Société des Missions Africaines –Province de Strasbourg
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né le 30 mars 1917 à Ocieszin dans le diocèse de Poznan, Pologne membre de la SMA le 24 juillet 1938 prêtre le 6 janvier 1943 décédé le 17 mars 1989 |
1943-1945 Montbrison, petit séminaire, professeur décédé à Strasbourg, France, le 17 mars 1989, |
Le père Czeslaw SWIERKOWSKI (1917 - 1989)
Czeslaw Swierkowski est né le 30 mars 1917. Il est décédé le 17 mars 1989. Dans cet espace de 72 ans, ces deux dates enferment toutes les joies et tous les bonheurs, toutes les peines et toutes les épreuves d’une vie donnée entièrement à une seule œuvre : la mission en Afrique. C’est pour cette œuvre qu’a vécu notre confrère.
Nous l’appelions plus volontiers le Père Ceslas, avec même cette prononciation et cette orthographe francisées. Il était né à Ocieszyn, localité du diocèse de Poznan, en Pologne. Ses parents exploitaient un petit domaine agricole. Le décès prématuré du père de famille, qui mourut, jeune encore, en 1923, attrista ses jeunes années. La mère restait seule pour élever six enfants, dont l’aîné avait 9 ans et le dernier-né 4 mois. Quelle charge pour elle ! Avec fermeté et au prix de grands sacrifices, elle continua de faire valoir l’exploitation familiale et elle mena à bien l’éducation de ses enfants. Le Père Ceslas fut marqué par l’influence du dévouement courageux de sa maman. Il disait plus tard : C’est grâce à ma mère que j’ai persévéré dans ma vocation et que je suis devenu prêtre-missionnaire.
En 1931 le jeune Ceslas entra au petit séminaire que les Missions Africaines venaient d’ouvrir à Ninino en Poznanie. Il y fit ses études secondaires jusqu’en 1936. Il y rendit solide aussi sa détermination de se consacrer aux missions, ayant compris dès les années de Ninino, comme il le confia un jour, la beauté et la noblesse de l’idéal de la Société des Missions Africaines.
Après le séjour à Ninino, il fallait quitter la patrie, abandonner dans l’usage courant la langue maternelle pour adopter une langue étrangère encore peu familière. Tout ce dépaysement, assez éprouvant, était nécessaire pour la poursuite de la préparation missionnaire : deux ans à Chanly en Belgique en 1936-1938 pour le noviciat, suivi du serment s.m.a. le 24 juillet 1938, et une première année de théologie au séminaire de Saint-Pierre en 1938-1939.
À l’été 1939, les séminaristes sont en vacances dans leur famille. La rentrée à Saint-Pierre doit s’effectuer à l’automne. Mais le 1er septembre, commence en Pologne le triste temps de guerre. Le matin même, les habitants de Poznanie entendent les explosions des ponts que l’on fait sauter, ils voient monter dans le ciel la fumée des meules de foin et de paille que l’on fait brûler. Bientôt une foule de gens quittent les villages, les routes sont encombrées, l’armée allemande envahit le pays. Après les premiers remous, les choses se passèrent à peu près bien pour notre séminariste Ceslas et pour son condisciple, Konrad Walkowiak : ensemble, ils quittent Poznan le 5 janvier 1940 et, après trois semaines d’attente à Berlin, pendant lesquelles ils sont bien aidés par la Nonciature Apostolique, ils arrivent à Rome le 24 janvier 1940. À la maison généralice de la via dei Gracchi on les reçoit cordialement. Mais ils ont la tristesse de penser que la Pologne qu’ils viennent de quitter est maintenant détruite. Ils sont inquiets sur le sort de leurs familles dont ils sont sans nouvelles et dont ils peuvent craindre que l’occupant ne les ait expulsées. Le Père Ceslas apprit plus tard qu’en effet, sa maman avait été expropriée et déportée à l’Est dès 1940 et qu’après deux ans de souffrances, elle avait été déplacée en Allemagne. Revenue chez elle en 1944 seulement, elle avait trouvé une propriété dévastée et pillée.
Pour le moment, nos deux séminaristes continuaient leurs études théologiques, à Rome d’abord pendant quelques mois, puis à Lyon, en 1940-1943. Ils furent ordonnés prêtres le 6 janvier 1943 par le Cardinal Gerlier. Le temps de séminaire terminé, le Père Ceslas devint professeur au petit séminaire de Montbrison dans la Loire, jusqu’en janvier 1945.
Enfin au cours de cette année 1945, il put s’embarquer pour l’Afrique. Destiné à la Mission de Haute Côte d’Ivoire, il fut affecté à la station de Ferkéssédougou. Mais à peine y était-il arrivé, que le Préfet Apostolique l’invita à descendre à Katiola pour y enseigner, provisoirement, les classes de latin au petit séminaire. Après quelques mois, il retourna à Ferkéssédougou et, de 1946 à 1948, il servit comme vicaire dans cette importante mission et s’initia, sous la direction du Père Vonwyl, à la pastorale missionnaire en pays Sénoufo.
En 1948, il est nommé supérieur de Kouto, la mission la plus septentrionale de la Préfecture. Kouto est ce village que Mgr Diss avait visité au cours d’un premier voyage d’exploration, en 1924, et qui lui avait fait dire : Grand et beau village !... Comme une mission serait bien placée sur ce coteau ! La mission fut fondée en 1927. Le Préfet Apostolique, en 1936, put y bénir solennellement une vaste et belle église, construite par le Père Vion et par le Père Vonwyl. Mais les progrès de la foi chrétienne furent lents. De puissants obstacles s’opposaient à l’évangélisation. Les gens tenaient à garder leurs coutumes et leurs pratiques, ils restaient très attachés aux traditions des ancêtres.
Lorsque le Père Ceslas devint le responsable de la mission, la situation était encore difficile. On en aura une idée si l’on remarque que le district de Kouto ne comptait encore que quelques centaines de chrétiens sur une population de plus de 150 000 habitants. Le meilleur moyen peut-être de pénétrer dans les villages était les écoles, surtout les écoles de catéchisme. Celles-ci avaient pour but avant tout l’enseignement du catéchisme, mais on y donnait aussi les premiers éléments d’écriture, de lecture et de calcul, et quelques rudiments de français. Le moniteur était catéchiste, mais aussi infirmier pour soigner les malades. Le Père Ceslas fit ouvrir ce genre d’écoles dans des villages de son district. Il y avait aussi une école à Kouto.
De toute façon, le secteur de Kouto exigeait des efforts extrêmement fatigants. Écoutons à ce sujet Mgr Durrheimer lorsqu’il parle de cette situation dans son homélie, le jour des obsèques du Père Ceslas : À Kouto, il faudra 40 ans pour constituer des communautés chrétiennes... Qui ne l’a pas vu ne saura jamais quelle dose de patience, de courage, de ténacité, de prières et de sacrifices il a fallu aux missionnaires pour tenir... Plusieurs missionnaires y sont morts pour arriver à la moisson d’aujourd’hui. Kouto a donné naissance à des paroisses en plein essor. Le Père Ceslas et plusieurs autres ont semé dans les larmes, d’autres moissonnent aujourd’hui dans la joie.
Le Père Ceslas resta à Kouto jusqu’en 1956. Il revint en congé en Europe au mois de mai, se rendit en Pologne, puis séjourna quelque temps à Vigneulles et à Saint-Pierre. En octobre 1957, il voulut encore retourner dans son pays, pour aider sa maman qui, pendant des années, avait dû travailler dans des circonstances très pénibles et qui maintenant, vieillie, se trouvait dans des conditions matérielles difficiles. Une fois en Pologne, le Père réussit assez vite dans la démarche que lui avait dictée sa piété filiale, mais ensuite, malgré des tentatives sans cesse réitérées, il n’arrivait plus à obtenir la permission de sortir du pays. Dès lors, Mgr l’Archevêque de Poznan voulut bien le rendre utile au service de son diocèse. Le Père Ceslas fut donc aumônier à Poznan en 1958-1962, puis vicaire dans des paroisses en 1962-1966.
Ainsi, bien qu’occupé dans son pays, sa pensée va sans cesse vers sa vie d’autrefois, sa vie en Afrique, la mission de Kouto, les maisons des Missions Africaines. Il souffre d’être longtemps sans nouvelles de ses confrères. Avec plaisir, à la fin de 1960, il passa une matinée en compagnie du P. Konrad Walkowiak qui, en congé, allait revenir en France pour retourner en mission. Le Père Ceslas aurait bien voulu partir avec lui, comme il en avait fait précédemment le projet, mais cela ne put se réaliser. Un peu plus tard, il reçut la visite du Frère Joseph Zielinski qui allait retourner en Côte d’Ivoire, et alors quelle joie ! Cette visite, écrivait-il, a fait de nouveau vibrer plus fort mon cœur. Je questionnais le cher Frère sur tout ce qui se passe au diocèse de Katiola, toutes les missions, tous les Pères, les œuvres et les constructions passèrent en revue. Le Père reçoit aussi Ralliement et l’Echo des Missions Africaines, desquels il écrit : Combien je suis heureux de recevoir ce genre de revues !
Après 10 ans, il obtient enfin l’autorisation de partir. Le 3 janvier 1967, il arrive à Strasbourg. Quelques semaines encore sont nécessaires pour légaliser ses autorisations de séjour à l’étranger. Il passe ce temps à la Maison Sainte-Marie de Niederbronn comme aumônier des Sœurs du Très-Saint Sauveur. Le 19 mai 1967, c’est le départ pour Katiola. Arrivé dans la chère Côte d’Ivoire, il est nommé supérieur de la mission de Boundiali. Cette mission, devenant station principale, avait été longtemps une station secondaire de Kouto. En 1951, le Père Fix y avait bâti une chapelle assez spacieuse dans laquelle, en 1952, le Père Ceslas avait célébré la fête de Noël pour la première fois. Ainsi il revenait en 1967 dans un pays bien connu. Il resta à Boundiali jusqu’en 1971. Ensuite, après un congé, il fut nommé, en 1972, à Ferkéssédougou, puis, à la fin de 1975 il devint supérieur de Tafiré, qu’il quitta en 1982.
Ce ne sont guère là, s’agissant de la vie de notre confrère, que de rapides données chronologiques. Il faudrait dire encore sa gentillesse, sa bonté, son sens de l’Église aussi. C’était un homme calme, joyeux, aimable. Il a évangélisé par sa parole et par l’efficacité d’une vie surnaturelle profonde. Il faudrait aussi détailler les éléments de son activité, la sienne et celle de ses collaborateurs qu’il savait apprécier. Pour cela il faudrait, en somme, faire l’histoire des missions en Haute Côte d’Ivoire en ces années-là. Ce n’est pas le but de ces lignes. Mais, comme le dit encore Mgr Durrheimer : Cela est inscrit sur le livre de la vie et cela suffit. Disons pourtant pour résumer que le Père Ceslas a réalisé en sa personne l’image du bon pasteur.
En repassant ainsi rapidement les étapes de la vie missionnaire du Père Ceslas, peut-être serait-il vrai de noter qu’il a changé assez fréquemment de poste. Cela s’explique. Il arrive que les Supérieurs soient pris au dépourvu et que, pour quelque raison, ils aient besoin de pourvoir tel ou tel poste sans délai. Dans cette situation, s’il y a un confrère que l’on sait toujours prêt à accepter un sacrifice, on a moins d’hésitation à lui demander le service nécessaire. Ce fut le cas du Père Ceslas : compréhensif et toujours respectueux de l’autorité, il était disponible, on pouvait faire appel à lui et il partait, malgré la peine qu’il ressentait à chaque départ.
Il donna la mesure de sa disponibilité à l’occasion d’un problème qui se posa aux Supérieurs en 1985. Il était rentré en France, en congé, en 1982. Déjà sa santé était ébranlée et, après quelques mois passés à la maison provinciale à Strasbourg, il était entré au mois de mai 1983 à la maison de retraite de Saint-Pierre. Or en 1985, quatre jeunes Polonais s’étaient présentés comme candidats aux Missions Africaines. Dans un premier temps, ils feraient un séjour en Afrique, à Abidjan, notamment pour y apprendre le français. Il fallait un Père pour accompagner ces jeunes gens durant leur stage africain. Le Père Ceslas fut sollicité et il y consentit sans objection. Il faut dire que son dévouement, sa douceur, sa prudence et sa patience le désignaient pour cette tâche. Il passa ainsi l’année 1985-1986 à Abodo-Doumé avec ces jeunes Polonais. Après cela, il voulut encore reprendre du service en Côte d’Ivoire et il fut aumônier de la léproserie d’Adzopé. Mais sa santé était plus fragile qu’il ne croyait. Atteint de fibrose pulmonaire, il dut rentrer en France où il arriva le 29 octobre 1988. Hospitalisé à l’hôpital civil de Strasbourg, les premiers résultats des examens parurent encourageants. Avec nous, le Père eut la joie d’assister à Saint-Pierre le 22 janvier 1989 à l’ordination diaconale de Kasimierz Kieszek, l’un de ses stagiaires d’Abidjan. Mais ensuite son état empira. L’air lui manquait. Assez brusquement, il mourut, à l’hôpital civil de Strasbourg, le vendredi 17 mars, vers 17 heures. C’était, comme le remarqua Mgr Durrheimer, l’heure des premières vêpres de la fête de saint Joseph.
Le départ du Père Ceslas ramène nos regards sur le beau pays qui fut le sien. À l’heure où les Pères des Missions Africaines reprennent l’œuvre de Pologne, il leur est bon de penser qu’ils ont un ami auprès de Dieu et même, un ami qui, par une action invisible mais bien réelle, viendra travailler avec eux sur cette terre chrétienne, afin que la vaillante nation polonaise continue de donner à l’Afrique de nombreux missionnaires pour la gloire du Seigneur.
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