Société des Missions Africaines - Province de Strasbourg
![]() |
né le 9 juin 1909 à Batzendorf dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 29 juin 1928 prêtre le 8 janvier 1933 évêque le 16 août 1952 décédé le 12 mars 1994 |
1933-1937 Haguenau (Strasbourg), professeur décédé à Barr, France, le 12 mars 1994 |
Monseigneur Emile Durrheimer (1909 - 1994)
Emile Durheimer est né à Batzendrof, en Alsace, le 9 juin 1909. Il est le dernier d'une famille de huit enfants. Le papa exerce le métier de maréchal-ferrant, tout en étant agriculteur. Emile fréquente l'école primaire de son village et aime se rendre utile à la paroisse Saint Arbogast, toute proche de la maison familiale, comme enfant de chœur et dans d'autres petits services. Un de ses frères, Eugène, qui avait été étudiant aux Missions africaines et condisciple du père Kern, futur provincial de l'Est, est tué à la bataille de la Somme, en septembre 1918, alors qu'il était mobilisé dans l'armée allemande.
En 1921, Emile est admis au collège des Missions africaines à Bischwiller, où il fait ses études secondaires jusqu'en 1926, mais ce n'est que plus tard, en 1930, pendant son grand séminaire, qu'il passera son baccalauréat à Haguenau.
Arrivé à Chanly le 1° octobre 1926 pour son noviciat, il rencontre plusieurs alsaciens qui, plus tard, travailleront avec lui au diocèse de Katiola : Haessler, Nonnenmacher, Jacoby, Mockers, J. Meyer et Grundler. C'est au cours de ces deux années à Chanly qu'est créée, en 1927, la nouvelle province d'Alsace- Lorraine, avec comme premier provincial le père Brediger. Emile prononce son premier serment le 29 juillet 1926, avec les appréciations suivantes : « séminariste pieux, sérieux, régulier, travailleur, ayant de la tenue et du savoir-faire. Doué d'un bon jugement. Quelques aptitudes pour la musique »
De 1928 à 1933, c'est le grand séminaire à Lyon, avec quelques interruptions pour cause de maladie, de préparation du baccalauréat et de surveillance au collège de Haguenau. Il est ordonné prêtre le 8 janvier 1933, dans la chapelle des Missions africaines à Lyon et nommé, le 7 juin, comme professeur , à l'école apostolique de Haguenau, où il enseignera surtout les mathématiques tout en assurant un peu de ministère. Impatient de partir en Afrique, il écrit le 23 août 1937 : « J'accepterai avec reconnaissance tout poste en Afrique, fut-ce le plus reculé de Korhogo ou le plus pauvre de Sokodé. » A la fin du même mois, il obtient satisfaction : « Vu le bon certificat médical, le conseil provincial a décidé de vous envoyer en mission en Haute-Côte d'Ivoire « Le voilà donc affecté à la préfecture apostolique de Korhogo qui s'étend alors sur tout le nord de la Côte d'Ivoire, de Bondoukou à Odienné, en passant par Katiola et Séguéla. Mgr. Diss en est le troisième préfet apostolique et réside à Sinématiali.
Le 13 novembre, le jeune missionnaire est accueilli à Katiola par le père Etrillard. Il y apprend, peu après, la douloureuse nouvelle de la mort de sa mère et écrit au provincial : «Autant j'étais heureux de voir mes rêves d'enfant se réaliser, autant cette première épreuve en terre d'Afrique était dure ... »
Il s'initie au ministère paroissial sous la direction du père Etrillard qui deviendra plus tard évêque de Gagnoa. Il y vit sa première fête de Noël avec enthousiasme, mais découvre aussi très vite les difficultés du ministère pastoral en pays païen, très marqué, en particulier, par la polygamie qui, freine la naissance des premiers foyers chrétiens.
Le nouveau préfet apostolique, le père Edmond Wolff, qui avait succédé à Mgr. Diss, le 7 janvier 1939, tombe malade lors de la visite de ses missions dans la région de Kouto et meurt prématurément, le 4 août, d'une bilieuse. Il est enterré à Ferké où son souvenir reste toujours vivant.
En 1940, le père Emile est nommé supérieur du petit séminaire de Katiola et directeur des écoles de la préfecture apostolique, ce qui l'amène à s'investir particulièrement dans la construction des écoles de catéchisme dans les stations secondaires, souvent contré par les chefs de villages opposés à toute évolution. Si la Basse-Côte est en pleine évolution et vit une véritable course aux écoles, la Haute-Côte, au contraire, se montre hostile, ou du moins indifférente à l'instruction, spécialement du fait de quelques inspecteurs coloniaux encore imbus de laïcité haineuse. C'est ainsi que des sanctions seront même prononcées. «Les arrêtés locaux accordés au père Durrheimer en qualité de directeur de l'enseignement privé de Katiola sont et demeurent rapportées », les mêmes mesures frappant les pères A.Guérin et H.Schneider. Mgr. Wach réagira fermement en s'adressant au gouverneur général de l'AOF à Dakar : « Certains membres de l'enseignement officiel mènent contre nos écoles une violente campagne dont le but est la suppression pure et simple de notre enseignement ». Au petit séminaire de Katiola on note néanmoins 50 admissions de 1939 à 1947. Parmi eux, 7 deviendront prêtres et 3, évêques.
En octobre 1945, le père Durrheimer est en congé. Il sera élu délégué aux assemblées de la SMA, puis choisi comme vice-provincial. Le 31 juillet 1946, il est nommé supérieur de l'école apostolique de Haguenau où il s'investira dans la reconstruction des bâtiments en partie détruits par les bombardements.
Le 29 octobre 1947, le père est nommé préfet apostolique de Korhogo. « Je suis effrayé, écrit-il, de poids de la charge qui pèsera sur mes épaules...un territoire immense à évangéliser...près d'un million de païens à convertir...dans des conditions si difficiles à une période si délicate de l'évolution de la race noire... » Fin janvier 1948, il s'embarque avec trois confrères. Après une traversée mouvementée, Mgr. retrouve la Côte d'Ivoire et s'installe d'abord à Ferké, aux « Petits clercs », avant de rejoindre Katiola, mission qu'il connaît bien, tout en gardant encore le titre de préfet apostolique de Korhogo, cette ville ayant une position trop excentrique et du fait que la chrétienté a beaucoup de mal à s'y développer.
L'accession de Mgr. Durrheimer à sa nouvelle charge coïncide avec de grands changements dans le pays, travaillé par la montée du RDA. Un nouvel esprit s'instaure et cela ne sera pas sans répercussions sur le travail de la mission. Le nouveau Préfet s'investit beaucoup dans la création de nouveaux lieux de culte, spécialement pour l'église de Ferké où « plus de 1000 chrétiens et catéchumènes s'entassent tous les dimanches dans une paillote indigne... »Une nouvelle église, dédiée à ND. De Lourdes, une des plus belles du pays, sera achevée en 1954.
Quelques européens, tels M. Billon et M. Schwein, l'aideront à trouver les ressources nécessaires, y compris pour la création d'une école professionnelle en vue de former des menuisiers, qui se spécialisera d'abord dans la fabrication... des cercueils. Les Sœurs NDA. pourront s'installer à Ferké grâce à la mise à leur disposition de la résidence de M. Bosio. A cette époque, les écoles occupent une place charnière dans le dispositif missionnaire : il est fait à chaque chrétien un devoir de secourir l'école parce que c'est l'avenir de l'Eglise.
Un couple de chrétiens, Louis Vandete et Valérie Ama, à la vie exemplaire, marquera fortement la communauté chrétienne de Korhogo. Ils meurent tous les deux, à deux mois d'intervalle ( fin décembre 48 et 2 mars 49).C'est Mgr. Nobou qui introduira leur cause en vue de leur béatification.
En juillet, Fernand Konaté, enseignant et infirmier à Siempourgo, marié et père de trois enfants, est sauvagement exécuté ( sacrifice rituel) : les menaces et la peur du « poro » empêcheront les villageois de parler.
Heureusement, la préfecture connaît aussi des moments plus heureux : la visite du supérieur général et du provincial, un pèlerinage à Rome pour l'année sainte de 1950. Mgr. invite les missionnaires à s'investir dans l'étude de la langue et de la culture africaine. Le père Clamens fait paraître des articles dans la revue de l'IFAN à Dakar et publie une remarquable grammaire de la langue tagouana.
Le 15 mai 1952, la préfecture de Korhogo est transformée en vicariat apostolique de Katiola. Mgr. Durrheimer reçoit l'ordination épiscopale le 16 août 1952 à Haguenau et, trois ans plus tard, Katiola est érigé en diocèse le 14 septembre 1955, en même temps que les diocèse de Bouaké et Daloa, et celui de l'archidiocèse d'Abidjan. L'ordination épiscopale fut présidée par Mgr. J. Weber, évêque de Strasbourg, assisté de Mgr Strebler, sma de Lomé, et Mgr Paulissen, sma de Koumasi. La Côte d'Ivoire était représentée par Mgr Duirat, de Bouaké, le père Etrillard, le père J. Guérin, vicaire général SMA et le père Kern. Le nouvel évêque choisira comme devise: « Miles Christi Jesu » et célébrera sa première messe épiscopale à Batzendorf, son village natal. Il termine l'année 1952 en France, avant de rejoindre son diocèse, avec ses 11 missions principales et ses 270 postes secondaires. Les domaines où il va s'investir particulièrement seront : l'enseignement, les vocations, les catéchistes, la liturgie, l'action catholique, tout en continuant les nouvelles fondations .
Signalons spécialement quelques événements . Les écoles catéchistiques deviennent des écoles officielles autorisées par le gouvernement. L'effort scolaire dans le primaire devenu moins urgent et la collaboration plus facile avec le public, Mgr. fait porter l'effort sur la formation des maîtres et sur l'enseignement secondaire. Le collège catholique de Daloa, puis, à partir de 1956, le cours normal de Bouaké devenu collège et le collège St. Charles Lwanga de Ferké. Les pères de Bétharram prennent en charge le petit séminaire de Katiola. L'école des « Petits clercs » de Ferké devient le centre Mgr. Wolff pour stages, récollections et sessions.
L'éducation des filles sera assurée, à Korhogo, au collège Ste Elisabeth dirigé par les Filles de la Croix. Côté vocations, le petit séminaire St. Jean de Katiola accueillera des élèves à partir de 1959, d'où sortiront plusieurs prêtres dont le futur Mgr. Eugène Abissa Kouakou. Le 1° prêtre sénoufo sera l'abbé Edouard Yégnon en 1959. La première sœur NDA., Véronique Ouana, en 1962. La formation des catéchistes sera surtout assurée grâce à des sessions d'un mois à Ferké, animées par l'abbé Jean-Marie Kélétigui, lui-même ,futur évêque de Katiola.
Dans le domaine de la liturgie, beaucoup de changements s'opéreront après le concile : utilisation des langues locales dans les célébrations, usage des instruments de musique indigène... La porte s'ouvrait pour une véritable inculturation.
L'action catholique s'implante peu à peu comme moyen de formation permanente des baptisés et d'implication de ces mêmes baptisés dans les tâches de la pastorale, de la catéchèse et de l'évangélisation. On voit apparaître la Croisade eucharistique, les CV-AV, pour les élèves, les équipes enseignantes puis la Légion de Marie, les Familles chrétiennes. On verra aussi la naissance des conseils paroissiaux, centres de décisions pour les options pastorales à mettre en oeuvre ( finances, fêtes, liturgie), établissement de meilleures relations avec l'Islam, ainsi qu'un véritable oecuménisme avec les protestants.
Les nouvelles fondations de paroisses continuent jusqu'à la frontière nord à Ouangolodougou. En mars 1957 sera bénie la nouvelle église St. Jean-Baptiste de Korhogo qui deviendra plus tard cathédrale.
Enfin, les ordinations de prêtres seront de plus en plus importantes jusqu'à celle de l'abbé Ernest Dahiri, de Niakara, le 7 juillet 1974, dernier prêtre diocésain ordonné par Mgr. Durrheimer. Pour l'évolution de la femme africaine, des communautés religieuses, NDA. et Petites servantes de Menton, seront accueillies avec le triple objectif d'enseigner les filles, de faire la catéchèse et de soigner les malades. Plus tard, Mgr. fera venir les Sœurs de la Providence de Portieux, les Filles de la Croix de la Puye et les Sœurs du Carmel de St. Joseph, réfugiées de Guinée.
La haute estime qu'avait Mgr. Durrheimer de la formation permanente des prêtres l'amènera à publier de nombreuses ordonnances et circulaires, se référant toujours à deux sources principales, le concile et le pape Jean-Paul II.
Rome ayant accepté sa démission, c'est l'abbé J.M. Kélétigui qui lui succédera le 7 juillet 1977. En décembre, il fait ses adieux à Katiola : 3 de ses fils sont devenus évêques, Mgr. Kouakou à Abengourou, Mgr. Kélétigui à Katiola et Mgr. Kouassi à Bondoukou. Il passera encore 17 années en Alsace, essentiellement à la maison de retraite de St. Pierre, rendant encore de nombreux services en paroisse.
En 1983, Mgr. peut célébrer son jubilé sacerdotal. Il entretient une abondante correspondance tant avec la Côte d'Ivoire qu'avec sa famille. Sa santé va ensuite se détériorer ; il doit s'aliter plusieurs mois à St. Pierre et s'éteint le 12 mars 1994 à l'hôpital de Barr, après 61 ans de sacerdoce et 42 ans d'épiscopat. Sa messe d'enterrement, en l'église abbatiale d'Andlau, le 19 mars, réunira un grand nombre de prêtres et sera l'occasion de nombreux témoignages, comme celui du Cardinal Yago, de Mgr. Mandjo, Mgr. B. Kouamé, Mgr. Jean Bonfils, des pères de Bétharram, des clercs de Saint-Viateur. L'abbé Dahiri, dernier prêtre ordonné par Mgr. Durrheimer pour le diocèse de Katiola, redira tout l'attachement filial et toute l'admiration qu'il lui voue. « Je le considère, dira-t-il, comme un grand homme, un grand missionnaire et un grand évêque. »
Recherchez .../ Search...