Société des Missions Africaines – Province de Lyon
![]() |
né le 12 août 1928 à Saint-Rambert l'Île Barbe dans le diocèse de Lyon membre de la SMA le 30 décembre 1953 prêtre le 29 juin 1956 décédé le 31 mars 2013 |
1957-1958 Chaponost, aide économe décédé à la clinique de Castelnau le 31 mars 2013,
|
Le père Jaël Joseph ISOLÉRI 1928-2013
Un caractère entier, un peu cassant, un esprit très cartésien, des propos parfois taillés à la serpe, des réactions épidermiques qui surprennent, mais aussi une disponibilité totale au service de la mission, plutôt conservateur, mais avec aussi des idées d'avant-garde qu'il voudrait imposer, tel peut se définir rapidement celui que l'on appelait familièrement Iso. Né de parents d'origine italienne, il voit le jour à Saint-Rambert l'Île Barbe, dans le diocèse de Lyon, en 1928. Son papa était épicier avant d'être maçon et sa maman faisait des ménages ; ils étaient 5 enfants dans la famille. Ecole primaire, puis Chamalières de la 6ème à la 4ème, entrée à Pont-Rousseau en 1944 : rien que de très normal dans ce parcours jusqu'à ce jour du 5 octobre 1946 où, dans le bureau du directeur de la maison, il est victime d'un léger malaise ; le diagnostic d'un spécialiste tombe, sans appel : il est épileptique, avec la conséquence suivante : il ne peut être prêtre. Catastrophe !
Il revient dans la région lyonnaise où il continue ses études (1ère et terminale), tout en suivant un traitement. Finalement, il est admis dans un asile d'épileptiques, à Tain-l'Hermitage, dans la Drôme en mai 1949 : il va y rester un peu plus d'une année. Sa maman, très affligée, pria et fit prier pour lui ; elle fit même le vœu d'envoyer son fils à Lourdes s'il guérissait. Elle s'adressa spécialement à son frère Jean (Fra Egidio Laurent), frère lai dans le couvent de Verrès dans la vallée d'Aoste, mort en 1941 en odeur de sainteté. Comme on la pressait de déposer son témoignage pour le procès de béatification de son frère Jean, elle répondit, fin janvier 1950, qu'elle ne pouvait rien déposer en sa faveur, puisqu'il n'avait même pas guéri son fils. La réponse arriva sans tarder, car la dernière crise de Jaël date du 29 janvier 1950 : c'est lui-même qui rapporte ces faits. Etant de la classe 48, il est exempté du service militaire. Il peut alors reprendre le cours normal de ses études, passe une année à Sainte-Foy, aux Missions-Africaines, puis fait le noviciat à Chanly (1951-1953). Etant donné ses antécédents médicaux, il lui faut une dispense de Rome pour être admis à son premier serment. Il fait ensuite les 4 années de théologie à Lyon et est ordonné en juin 1956, à la fin de sa 3ème année.
Il est d'abord nommé au 150, pour assurer la marche du Rozay. Mais devant sa violente réaction, il est finalement nommé à Chaponost où il ne reste qu'une année. Il est mis alors à la disposition de Mgr Rouanet, évêque de Daloa, qui l'envoie vicaire à Danané, chez les Yacoubas, à l'ouest du diocèse, à une époque où le diocèse de Man n'existait pas encore. Là, il est chargé plus spécialement de la région de Zouan-Hounien, au sud de la mission dont le responsable était le père Bonnet. Cinq ans plus tard, en 1963, au moment où la mission de Zouan-Hounien devient paroisse et est confiée au père Louis Mahy, de retour au pays après 10 ans à Ave, le père Isoléri est nommé vicaire à Man, où il va rester de nouveau cinq ans. La paroisse est immense : ils sont trois pères, avec le père Panis comme responsable qui garde la route du nord, vers Biankouma, tandis qu'il confie la route du sud, vers Logoualé au nouveau venu. Il trouve que les "Yacoubas de Man sont plus difficiles à remuer que ceux de Zouan-Hounien. Former ici des responsables de la JAC et des catéchistes n'est pas facile, quoique le Bon Dieu y mette du sien." (20/02/67) C'est donc tout naturellement que Mgr Agré, le premier évêque du diocèse de Man qui vient d'être fondé en 1968, fonde la mission de Logoualé, avec Jaël Isoléri comme premier curé.
Son caractère assez carré et ses répliques parfois cinglantes ne trompent pas ceux qui le fréquentent de près. A la mission, il est le chef et ses vicaires sont plus à son service qu'au service de la mission. Un "vieux" de la mission, interrogé à propos du père, fait cette réponse : "Le père là, c'est comme tortue ; dehors c'est dur, mais dedans, c'est doux, doux…" Cela ne s'invente pas. Il est infatigable : il construit une nouvelle mission, cinq églises dans des villages, plusieurs écoles et des logements de maîtres et il se démène sans compter au service de l'évangile. Mais, Iso, fais attention où tu mets les pieds : une nuit, en 1968, il tombe dans un trou creusé pour une citerne et se casse 6 côtes. Soins, immobilisation… Il prend cela avec philosophie. Dans sa circulaire de 1971, il explique, sans nuance, les étapes du développement d'une mission : "Quand on commence une nouvelle mission, on s'adresse d'abord aux enfants et aux jeunes qui sont plus perméables. Ceux-ci forment un noyau dans le village. […] Puis les adultes et les vieux viennent par curiosité, s'intéressent aux cérémonies, aux fêtes et aux enterrements, et se laissent gagner par la nouvelle religion. […] Enfin on arrive à la troisième étape : l'évolution et la promotion de la femme africaine : le femme est le moteur ou le frein de l'évolution d'un pays. Jugez le rôle qu'ont joué les femmes dans la conversion des barbares aux 5ème et 6ème siècles en France. […] Si les femmes s'en mêlent, les hommes font les efforts, les progrès suggérés ou désirés par leurs épouses et le pays avance rapidement. Mais si les femmes boudent l'évolution…" (Noël 1971)
L'année suivante, il sera tout heureux d'annoncer la venue prochaine de religieuses italiennes dans la mission. Bien sûr, il faut leur construire une maison décente et cela va créer au curé des problèmes financiers qui, après quelques échanges de lettres avec son évêque ou le provincial, finiront par être résolus. Reste le problème de la langue : "Avant de débarquer en Afrique, les sœurs ont fait trois mois de langue française et ont appris les règles de grammaire les plus courantes. […] La langue yacouba est chantante : il y a cinq tons et le même son peut dire sept choses différentes selon le ton et la place qu'il occupe dans la phrase. Je vous garantis qu'il faut une dose supérieure des dons du Saint-Esprit pour maîtriser une telle langue." (27/12/74)
Il ne faut pas passer sous silence une idée qu'il a toujours défendue avec force, avec les mots et la manière dont il était coutumier : celle de l'ordination de catéchistes : "Partout, on a fait depuis longtemps l'africanisation des cadres. […] Seuls les évêques catholiques hésitent encore ! […] Les missionnaires deviennent de plus en plus un obstacle à l'établissement d'une Eglise africaine et l'élite du pays est étonnée d'une telle situation." (03/02/75) Déjà en 74 il écrivait à propos des catéchistes : "Nous espérons qu'un jour Rome autorisera l'ordination de quelques-uns d'entre eux ; nous ne voyons pas comment l'Eglise pourrait continuer autrement. Le célibat sacerdotal est une chose qui va contre la coutume du pays. […] Les prêtres africains seraient très admis ici." (11/02/74) Et encore en 76 : "Et devant une telle injustice, je ne me sens plus lié en conscience par un serment fait il y a 25 ans dans un pays éloigné de 5000 kms de la Côte d'Ivoire, alors que je n'avais aucune expérience de l'apostolat en Afrique. Donc, de deux choses l'une, ou bien on forme des gens capables et on les voit accéder au sacerdoce, ou bien on s'en va. […] Là seulement est le véritable esprit de notre fondateur." (20/05/76)
Quand il apprend que la Province a pris la décision de s'implanter au Niger, il se dit heureux d'une telle initiative et prêt à y aller : "Je suis volontaire pour faire partie de cette nouvelle implantation au Niger. Les conditions de vie et d'apostolat ne me déplaisent pas. Ce sera pour moi l'occasion d'un recyclage complet par rapport à ma première partie de vie sacerdotale. Cependant, cher père provincial, je suis à votre entière disposition…" (10/04/76) Le recyclage qu'il envisage dans cette lettre, il va le faire à Lyon.
Il est pressenti pour s'occuper des foires avec Marcel Dussud, mais ce travail ne lui plaît guère. A son retour en France, il commence par faire la session de Mortain avec le père Mabon dans le dernier trimestre de l'année. Puis est "il est mis au service de l'économe provincial pour des travaux d'aménagement dans nos maisons. Vous commencerez par le 150, notamment les peintures des fenêtres à partir de janvier prochain." (nomination du 17/09/77) Il aurait préféré avoir du temps pour écrire le livre d'apologétique dont il rêve depuis longtemps. Durant l'été 78, il reste trois mois à Soucieu-en-Jarrest pour remplacer le curé de la paroisse, un de ses amis, et à la rentrée, il est nommé économe à Chaponost. Un an plus tard, en août 1979, il écrit une longue lettre au Conseil pour proposer toute une série de transformations, d'aménagements, d'améliorations (cinq longues pages dactylographiées). Il envoie sa lettre avec l'intitulé suivant : "Isoléri Jaël-Joseph, frère économe". Tous les secteurs de la maison y sont traités avec une extrême minutie qui montre le sérieux qu'il mettait dans l'accomplissement de sa charge : cela comporte l'aménagement de la salle du sous-sol, le chauffage pour lequel il suggère un moyen de faire des économies, l'installation du service d'eau qui est à revoir, la rentabilité de la maison, le prix des pensions, tout ce qui regarde le personnel et le travail des pères et les transformations à faire dans le bâtiment lui-même. Il conclut ainsi : "En conclusion, je demande qu'un membre du Conseil provincial, accompagné de l'économe provincial, fasse un inventaire méthodique et systématique de l'état de la maison, puis fixe une liste par ordre d'urgence de ce qu'il faudra entreprendre pour améliorer, entretenir et rendre plus économique notre maison des Cartières." (10/08/79)
En 1984, sur sa demande il retourne en Côte d'Ivoire, mais cette fois dans le sud, à Bécédi. Auparavant, il fait la petite session d'été à Rome : "Je serais heureux d'y participer, malgré mon monolinguisme." Il rejoint le diocèse de Yopougon en voiture, à travers le désert ; la première année, il est vicaire du père Mouesca qui est nommé à Azaguié l'année suivante : il se retrouve donc rapidement seul et passe beaucoup de temps dans les villages : "Je suis rarement au centre paroissial qui est Bécédi, car les tournées dans les villages prennent de plus en plus d'importance. Il faut visiter les malades, administrer les mourants, assurer les enterrements dans la mesure du possible, diriger les réunions des catéchumènes et surtout des catéchistes, les réunions de la JAC, de l'ACF et de la Légion de Marie. Ce qui fait que je vais au moins deux fois par mois dans chaque village en moyenne." (13/12/85) Heureusement pour lui, il est aidé par une équipe de 4 religieuses et 44 catéchistes (dont deux femmes) qui enseignent dans trois langues. L'évêque lui a bien promis un vicaire, mais s'est bien gardé de fixer une date. Il en aura un en 1990.
Il se plaint de la concurrence entre les Eglises : on compte jusqu'à 13 religions ou sectes sur sa paroisse avec chacune un lieu de culte ! mais il précise que cette concurrence est rarement violente, mais plutôt déloyale et peut conduire à la corruption des responsables. Et il ajoute que son ministère exige "souplesse, adaptation et disponibilité ; c'est passionnant et formateur. Faut-il s'étonner […] si des missionnaires désirent vivre et mourir sur les lieux de leur apostolat." (25/12/86) Le manuscrit de son livre d'apologétique est maintenant prêt pour l'impression, mais le Conseil provincial fait la sourde oreille quand il lui demande de l'imprimer. Il en appelle à Rome qui fait également la sourde oreille. Ce double refus sera pour lui une grande souffrance. En 1987, il rentre très fatigué et se repose quelque temps à Chaponost. Le docteur lui donne le feu vert pour repartir. Mais avant de partir, il passe 4 semaines au Venezuela chez son frère et sa belle-sœur.
Il reste 13 ans à Bécédi, et il n'est pas avare pour donner des nouvelles de son travail sur la paroisse ; chaque année, il envoie une circulaire, bien dans son style ; on peut ainsi se faire une assez bonne idée de sa présence dans cette mission. Quand il évoque le décès du père Roze, l'un de ses prédécesseurs à Bécédi, on devine les sentiments qu'il a pour lui : "Ce missionnaire, curé de Notre-Dame de Bécédi de 1959 à 1980, a laissé un souvenir ineffaçable de bonté et de dévouement à l'extrême. Vivant dans un grand dénuement, il s'est dépouillé et sacrifié pour ses paroissiens. […] Par sa charité et ses souffrances, il est allé jusqu'au sommet du calvaire ; maintenant, il est bienheureux." (20/12/90) Pour la consécration de la basilique de Yamoussoukro par le pape Jean-Paul II, il conduit une délégation de sa paroisse : c'était le 10 septembre 1990. "La fête a été pour tous un grand cri de joie et d'espérance." (20/12/90) Espérance encore et joie, quand il annonce dans sa circulaire de l'année suivante que la paroisse compte désormais 4 grands séminaristes dont l'un sera ordonné dans le courant de l'année. Tout en rendant grâce, il reste lucide : "Il y a aussi des ombres dans le tableau, des défaillances et parfois des scandales. Ces ornières et ces cassis peuvent ralentir le mouvement de nos communautés, ils ne peuvent les arrêter. Dieu en soit loué." (10/05/91)
Les constructions restent toujours un gros souci : il faut agrandir l'église du centre ; il lance aussi une souscription auprès d'un périodique français pour construire l'église de Soukoukro en 1991. Déjà, quelques années plus tôt, c'est l' "Aide à l'Eglise en détresse" qui avait financé en partie la construction de l'église de Braffouéby. Sur le plan matériel, il y a aussi du nouveau : en 1993, le téléphone arrive à Bécédi, les antennes paraboliques font leur apparition. Il reçoit également de l'aide de la maison régionale. Il rentre en congé en 1996, puis de nouveau en 1997 pour des problèmes aux yeux et au cœur ; mais finalement il peut repartir. Il rentre définitivement en 1998. "C'est décidé, je vais rentrer définitivement en Europe. Je perds la mémoire ; le cœur irrégulier m'affaiblit et la cataracte à l'œil droit a beaucoup diminué la vision du relief. La conduite d'une voiture est devenue difficile : depuis le 1er janvier, j'ai eu 4 accrochages." (22/04/98)
Il ne recevra jamais de nomination officielle pour le 150 où il va maintenant passer huit ans en rendant d'innombrables services dans la maison où il se fera remarquer par sa disponibilité. Il sera particulièrement apprécié et efficace quand il prendra en charge le stand des livres d'occasion aux journées d'amitié. Avec le calme de la vie au 150, les problèmes du cœur disparaissent, mais les yeux continuent à s'affaiblir. "J'espère que l'année 1999 sera assez heureuse pour moi et me donnera la joie d'assister à la publication de mon manuscrit. […] Il existe des organismes qui aident les nouveaux auteurs." (13/01/99) Malheureusement pour lui, ce manuscrit ne sera jamais édité. En décembre 1999, il envoie une lettre vibrante de reconnaissance à tous ses amis pour les remercier de la vie missionnaire qu'il a menée en Afrique grâce à leur générosité et à leurs prières. "C'est avec joie que je repense au temps passé et que je remercie tous ceux qui m'ont aidé, en Europe et en Afrique, par leurs prières, leurs dons et leur collaboration. Dieu seul peut savoir et décrypter l'inextricable réseau de la charité fraternelle et de la communion des saints." (avent 1999) Il est heureux d'avoir le temps de voyager : aux USA en juin 1999, en Belgique en 2001, au Ghana et au Levant en 2003. Finalement il respecte ce que lui avait écrit son provincial : "Prends le temps désormais de prier, de lire et de te promener".
En 2007, il rejoint la maison de Montferrier où il va y passer plus de cinq années. Toujours calme, effacé, un peu solitaire, il participait normalement aux activités de la maison, mais ne se faisait pas remarquer. Il avait encore de la famille dans la région de Lyon et il s'y rendait de temps en temps pour les fêtes. En décembre 2012, il se rend dans sa famille pour célébrer Noël. Malade sur place, sa famille le fait hospitaliser à Lyon ; après une quinzaine de jours, dès qu'il est en mesure de voyager, il rejoint Montferrier en ambulance. Deux jours après son retour, il est de nouveau hospitalisé : c'est là qu'on découvre qu'il souffrait d'une occlusion intestinale. Il subit alors une opération dont il semble bien se remettre. Mais rapidement, après son retour à la maison de retraite, il doit retourner à l'hôpital : une nouvelle opération échoue ; il meurt le matin de Pâques. Pendant toute sa maladie, il est resté calme, ne se plaignait jamais et affichait une grande paix. Jusqu'à son dernier souffle, la présence de membres de sa famille dans sa chambre d'hôpital a été pour lui d'un grand réconfort. Il est enterré le même jour que son confrère le père Clément Cadieu et ils reposent désormais côte à côte dans le cimetière des Missions Africaines à Montferrier-sur-Lez.
Recherchez .../ Search...