Société des Missions Africaines - Province de Strasbourg
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né le 21 septembre 1910 à Strasbourg dans le diocèse de Strasbourg, France membre de la SMA le 27 juillet 1930 prêtre le 6 janvier 1935 décédé le 14 mars 1992 |
1935-1936 Haguenau (Strasbourg), professeur décédé à Abidjan, Côte-d'Ivoire, le 14 mars 1992 |
Le père Joseph PFISTER (1910 - 1992)
Joseph Pfister est né à Strasbourg-Neudorf, le 21 septembre 1910. Il fut baptisé à l’église de la paroisse Saint-Louis et reçut les prénoms de Marie Joseph Paul. Le 26 septembre 1922, il entra à l’école apostolique de Saint-Pierre.
Il poursuivit dès lors ses études, classiques et théologiques, dans les écoles et séminaires des Missions Africaines : Saint-Pierre, Bischwiller, Haguenau, Chanly en Belgique, Lyon. Il fut ordonné prêtre au grand séminaire s.m.a. de Lyon, le 6 janvier 1935.
Après une année de professorat à l’école apostolique de Haguenau, en 1935-1936, il fut nommé pour la Mission de Haute Côte d’Ivoire. Il arriva à Abidjan le 13 octobre 1936. Il sera missionnaire en Côte d’Ivoire jusqu’en 1985. Revenu à Strasbourg le 13 juin 1985, il entrait dans un temps de repos bien mérité et nécessaire, pendant lequel il se mettait au service de la paroisse Saint-Aloyse de Neudorf, en particulier pour le soin pastoral des malades et des personnes âgées.
Il mourut à Abidjan, le 14 mars 1992, d’une manière tragique, victime d’une agression de malfaiteurs. Il avait accepté, au mois de janvier 1992, de retourner en Côte d’Ivoire et de passer quelques semaines à la maison régionale d’Offiakaha afin d’aider le Père Régional qui était seul alors à la mission : son confrère, le Père Brencklé, blessé par des attaquants malveillants, venait d’être rapatrié et hospitalisé en France. Le Père Pfister avait retrouvé avec joie le pays qu’il avait évangélisé pendant de nombreuses années. Son séjour provisoire achevé, il allait repartir pour l’Alsace, ayant prévu de reprendre, à l’occasion des fêtes pascales proches, son service pastoral dans sa paroisse de Neudorf. Le 13 mars, il avait accueilli à l’aéroport d’Abidjan un neveu et son épouse et, le lendemain soir, ils se rendirent ensemble dans un petit restaurant de la ville. Quelques minutes après leur entrée, deux malfaiteurs, surgissant les armes à la main, les dévalisèrent et l’un d’eux, en s’affolant, tira sur le Père Pfister qu’il tenait en joue, le tuant sur le coup.
La carrière missionnaire du Père Pfister s’est étendue sur près de 50 ans, dans deux missions de la Côte d’Ivoire : à Katiola de 1936 à 1939 et de 1947 à 1951, à Bondoukou de 1939 à 1947 et de 1951 à 1985.
En 1936, le Père Pfister, affecté à Katiola, est nommé professeur au petit séminaire de la mission. C’est le petit séminaire Sainte-Odile qui, à la grande joie des séminaristes, recevra en 1937 une relique de la sainte patronne de l’Alsace, donnée par Mgr Ruch. À Katiola le Père Pfister fait la classe aux enfants. Et en même temps heureusement, écrit-il, quatre villages de brousse lui sont assignés pour y assurer le service des offices le dimanche. Quelle différence, ajoute-t-il, entre nos pauvres chapelles et les belles églises en Alsace ! Mais il est surtout heureux de pouvoir annoncer le Sauveur dans ces villages.
Aux premières vacances de Noël en 1936, Mgr Diss, le Préfet Apostolique, emmène le Père Pfister et le Père Jacoby faire connaissance de quelques stations importantes de la Préfecture. Le Préfet Apostolique conduit lui-même la voiture et dirige l’expédition (836 km aller et retour en 5 jours). Départ de Katiola le 23 décembre. Arrêt à Ferkéssédougou pour y rencontrer le Père Wolff et le Père Grundler. On passe la fête de Noël à Sinématiali, où les voyageurs sont reçus par le Père Nonnenmacher. Là, le Père Pfister aménage la crèche de Noël. L’office de la nuit est beau et solennel. Monseigneur accompagne les chants à l’harmonium. Des centaines de petits cierges éclairent la maison de Dieu. Celle-ci est petite, mais bien suffisante pour le petit nombre de fidèles. Tout cela fait penser aux catacombes. Dans la journée de Noël, on va voir le bois fétiche, voisin de la station missionnaire, puis le village indigène qui est un ensemble de cases serrées l’une près de l’autre, autour de rues étroites et tortueuses. Des visites sont faites au chef de canton, au sous-chef qui fait cadeau d’un poulet, au chef du village qui est aussi un prêtre féticheur. La journée du 26 décembre est employée, en passant par Korhogo, à visiter la mission de Kouto, où l’on admire la nouvelle église. Le lendemain les Pères quittent Sinématiali pour retourner à Katiola.
Le Père Pfister enseigna au petit séminaire de Katiola jusqu’en 1939. Cette œuvre, que Mgr Diss fondait en 1936, était très importante, puisqu’il s’agissait de la préparation d’un futur clergé africain pour la Haute Côte d’Ivoire. Elle présentait d’ailleurs des difficultés et succédait à divers essais entrepris jusque-là par les missionnaires. Notons que, en 1921, le pays ne comptait que 80 à 90 catholiques. Pendant des années, les enfants sur qui l’on fondait des espoirs pour arriver au sacerdoce étaient tous retournés dans leurs familles. Avec la fondation du petit séminaire de Katiola, on pouvait attendre avec confiance un meilleur résultat pour le but envisagé. À la rentrée de novembre 1936, ils étaient 13 garçons qui représentaient l’espoir de la moisson future.
À cette œuvre donc, le Père Pfister s’était donné avec zèle pour la formation de ces jeunes. En même temps, il collaborait dans la mesure du possible, surtout les dimanches, à la pastoration des villages. Il prenait part aussi aux divers événements de la mission. C’est ainsi qu’il signale comment, le 1er juillet 1937, il accompagne le Père Weber Nicolas pour son installation, lors de la fondation d’une nouvelle mission, Niakaramandougou. Vers le soir, le Père Weber arrive dans son nouveau champ d’apostolat. Quelques chrétiens, peu nombreux, sont là à l’attendre, dans la joie d’avoir maintenant un Père pour eux seuls. La première résidence n’est pas riche : une case de terre, sans mobilier, sera l’abri du Père, en attendant qu’il ait une habitation mieux conditionnée.
Un même événement allait se produire pour le Père Pfister, dans des conditions peut-être plus difficiles encore, lorsqu’il fut lui-même chargé de la fondation d’une nouvelle station missionnaire, Bondoukou, à l’extrême est de la Préfecture Apostolique de Korhogo.
La Préfecture de Korhogo s’étendait à l’est jusqu’à la frontière de l’actuel Ghana. Pendant longtemps, les territoires de l’est restèrent sans missionnaires. Ce n’est qu’en mars 1934 que Mgr Diss, en compagnie du Père Brédiger, Provincial d’Alsace, et du Père Etrillard, put faire un voyage dans ces régions et y étudier les conditions de fondation d’une mission dans une des localités du pays. À la suite de ce voyage, quelque temps plus tard, Mgr Diss fixa son choix sur le village de Tanda, qui reçut en janvier 1935 son premier missionnaire, le Père Jean Jacoby, que le Père Fix vint bientôt rejoindre. Mgr Diss, au mois de décembre 1934, aidé du Frère Théodose, avait préparé le premier établissement. À Noël, il avait célébré la messe de minuit à Bondoukou que les Pères de Tanda visitèrent comme station secondaire. Ils célébraient la messe dans la grande case administrative qui servait de tribunal jusqu’à ce que, en 1937, une case fut transformée en chapelle.
En 1939, le Père Pfister est nommé pour Tanda. Ils étaient alors 4 missionnaires à Tanda : le Père Jacoby, supérieur de la mission, le Père Grieneisen qui était spécialement chargé de la région de Tankessé, le Père Meyer Jules chargé de la région de Transua et le Père Pfister chargé de la région de Bondoukou. Ces trois localités, des stations secondaires de Tanda, allaient devenir assez rapidement à leur tour des stations principales.
Bondoukou, détaché de Tanda, devint station principale le 17 octobre 1940, avec le Père Pfister comme premier supérieur. Mais celui-ci avait commencé à y résider dès le printemps 1939. Peu à peu il organisait l’établissement de la mission. Il a décrit lui-même quelques aspects des premiers temps. À la mission, dit-il, il n’y avait rien. Dans mes bagages j’apporte un lit, du linge et des ornements de culte. François Yao, le forgeron, me prête une table de jardin et une chaise. Quelques clous enfoncés dans les murs en terre de ma chambre me servent à suspendre mes habits. Pour faire ma cuisine, je fais un feu comme les scouts, avec trois pierres. Tous les matins, je célèbre la messe à 6 h 30, avec quelques chrétiens et catéchumènes. Il y avait alors 38 baptisés, dont 17 étaient originaires de Bondoukou... De mai à août 1939, je nettoie les abords de ma case-chapelle. Je commence aussi à cultiver un jardin à Wambo, une petite rivière à 1 km de la mission.
Les débuts furent grandement gênés par les mobilisations de la guerre 1939-1940. Le 4 septembre 1939, le Père Pfister est mobilisé à Abidjan. Mis en affectation spéciale le 1er novembre, il revient à Bondoukou et il a la joie de fêter Noël avec sa petite chrétienté. Mobilisé une deuxième fois le 25 janvier 1940, il obtient d’être affecté à Bouna, subdivision faisant partie du Cercle de Bondoukou. Il se trouve à Bondoukou, notamment à l’occasion d’une permission de Pâques. Mais ce n’est que le 13 août 1940 qu’il est démobilisé et qu’il rentre dans sa mission.
Jusqu’à cette date, le Père avait donc été très souvent absent. Durant la mobilisation c’est le Père Meyer qui, de Transua, s’était chargé de Bondoukou. Le Père Pfister allait donc reprendre avec ardeur son œuvre d’évangélisation, tant dans la station principale que dans les villages qui en dépendaient. Jusqu’à ce moment, il n’avait pas eu beaucoup de relation avec ces villages, avec la brousse, comme on disait. Ce sera désormais une part importante de son travail missionnaire. Il a parlé de ces tournées en brousse, qui, au cours de plusieurs années, s’effectuaient à pied ou à bicyclette. Dans les années 40, dit-il, quand j’étais seul missionnaire, le samedi et le dimanche c’était Bondoukou. Puis je passais toute la semaine au village, du lundi au samedi... J’étais à Sapli, Sepingo, Torosangueï et, de l’autre côté, à Tabagne, Dimbi, Kobogo et Appinnandou, et en d’autres villages. Parfois il fallait pousser la bicyclette à travers les montagnes... À chaque visite dans un village, je saluais le chef, le chef des jeunes gens et je faisais le tour du village pour saluer tout le monde. J’allais de case en case. En général, j’étais bien reçu...
Il rencontrait cependant des difficultés dans certains cas. Le Père le note ainsi : dans ses premières visites passées en brousse, il a eu souvent des histoires avec les chefs de canton. Ceux-ci ne voulaient pas de chrétiens dans leurs villages. C’était le domaine des féticheurs. Ils s’opposaient à l’inscription des garçons et des filles à l’église. Et il arrivait que des catéchumènes étaient molestés, que l’on menaçait de brûler la chapelle du village et de chasser le Père...
Malgré ces oppositions, le travail du Père n’était pas sans résultat : fin 1941, il y avait déjà presque 200 catéchumènes. Et la mission de Bondoukou continua à faire des progrès. Quelques chiffres, entre autres, le confirment. En 1939, il y avait 38 baptisés. En 1970, 1 540 baptisés et 38 villages évangélisés. En 1983, 3 570 baptisés et 80 villages évangélisés.
Le Père Pfister, en dehors d’un deuxième séjour de 4 ans à Katiola, présidera aux destinées de la mission de Bondoukou de 1939 à 1985. Sur l’œuvre du missionnaire durant ces années, on aimera trouver ici le beau témoignage du Père Lucien Derr, Provincial, qui, en tant que Supérieur Régional de Haute Côte d’Ivoire en 1978-1983, a bien connu le Père et la mission de Bondoukou.
Dans l’homélie de la messe concélébrée en l’église Saint-Aloyse de Neudorf après la mort tragique du Père Pfister, le Provincial, après avoir signalé les quelques difficultés à Bondoukou les premières années, continue ainsi : Malgré ces obstacles, le Père Joseph prêche l’Évangile avec enthousiasme et en toute sérénité. Sa douceur, sa patience et sa gentillesse sont dans ces moments difficiles, sa plus belle prédication. Et il gagne progressivement l’estime et la sympathie de tous. Ce qui me frappait lorsque je rendais visite au Père Joseph à Bondoukou, c’était son ouverture et sa sollicitude pour tous. Si sa préférence allait aux villageois et aux pauvres du quartier chrétien, il ne négligeait personne, ni les quelques Européens de la place, ni les fonctionnaires des différents services, venus des quatre coins de la Côte d’Ivoire. Le Père Joseph avait trouvé un excellent moyen pour garder le contact avec ces fonctionnaires, qui avaient quelque peine à trouver le chemin de l’église au cours de leurs affectations successives. Il leur rendait visite toutes les semaines dans leur service, en leur proposant la revue chrétienne “Afrique Nouvelle”. Il plaçait ainsi une bonne centaine d’exemplaires ; ces revues étaient lues attentivement et devenaient un lien apprécié avec la mission.
Le Père Joseph n’a jamais évangélisé sans se soucier en même temps de l’homme et de son développement. Il se démènera pour que chaque village ait non seulement sa chapelle, mais aussi son école. La grande école catholique de Bondoukou, qui accueille quelque 600 écoliers, est son œuvre. On a tenu à la baptiser “Groupe Scolaire Catholique Joseph Pfister”. Tout en formant des chrétiens, le Père Joseph a eu le souci de former des hommes capables de construire leur avenir et d’assumer des responsabilités.
Une des plus grandes joies du Père Joseph, le couronnement de ces 50 années de ministère, sera la création du diocèse de Bondoukou et l’ordination épiscopale de Mgr Alexandre Kouassi, le premier évêque de Bondoukou, en janvier 1988. La chapelle-paillote des débuts était devenue Cathédrale...
Ces quelques extraits de l’homélie du Provincial nous donnent une idée juste de l’activité missionnaire du Père Pfister. Il sera bon aussi, maintenant, de noter encore quelques faits et événements qui, aux passages des années, ont marqué la vie de notre confrère en Côte d’Ivoire.
1941. 25 mars : on commence à construire une maison d’habitation à Bondoukou. La construction est terminée fin août. La maison est en briques de terre, et couverte de tôles. Elle sert de logement au Père jusqu’en 1975, date de la construction d’un nouveau presbytère.
1941. 30 septembre - 4 octobre : les Pères Grieneisen, Meyer et Pfister se retrouvent à Tanda, où ils célèbrent la fête patronale Sainte-Thérèse.
1941. 14 décembre : pour la première fois, est célébrée à Bondoukou la fête patronale Sainte-Odile. Les Pères Grieneisen et Meyer y assistent.
Tout au long de l’année, les tournées et visites aux villages se poursuivent. La plus longue tournée sera celle du 14 au 23 septembre 1941 : Jezimala, Sapli, Laoudigan, Torosangueï, N’Gando, Banvi, Laoudi, Sananga, Tiendi, Sorobango, Kanguélé.
1942. 15août : première procession à Bondoukou en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie.
1942. Novembre : le Père commence à construire une petite école catéchistique. Il n’est pas encore autorisé à ouvrir une école primaire. Pour Noël, l’école catéchistique est terminée.
1943. Janvier-février : agrandissement de la chapelle, on achève de la couvrir le 18 mars. En 1943 aussi, on bâtit une case pour les fidèles de la brousse venant aux fêtes.
1943. 24 juin : confirmations à Bondoukou par Mgr Wach.
1945. Septembre : après 9 ans de séjour ininterrompu en Côte d’Ivoire, le moment est venu de prendre un temps de congé. Le Père, anémié et souffrant des yeux, est soigné pendant une dizaine de jours à Abidjan. Le 24 septembre, il s’embarque sur le Médie II. Arrivée à Marseille le 13 octobre, puis Strasbourg le 19 octobre, à 21 heures. Sa mère et un de ses frères avec sa famille l’attendent à la gare. Son père était mort le 1er décembre 1943, mais à cause des difficultés de correspondance en temps de guerre, il ne l’avait appris qu’à la Pentecôte 1944.
1946-1951. Rentré en France en 1945, le Père revient en Côte d’Ivoire au mois de novembre 1946. Après 4 mois de séjour à Bondoukou, il est affecté pour la deuxième fois à Katiola. En 1939, le Père Durrheimer avait pris la direction du petit séminaire, et les Pères Meyer et Pfister avaient pu être affectés à la fondation des nouvelles missions dans l’est de la Préfecture. Mais en 1946, il s’agissait de remplacer le Père Etrillard à Katiola comme supérieur de la mission. À Katiola, le Père Pfister fut donc d’abord supérieur, il fut ensuite fondateur et directeur de l’école des catéchistes.
1951. Le Père revient à Bondoukou le 26 février 1951. À cette époque, un travail urgent s’impose pour la chapelle. Après réparations, elle est couverte en tôles.
1956. Jusqu’en 1956, le Père Pfister est seul missionnaire à Bondoukou. En 1956 il reçoit pour la première fois l’aide d’un vicaire, le Père André Fuchs, qui depuis 1952, avait été vicaire du Père Jacoby à Tanda. À Bondoukou, le Père Fuchs fut d’abord directeur d’école et enseignant. Le bâtiment scolaire abritait deux classes, l’année suivante on construisit une troisième classe. En 1957, la mission reçut une 2 CV. Elle fut utilisée par le Père Fuchs qui, remplacé au poste d’enseignant, était maintenant disponible pour les tournées dans la brousse. En quelques pages bien instructives, lui-même a décrit plus tard pour les lecteurs du Messager, ce qu’étaient ces visites dans les villages, particulièrement dans les villages qui n’avaient pas encore entendu l’annonce du Salut. (V. Messager des Missions Africaines, 1961, N. 9-10, p. 70-75).
Le Père Pfister n’achète une voiture que le 27 janvier 1966, une AMI 6 Break. Et de ce jour il pourra dire : Le temps des tournées à bicyclette est terminé. Il avait acheté cette voiture pour le Père Minker, qui venait d’arriver à Bondoukou comme nouveau vicaire, mais qui, très malade dès le mois de février, fut hospitalisé à Abidjan où il mourut le 1er mars 1966. Les années suivantes, le Père Pfister reçut d’autres vicaires pour l’évangélisation de la mission de Bondoukou. Le travail pastoral devenait avec les années plus diversifié et plus absorbant. Ce fut avec joie qu’il vit arriver pour l’aider plusieurs confrères de la Province s.m.a. d’Italie. C’est à eux qu’il laisse la mission à son départ en 1985.
1961-1974. La construction d’une nouvelle église à Bondoukou est commencée au mois de novembre 1961 ; les travaux furent rapides, la toiture était mise en place l’année suivante. Le clocher fut construit en 1971. En 1969, construction du foyer pour héberger les élèves externes. En 1973, construction d’une maison d’habitation pour deux vicaires. En 1974, construction du foyer des Jeunes.
Parlant de ces instructions, le Père disait : Comme vous le constatez, le missionnaire, outre sa mission première qui est celle d’un évangélisateur, doit aussi être entrepreneur, maçon et constructeur...
1975. En janvier 1975, avant de retourner en Côte d’Ivoire après un congé en Alsace, le Père Pfister fête dans sa paroisse Saint-Aloyse de Strasbourg-Neudorf le 40e anniversaire de son ordination sacerdotale. Il allait retrouver sa grande paroisse de Bondoukou qui, initialement très étendue (elle comprenait les territoires des stations de Nassian et de Bouna, devenues entre-temps paroisses à leur tour), englobait encore en 1975 une vaste région : 60 km de long sur 40 km de large. À l’occasion de son départ, le Père donna aux paroissiens du Neudorf quelques aperçus sur l’état de la mission de Bondoukou en 1975. Nous retiendrons de son exposé quelques précisions.
Me voilà, dit le Père, la 39e année en pays de mission en Côte d’Ivoire... À Bondoukou, qui est Préfecture, nous avons, en dehors du ministère habituel, à nous occuper des étudiants de 3 collèges, de 7 écoles primaires publiques et en plus de l’école de la mission à 6 classes qui compte 320 élèves. Un Père et deux Sœurs visitent les écoles, où le gouvernement nous accorde l’accès à certaines heures. En brousse nous visitons près de 50 villages, dont 25 possèdent des chapelles. À mon retour, notre équipe sacerdotale sera au nombre de 4 prêtres... À côté du comité paroissial, il existe dans mon district la J.E.C., la J.A.C. et les Cœurs Vaillants et Âmes Vaillantes, sans oublier les diverses activités de sport, surtout le football... La J.A.C. surtout a du mérite, car sous le soleil brûlant, le travail est dur. Un groupe de 12 jeunes d’un village a commencé depuis 3 ans sous notre impulsion, une plantation de riz. Grâce aux démarches de mes vicaires, ils auront cette année un motoculteur pour labourer leurs champs et pourront lutter ainsi efficacement par leurs propres moyens contre la faim... (V. Messager des Missions Africaines, mai 1975, p. 8).
1976. Vu l’avis de la carte scolaire et l’augmentation des habitants de Bondoukou, on porte à 12 classes l’école privée catholique. Les constructions scolaires, à Bondoukou et dans les villages, ainsi que les constructions de chapelles, ont été un des grands soucis du Père Pfister depuis des années. Avec la décision de 1976, les nouvelles constructions nécessaires à Bondoukou pour atteindre le but de 12 classes, seront importantes, surtout lorsque l’on aura décidé de regrouper finalement sur un même terrain toutes les classes qui étaient d’abord abritées en des bâtiments élevés sur 2 terrains séparés. En 1978, dix classes fonctionnent, en 1982, 12 classes. Pour l’année 1983-1984 il y 532 élèves à l’école de la Mission Catholique de Bondoukou.
1992. Les funérailles du Père Pfister (Pierre Trichet), La Côte d’Ivoire a réservé au Père Pfister des funérailles grandioses. Le jeudi 1 mars, à 8 h 30, une messe célébrée en la cathédrale d’Abidjan a rassemblé plus de 1 500 amis, autour de cinq évêques (dont le cardinal Yago, archevêque d’Abidjan, et le nonce apostolique en Côte d’Ivoire), 80 prêtres et l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Pour la levée du corps, le vendredi 20 mars à 10 h, on notait la présence de plusieurs ministres et membres du gouvernement. Puis le corps a été transféré à Bondoukou, à 415 kilomètres au nord d’Abidjan. Ce 20 mars, catholiques et protestants de Bondoukou ont veillé son corps de 21 heures à 24 h. Le samedi 21, à 9 h 30, dans la cour de l’église, le ministre de la Défense représentant officiellement le Chef de l’État, des membres du gouvernement et des personnalités administratives, l’ambassadeur de France, quatre évêques, une soixantaine de prêtres et des milliers d’amis ont participé à la messe d’enterrement. Son neveu et l’épouse de celui-ci, qui avaient été témoins du drame, y assistaient...
À Abidjan, l’homélie a été prononcée par le Père Claude Rémond, Vice-Provincial de la Province SMA de l’Est. À Bondoukou, l’homélie a été prononcée par le Père Pierre Jacquot, Supérieur Régional des Missions Africaines en Côte d’Ivoire Nord. De ces homélies très chrétiennement fraternelles, recueillons ici au moins deux passages, significatifs l’un et l’autre, des sentiments de notre confrère. Le Père Rémond nous donne ces mots qui terminent le testament du Père, rédigé depuis trois ans : Je compte sur la miséricorde de Dieu et la pardon de tous. Au revoir au ciel, et priez pour moi. Le Père Jacquot rappelle que, lors du sacre de Mgr Alexandre Kouassi, premier évêque de Bondoukou, le 10 janvier 1988, le Père Pfister disait : J’ai ouvert la mission en 1939. J’habitais dans une case... Aujourd’hui, je peux dire que j’assiste au couronnement du travail accompli à cette époque dans de grandes difficultés. Un évêque, un diocèse, 97 stations secondaires, tout ceci prédispose Bondoukou à un bel avenir chrétien et j’ai toutes les raisons de le croire.
Le samedi 28 mars 1992, à 10 h 30, une messe a été concélébrée à l’église Saint-Aloyse de Strasbourg-Neudorf en mémoire du défunt. La messe était présidée par le Père Moritz. Une foule très nombreuse de parents et d’amis y assistait. On notait la présence de M. l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire en France. Le Père Lucien Derr, Provincial, prononça l’homélie.
En simple conclusion de ses années missionnaires, le Père Pfister avait pu dire : Avec l’aide de mes confrères, nous avons servi suivant nos moyens et nos forces l’Église et la Côte d’Ivoire. Et vraiment il fut le serviteur fidèle, travailleur généreux pour l’extension du règne de Dieu. Sa vie, comme l’a montré le Provincial dans son homélie, nous apparaît comme une illustration des béatitudes évangéliques. Il fut un artisan de paix, pauvre et ami des pauvres, cherchant la justice pour tous. Travaillant dans un centre fortement islamisé, il a su créer pacifiquement une belle chrétienté. Son œuvre sociale et scolaire a été hautement appréciée en Côte d’Ivoire. Il fut Commandeur de l’Ordre National Ivoirien.
Dans le temps où nous étions au Séminaire à Lyon, le Père Pfister fut pendant une année le Réglementaire de la communauté. Parmi les attributs de cette charge, avant de sonner la cloche du réveil, le Réglementaire passait devant chaque chambre de ses confrères et, ayant frappé à la porte d’un vigoureux coup de maillet, il disait : Benedicamus Domino ! Le dormeur réveillé répondait : Deo gratias ! Le Père Pfister accomplissait avec exactitude ce rite quotidien. Rite un peu rude peut-être pour tirer les gens du sommeil, mais belle coutume quand même, car elle rapportait dès l’aube au Seigneur chacune de nos journées. La vie et la mort, depuis, ont passé parmi nous. Là où de mort il n’y en aura plus, ni de pleurs, ni de peine, veuille le Sauveur miséricordieux nous recevoir tous ensemble en la bienheureuse éternité et nous donner de redire encore, par nos louanges alternées, sa gloire et son amour : Seigneur nous te bénissons ! - Seigneur, nous te rendons grâces !
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