïsme, mais aussi discrétion. En s’appuyant sur la foi qui l’habite, il se soumet à la volonté de Dieu, et fait confiance en la généreuse providence, comme il l’écrit dans son testament, confiance au Père qui s’est donné en la personne de son Fils, devenu l’homme des douleurs.
Ce que furent toutes ces années, il faut l’avoir vécu pour le comprendre, disait-il au père François Fénéon, le 2 février 1990. Et il ajoutait : Oui, je suis prêt. Un mois plus tard, le 2 mars 1990, le Seigneur venait le chercher. Il avait 88 ans.
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