Société des Missions Africaines - Province de Lyon
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né le 30 avril 1904 à Genève dans le diocèse de Fribourg, Suisse membre de la SMA le 18 juillet 1937 prêtre le 6 janvier 1941 décédé le 11 mars 1998 |
1941-1943 Daloa (vicariat de Sassandra) Côte-d'Ivoire 1943-1994 Zuénoula (Daloa) décédé à Montferrier-sur-Lez, France, le 11 mars 1998 |
Le père Paul GACHET (1904 - 1998)
Si l’on veut résumer la vie du père Paul Gachet en un seul mot, on dira "Zuénoula", car il a passé plus de cinquante années de sa vie missionnaire dans cette paroisse du diocèse de Daloa, en Côte-d'Ivoire.
Né en Suisse, dans le diocèse de Genève, le 30 avril 1904, mais bien français de nationalité, il est l'aîné de trois enfants d'une famille modeste. Nous ne savons rien de sa jeunesse, sinon qu'il avait appris le métier de sculpteur sur bois pour la confection de meubles, métier dont il usera plus tard pour subvenir aux besoins de la mission. Il a certainement exercé ce métier durant quelques années, car il a déjà 29 ans quand il demande à entrer aux Missions Africaines : on est en 1933. Il passe d’abord deux ans au séminaire des vocations tardives à Saint-Priest, puis deux ans, à Chanly, au noviciat ; et c’est, en 1937, qu’il fait son premier serment, le 18 juillet. Trois ans plus tard, il fera le serment perpétuel et sera ordonné prêtre le 6 janvier 1941 par monseigneur Gerlier, depuis peu archevêque de Lyon. De constitution plutôt faible, il avait été ajourné en 1924, il ne pensait certainement pas, alors, qu’il allait passer, pratiquement sans discontinuer, 54 ans en Afrique, dont plus de 50 ans dans la même paroisse.
A sa sortie du séminaire, il est mis à la disposition du vicaire apostolique de Sassandra, monseigneur Kirmann, qui le nomme à Daloa vicaire du père Tranchant. Ce dernier aurait voulu un prêtre qui joue de l’harmonium et qui chante bien. Il était mal tombé. Il demande au père Gachet de visiter les petites écoles de brousse dans les villages. Il va donc faire à vélo des tournées de trois semaines. (Père Jean-Paul Benoît, homélie des funérailles).
En 1943, monseigneur Kirmann lui demande de fonder Zuénoula, tout en s’occupant de Bouaflé, car le père Savéan avait été mobilisé. Il fait à vélo les 80 kilomètres qui séparent les deux missions, emportant avec lui sa bible, son bréviaire, ce qu’il faut pour dire la messe, un peu de linge et son fusil, et il se met tout de suite au travail : défricher la concession, faire des briques, construire une case, puis une église, recommencer l’église car la première a été détruite par une tornade avant qu’elle ne soit terminée. La vie est difficile ; c’est la guerre, il n’y a rien dans les boutiques ; il faut utiliser l’huile rouge pour s’éclairer le soir. Pas de livres, pas de radio… Tous les 15 jours, le père prend son vélo et descend à Bouaflé faire quelques courses. Souvent épuisé, il passe la nuit dans une plantation.
En 1946, au retour de son premier congé, il reçoit l’aide d’un vicaire, le père Borel, qui va lui causer bien du souci. En effet, pour une histoire de défenses d’éléphant, ce dernier va tuer un villageois. Le père sera vite renvoyé en France, mais les conséquences de son geste se feront encore sentir une trentaine d’années plus tard. Peu après ce drame, le jeune père Camille Charrier est nommé à Zuénoula. Excellent missionnaire, organisateur des écoles de la mission, il part un jour, à l’insu du père Gachet, à la chasse à l’éléphant. Inexpérimenté, il est surpris par la bête qui le tue sur le coup. Après le départ d’un troisième vicaire qui ne restera qu’une année, le père Gachet demande à son évêque, monseigneur Rouanet depuis 1956, de ne plus lui donner de vicaire. Malgré cela, le père Benoît est nommé à Zuénoula en 1960. Ils vont rester ensemble pendant plus de 25 ans et seront, chacun avec ses propres qualités, les artisans du développement de la mission.
Déjà vers la fin des années 40, le père Gachet s’était tourné vers l’école. Il lui faudra travailler beaucoup pour gagner l’argent afin de construire les classes et payer les maîtres. C’est là où son ancien métier va lui servir. Il va acheter des machines à bois en empruntant de l’argent à ses parents : il fera des tables, des portes, des meubles, des cercueils ; il formera même un Africain, un dénommé Bakary, pour l’assister dans ce travail. Il permet ainsi à son vicaire d’être plus libre pour organiser l’école et la faire grandir. De son côté, le père va alors terminer l’église en dur. En 1958, il arrange les classes, les plafonne. Puis il fait un premier agrandissement de l’église du centre et bientôt un second, ce qui témoigne de l’accroissement du nombre des fidèles. C’est autour des années 60 que le père déploie la plus grande activité : il va en effet construire une dizaine de chapelles en dur dans les villages gouros ou les villages mossis assez nombreux dans la forêt et aussi une dizaine d’écoles, ainsi qu’un centre d’accueil à Zuénoula pour y former les futurs catéchistes. Il dira plus d’une fois assez tristement : Toute ma vie, je n’ai mis que des briques l’une sur l’autre. Ce à quoi le père Benoît pouvait lui répondre : La Vierge Marie n’a donné que son corps à Jésus. Sans ce corps, il ne pourrait nous parler…
Mais le père ne faisait pas que du matériel. Jusqu’à sa retraite sur place, c’est lui qui s’occupait des communautés mossis toujours plus nombreuses au fil des années. N’est-ce pas lui qui, plusieurs fois par semaine, allait dire la messe à 6 heures du matin à Koudougou et qui, en semaine, allait visiter les communautés existantes sur la paroisse ? Sans doute, le père n’était pas toujours facile à vivre. Il m’a dit, plus d’une fois, des paroles blessantes que je méritais. Mais à chaque fois, il venait, il demandait pardon et se confessait. Ce fut un exemple pour moi (homélie du père Benoît).
Au temps du père Charrier, le premier catéchisme en langue gouro est traduit avec l’aide d’un jeune étudiant que le père Gachet aimait bien et qui deviendra Monsieur le ministre Vanié bi Tra. Ils resteront très liés l’un à l’autre, monsieur Vanié bi Tra ne manquant jamais de s’arrêter à la mission pour saluer le père Gachet, lorsqu’il remontait d’Abidjan pour gagner son village de Vouéboufla, et le père Gachet allant loger chez le ministre lorsqu’il devait se rendre dans la capitale. En 1995, alors que le père a 91 ans et qu’il sollicite de ses supérieurs la permission de revenir en Côte-d'Ivoire, l’ancien ministre est même d’accord pour le recevoir chez lui et lui aménager une chapelle dans son appartement.
Dans ses lettres, on ne trouve aucune allusion à sa santé avant ses 70 ans. Mais chaque fois qu’il revient en France pour un congé, il a soin de se faire délivrer par son médecin un certificat d’aptitude à l’Afrique. Lui, jugé faible de constitution quand il avait 20 ans, voilà maintenant qu’à près de 90 ans, il est toujours sur la brèche et il entend bien y rester. Il paraît que vous seriez prêt à venir vous faire opérer en France, à condition toutefois d’avoir toutes les garanties nécessaires d’un retour à Zuénoula après votre opération. Je puis vous assurer que je ne mettrai aucun obstacle à un tel retour si votre médecin est d’accord (lettre du provincial de 1991). Ce sont ses yeux qui lui poseront les plus gros problèmes ; il a besoin d’une grosse loupe pour lire, et même pour écrire. Mais cela ne l’empêche pas de prendre la plume pour solliciter un nouveau départ en Côte-d'Ivoire ou pour expliquer l’histoire de Claire, une jeune fille gouro, qu’il avait pratiquement adoptée et qui était arrivée à la mission de Zuénoula au début des années 70.
Par deux fois, il sera honoré de façon officielle par les autorités civiles de la Côte-d'Ivoire. En 1988, il reçoit la croix de commandeur de l’ordre national du mérite ivoirien. Quand il est au courant de ce qui se prépare, voici ce qu’il dit : Je veux que ce soit toute la SMA qui soit honorée le jour où le grand chancelier doit venir pour me remettre la distinction de commandeur du mérite ivoirien. Comme tous mes confrères, j’ai travaillé avec plus ou moins de bonheur, mais je tiens à ce que cette distinction soit pour tous les pères, frères, sœurs qui ont œuvré en ce diocèse, et notre Société, notre Mère ! En 1993, le président de la république, M. Houphouët-Boigny signe le décret suivant : Gachet Paul, résidant à Zuénoula, est naturalisé ivoirien.
Décoré par les autorités, adopté par la population, remarquable de longévité, il ne désirait plus qu’une chose au fond de son cœur : passer sur l’autre rive, à Zuénoula, pour y avoir sa dernière demeure. Cela lui sera refusé. Il a 90 ans lorsqu’il est nommé à Montferrier. Trois ans plus tard, il retourne en Côte-d'Ivoire pour assister à l’ordination des trois premiers prêtres gouros. A son retour, il écrit à ses supérieurs : Ma joie est à son comble, merci ! Il s’éteint doucement, à Montferrier, quelques mois plus tard, le 11 mars 1998, et repose désormais dans le petit cimetière à l’entrée de la propriété.
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